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demment que ce village méritoit à juste titre la réputation d'être un des plus malsains de l'Immirette. Dans la soirée, le prince me proposa une promenade dans la belle prairie qui se prolonge depuis la maison occupée par le commandant jusqu'à la Tskeniskal. En la parcourant, je fus frappé des émanations des fleurs odoriférantes dont ce pâturage étoit couvert. Elles vicioient l'air vital, et il étoit impossible que cette circonstance n'eût pas la plus grande influence sur les fièvres putrides, malignes et intermittentes, qui régnoient à cette époque, et qui, tous les ans, emportoient plus d'un tiers. de la garnison. Je me rappelai alors ce que les voyageurs en Afrique nous racontent sur le danger du trajet de Saint-Louis à Galam, par le Sénégal, au moment où les arbres gigantesques qui bordent le fleuve sont en fleurs.

Aussi, lorsqu'à mon retour à Tiflis, le général en chef Yermoloff m'eut engagé à lui communiquer les observations que j'avois pu faire dans mon voyage, je ne manquai pas de fixer son attention sur l'insalubrité de Marane, et de lui en indiquer les causes. Depuis ce moment il a fait vérifier mes observations, et aujourd'hui le régiment des chasseurs placé dans une situation élevée, non loin d'Abacha, n'est plus

exposé aux maladies fréquentes, qui l'atteignoient dans son ancien cantonnement.

Nous restâmes deux jours à Marane pour nous y reposer. Nos bagages, qui avoient remonté le Phase, y étoient arrivés la veille.

De Marane à Kotaïs on compte quarante-deux werstes. Le pays qu'on parcourt pendant les vingt premières, jusqu'au poste de la Goubitskale, cesse d'être uniquement couvert de forêts. Un mélange heureux de pâturages, de champs de coton, de maïs et de vignes, au milieu desquels on a conservé une grande quantité de beaux arbres, donne à ce canton l'aspect d'un jardin anglais.

Le coton qu'on y cultive n'est pas assez abondant pour devenir un objet d'exportation. Il est filé dans le pays. On en fait des toiles communes; elles sont en grande partie teintes en rouge avec la garance sauvage qu'on y recueille. Ce coton est très-blanc, assez soyeux, mais à courte soie : c'est le coton annuel et herbacé.

La poste de Goubitskale, occupée par des cosaques (1), est placée dans une situation

(i) Toutes les postes dans les provinces russes au-delà du Caucase sont occupées par des cosaques du Don; ils y restent trois ans. Ce service leur compte comme service de guerre.

basse, humide et malsaine; elle est entre deux rivières : l'une n'est, pour ainsi dire, qu'un ruisseau; l'autre est la Goubitskale, que tantôt on passe à gué avec la plus grande facilité, et qui quelquefois devient un torrent large, profond et tellement rapide, que trois jours après notre passage nos bagages ne purent la traverser. Ceux qui les accompagnoient furent obligés de bivouaquer avec leurs chariots pendant trente-six heures, en attendant l'écoulement des eaux.

Après avoir passé la Goubitskale, et laissé sur sa droite un monastère d'hommes, on entre dans une forêt dont le terrain est pierreux et de la plus mauvaise qualité : aussi le taillis y est-il foible et clair-semé, la futaie basse et de mauvaise venue.

Avant d'arriver à Kotaïs, à environ six werstes de cette ville, on trouve sur la gauche un couvent de femmes. Lorsqu'elles aperçoivent des voitures, assez rares dans cette contrée, elles ont recours aux aumônes des voyageurs, indices certains que ce monastère n'a pas été richement doté par ses fondateurs.

En sortant de la forêt, et lorsqu'on n'est plus qu'à quatre werstes de Kotaïs, on découvre cette ville dans tout son ensemble. Pour se rendre dans la ville basse, où est placée la maison du

gouverneur, prince Gortschakoff, qui nous avoit offert l'hospitalité, on est obligé de suivre pendant près d'une demi-werste une chaussée extrêmement escarpée. Elle est appuyée contre une montagne assez élevée, et domine le Phase à plus de soixante pieds de hauteur. Ce chemin, trop étroit pour que deux voitures y puissent passer à la fois, étoit dans un tel état de dégradation, qu'on étoit exposé à chaque instant au danger d'être renversé dans le fleuve (1).

Avant d'arriver au pont qui sépare l'ancienne ville de la nouvelle, on est forcé de prendre les plus grandes précautions pour ne pas être entrainé, tant la descente est rapide. Le passage même du pont n'est pas exempt de dangers. Les culées sont en pierres, et m'ont paru d'un travail très-ancien; mais l'arche du milieu ayant été emportée dans une crue d'eau, le plancher qu'on y a substitué est placé sur des poutres, et si peu solide, qu'il est à craindre qu'il ne s'écroule un jour sous le poids de quelque voi

ture.

Le prince Gortschakoff avoit le projet de remplacer ce pont par un autre qui devoit être

(1) En 1823, ce chemin a été entièrement rétabli, et ne présente plus aucun obstacle aux voitures.

construit dans la ville basse : on éviteroit ainsi le chemin dangereux dont je viens de parler.

En arrivant à l'habitation du prince, nous le trouvâmes de retour de la veille avec son aidede-camp. Au lieu de venir d'Abacha à Marane, il avoit, de ce premier poste, traversé la Tskeniskal à peu de distance de la ville de Khoni, et ainsi il avoit épargné vingt werstes de chemin. En prenant cette route, les voyageurs de Redoute-Kalé peuvent éviter la position insalubre de Marane, et arriver plus promptement à Tiflis.

Kotaïs ou Cotatis, capitale de l'Immirette, et autrefois de toute la Colchide, est une ville de la plus haute antiquité. Le géographe d'Anville, si justement estimé pour ses savantes recherches et son exactitude, la considère comme la patrie de Médée. En admettant ce fait, sa fondation seroit pélasgienne, et antérieure de plus de douze cents ans à la naissance de Jésus-Christ, et de cinq cents à la fondation de Rome.

Il ne reste plus aucun vestige des premières constructions de cette ancienne ville. Peut-être ont-elles été couvertes par des constructions postérieures. C'est ainsi qu'à Murviédro, la célèbre Sagunte, on reconnoît évidemment, près des restes du temple de Diane, et sur le

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