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cosaques

cosaques s'enfuyoient dans les bois, et je craignois que bientôt nous ne nous trouvassions privés de leur secours. Heureusement quelques roubles d'argent distribués à trois Mingreliens que les avoient maltraités, et la promesse d'une abaze (1) à chacun de ceux qui aideroient notre voiture jusqu'au premier village, opérèrent un effet merveilleux, et, à neuf heures du soir, nous arrivâmes chez le maire de Khopi, qui s'empressa de nous offrir l'hospitalité.

Le noble Mingrelien qui remplissoit les fonctions de chef de village était remarquable par sa haute stature et par sa force. Il portoit la barbe et des moustaches courtes. Ses traits étoient réguliers; mais, au milieu de l'expression de bienveillance qu'il nous manifestoit, il avoit plutôt l'air d'un seigneur féodal, sans cesse en guerre avec ses voisins, que d'un cultivateur paisible.

Sa maison, toute bâtie en bois, étoit tenue avec propreté. Elle n'avoit qu'une seule chambre, selon l'usage presque général du pays; elle étoit assez grande, et les deux lits de camp qui y étoient placés étoient couverts de tapis et de coussins. D'énormes troncs de chênes réunis sur le foyer, qui occupoit le centre de la chambre,

(1) 80 copecks ou centimes.

étoient allumés depuis long-temps, et nous rappeloient les larges cheminées de nos pères, les immenses souches qu'ils y brûloient, et leur manière de se chauffer. Elle nous parut d'autant plus commode, que nous avions tous grand besoin de nous sécher, après avoir été exposés à une pluie de six heures consécutives.

ans,

Georgighia étoit le nom de notre hôte. Il nous présenta sa femme. Elle étoit grande, svelte et très-belle. Quoiqu'elle eût déjà une fille de douze elle n'en avoit elle-même qu'à peine vingtsix, l'usage, dans toute la Mingrelie, étant de marier les jeunes filles dès l'âge de douze ans; leur nubilité se déclare souvent avant ce terme. Elle nous salua de la manière la plus affable, et pendant tout le temps que nous restâmes parmi elle conserva un air d'aisance qui nous étonna beaucoup.

eux,

Après leur avoir offert le thé, nous nous disposions à faire usage de nos provisions; mais notre interprète nous annonça qu'on nous avoit préparé à souper. Effectivement on ne tarda pas à placer devant nous un long banc sur lequel les domestiques, en assez grand nombre, vinrent à la suite les uns des autres ranger les mets qui nous étoient destinés. Ils consistoient en trois énormes morceaux de pâte de millet chaude, à

Jaquelle ils donnent le nom de gomi, et que l'on détachoit avec une truelle de bois de la chaudière de fer qui le contenoit. On plaça ensuite sur les bancs deux poulets rôtis, une grande gamelle de bois très-grossièrement travaillée, contenant des morceaux de chair de bouc, dont la sauce n'étoit que de l'eau froide, et enfin un fromage blanc fait avec du lait de chèvre. De grandes galettes de farine de maïs tenoient lieu d'assiettes et de pain.

Un esclave servoit d'échanson, et remplissoit nos verres à mesure qu'ils étoient vides. Quant à notre hôte et à ses commensaux, ils buvoient les uns dans une corne de touri, et les autres dans une espèce de vase de bois creusé et garni d'argent, auquel ils donnent le nom de coula.

Toute la famille et les amis de la maison s'étoient assis à table avec nous, mais sur des bancs séparés. La chambre en étoit remplie, et les portes étoient obstruées par une foule de curieux.

Le vin rouge que notre hôte nous fit boire ne manquoit pas de force; il étoit de bonne qualité, et n'avoit aucun rapport avec les vins qu'on vendoit au bazar de Redoute-Kalé.

Le repas achevé, comme nous n'avions pas voulu occuper seuls la chambre, le maître de la

I.

maison et sa femme couchèrent sur un des lits et nous fimes étendre nos matelas sur

de camp, l'autre.

Sa maison est placée sur un tertre garni de beaux arbres. A l'extrémité de ce tertre, se trouve une église construite en bois, avec beaucoup de soin, et qui n'étoit pas encore achevée. Les côtés de ce bâtiment sont formés avec des planches de chêne d'environ deux pouces d'épaisseur, bien polies, et rassemblées par un encadrement. Autour de cette église, on a conservé quelques frênes, des tilleuls et des ormes remarquables par leur grosseur.

Le maire de Khopi est propriétaire de trois cents disséatines (sept cent cinquante arpents) de forêts. Nous y reconnûmes l'espèce de bois que les Russes appellent crasnoya-dereva (bois rouge), et les Mingreliens outchelia. C'est une sorte d'if qui devient, dans cette contrée, d'une grosseur et d'une hauteur extraordinaires. Il est très-droit, et son écorce se détache comme celle du platane; sa couleur et ses veines lui donnent beaucoup de rapports avec l'acajou : il a, comme ce dernier, le défaut d'être un peu cassant. Il pourroit être utile pour l'ébénisterie, car il a le grain serré, et prend le plus beau poli. S'il étoit commun dans les forêts de la Mingrelie, ce

que

dont je n'ai pu m'assurer, comme il est, ainsi le tek de l'Inde, inaltérable dans l'eau, il pourroit, je pense, être propre à la construction navale; et s'il devenoit un objet d'exportation, il nous mettroit dans le cas d'avoir des vaisseaux d'une durée bien plus longue que ceux qui sont construits avec les chênes de la plupart de nos forêts.

Pour reconnoître les bons offices du chef du village, nous lui offrimes deux rasoirs, et une serpette pour tailler ses vignes. Encouragée par ces petits présents, sa femme nous demanda des ciseaux, un dé à coudre, des aiguilles, et, par-dessus toutes choses, elle attacha un trèsgrand prix à deux petites cuillères de métal qui faisoient partie de notre ménage de route; fantaisie que je m'empressai de satisfaire, et qui me prouva que, si ce peuple mange encore avec les doigts, s'il ne connoît pas l'usage des mouchoirs, s'il est étranger à tout ce qui est devenu de première nécessité dans les pays civilisés, rien ne seroit plus facile que de lui créer des besoins, en lui inspirant le goût des produits de nos manufactures, et de l'amener successivement à l'amour du travail et à des mœurs plus douces.. Ayant témoigné à mon hôte mon étonnement de ce qu'il ne tiroit aucun parti des frênes, des ormes, des bois rouges et des

noyers,

dont

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