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ayant les premiers donné des leçons d'agriculture à ce peuple long-temps nomade, et ayant introduit sur ses terres les animaux qui faisoient une partie de leurs richesses agricoles. Les mots qui indiquent les objets de mode, les choses de goût, ou qui tiennent aux beaux-arts, sont d'origine française ou italienne, ces deux nations ayant fourni à la Russie ses peintres, ses sculpteurs, ses architectes, ses instituteurs, ses maîtres de danse, de musique, d'escrime, et un grand nombre d'ouvriers de toute espèce. Enfin, les mots qui tiennent à la religion, au culte, au costume des prêtres, aux ornements d'église, et jusqu'à l'alphabet, prouvent évidemment que c'est aux Grecs du Bas-Empire que les Russes ont dû leur religion et leur instruction primitive.

Ici finit ma notice sur la côte, depuis Anapa jusqu'à Batoum. Avant de donner le journal de mes excursions dans l'ancienne Colchide, je dirai quelques mots sur la division actuelle de la Mingrelie.

La Mingrelie se divise en trois provinces.

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La première est la Mingrelie proprement dite, à laquelle on donne aussi le nom d'Odeschi. Elle a pour limites, au couchant, la mer Noire; au midi, la principauté du Gouriel; au

levant, l'Immirette, enfin, l'Ingour, au nord. A l'exception de quelques plateaux disséminés et d'une chaîne de montagnes peu élevées, du côté du monastère de Khopi, tout ce pays est généralement plat, et le sol, composé de débris de végétaux, est d'une fertilité à laquelle il est peu de contrées comparables. Cette partie de la Mingrelie, occupée sur plusieurs points par des postes russes, et garantie par des rivières profondes contre les incursions des peuples voisins, offre une entière sûreté aux habitants.

La seconde province est celle de Lesgune. Elle est placée sur la gauche de la Tskeniskal, et commence un peu au-dessus de Khoni, en s'étendant jusqu'au sommet du Caucase, et de la partie des montagnes occupées par les Souanes. Elle a pour limites, à l'orient, le canton de Radscha, un des quatre districts de l'Immirette. Le pays de Lesgune est entièrement montagneux, et l'air y est très-salubre.

La troisième province de la Mingrelie s'étend au nord jusqu'au cap Cador, et a pour limites la rivière de ce nom, le Corax des anciens, et au levant les Tchibelli, montagnes assez élevées. Cette province porte aussi le nom de Tmourakane et celui d'Abkazie. Elle fait partie des états

de Dadian; mais on peut dire qu'elle n'est soumise à aucune puissance. On n'y trouve que peu de terres cultivées et nulle population : c'est un véritable désert, qui tient lieu de défense et sert de barrière entre les Abazes et les Mingreliens.

Ainsi autrefois une immense steppe inculte séparoit les frontières de la Russie et de la Pologne des pays occupés par les Tartares. De vastes provinces dépeuplées forment encore aujourd'hui une première défense entre les états de l'Autriche et les états Ottomans. Enfin, dans toutes les provinces russes, au-delà du Caucase, on trouve des déserts aux frontières des états Turcs, Persans, Lesghis et Abazes.

On doit donc peu s'étonner si le pays qui sépare le cap Cador de l'Ingour est absolument privé d'habitants, et si des terres propres à toutes les productions de l'Europe, à toutes celles des tropiques, sont sans rapport et sans valeur. J'avois connu à Soukoum-Kalé et à Tiflis un prince de l'Abkazie qui est à présent commandant d'Anagris. Je lui demandai un jour quel prix il exigeoit pour quatre werstes carrées de terrain le long du fleuve. Il me répondit en riant: Si vous voulez vous y fixer, vous pouvez vous-même tracer les limites d'un domaine, et je ne vous

en demande ni prix d'achat, ni aucune rétribution.

Si la partie basse de la province de Tmourakane est privée d'habitants, le canton des montagnes renferme une population assez nombreuse, puisqu'on suppose qu'il contient près de huit cents familles.

Les montagnards se font remarquer par leur caractère courageux et vindicatif. Il y a cinq ans environ qu'un de leurs princes s'étoit absenté pour faire un voyage en Turquie. A son retour, il apprend qu'une princesse, avec laquelle il étoit fiancé, s'étoit mariée avec un autre. Se livrant alors à toute sa fureur, il se rend d'abord chez le père de celle qui l'avoit abandonné, et le poignarde. Il défigure ensuite la princesse elle-même, en lui coupant le nez et les oreilles, et, peu satisfait de cette vengeance, il assassine successivement le prêtre qui avoit consacré le mariage, et l'un des témoins qui y avoit assisté. Il rentre alors dans ses montagnes, et continue à y vivre tranquille, sans avoir été depuis lors inquiété en aucune manière.

Le père Archange Lamberti, qui, en 1672, habitoit le couvent de Sipias, près d'Anagri, nous apprend que le Dadian qui régnoit alors étoit le cinquième roi de sa race. Le chef étoit

un éristave, ou gouverneur pour les rois de Géorgie; il s'étoit révolté contre son souverain, et s'étoit déclaré indépendant. Il portoit alors le titre de chesilpe ou roi, Dadian étant le nom de sa famille. Ainsi, on peut présumer que le prince qui règne actuellement sous la protection de la Russie, et qui se nomme Levan-George, est au moins le douzième souverain de cette race, en comptant dans cette contrée, si sujette aux révolutions, la durée d'un règne à vingt

ans.

Ce prince est de moyenne taille et d'une constitution délicate; sa physionomie est douce et agréable. La princesse sa femme est sœur du prince Saratelle, un des plus riches seigneurs de l'Immirette. Elle donne, par sa grandeur et sa force, l'idée des anciennes Amazones. Elle ne manque pas de grâce, et sa figure est belle.

Pendant mon séjour à Kotaïs, j'ai fait la connoissance du prince Dadian, qui étoit venu passer quelques jours avec le prince Gortschakoff. Ses manières étoient polies et très-affables.

Le cortége de la princesse de Mingrelie, qui y arriva quelques mois après, se composoit de dix à douze femmes attachées à son service. Elles étoient à cheval comme la princesse, et

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