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Depuis la veille, les eaux étoient baissées de trois pieds, et le courant étoit moins rapide. Malgré ce décroissement, le fleuve avoit conservé assez de profondeur. Seulement, de distance en distance, on rencontroit quelques écueils.

Sur ce point les immenses forêts, qui garnissent les bords du Phase depuis sa source jusqu'à son embouchure, présentoient des parties assez considérables de bois défrichés. Les plantations de mûriers étoient multipliées sur ces terres en culture. La soie qu'on y récolte se consomme dans le pays.

A Calitza, la pêche est assez ahondante; elle procure de très-beaux esturgeons, des saumons et des sterlets. Une partie de ce poisson est séchée et fumée, le reste est vendu frais pour la consommation des seigneurs de la Mingrelie et du Gouriel.

Le lendemain, les voyageurs partirent de Calitza à huit heures du matin; ils remarquèrent à une werste de distance, sur la gauche du fleuve, un monastère d'hommes : il est composé de plusieurs corps-de-logis en bois. Ces bâtiments sont en assez mauvais état. En face de ce monastère, on rencontre un banc de sable qui traverse le Phase dans presque toute sa largeur; il est formé par le défaut de courant, cette

partie du fleuve étant très-sinueuse. Tout le terrain de ce canton, sur une longueur de plu→ sieurs werstes, est sablonneux.

Après avoir fait sept werstes, ils s'arrêtèrent pendant une heure au village de Terasson, sur la gauche du fleuve, d'où ils continuèrent leur route jusqu'au village de Salikari, situé du côté de la Mingrelie. Ses habitants paroissent plus laborieux, et ont plus d'aisance que ceux des autres villages que les voyageurs avoient visités. Ils joignent à la culture du maïs et du millet celle du lin et du chanvre. Il seroit bien étrange que la culture du lin se fût conservée par tradition sur ce point de la Mingrelie, depuis l'époque où les Égyptiens vinrent y fonder une colonie, et y apporter avec cette plante, inconnue alors à ses peuples, l'art de la filer et d'en tisser des toiles. Leurs maisons étoient construites avec beaucoup de soin. Les bâtiments nécessaires à une exploitation étoient réunis dans des enclos séparés, comme si ces propriétés dépendoient de différents seigneurs. On remarquoit dans ces enclos un grand nombre de grenadiers en fleurs.

Nos voyageurs trouvoient avec facilité et à très-bas prix, dans tous ces villages, des poules, des œufs, du riz et de la farine de maïs. Les habitants étoient généralement obligeants, et les

femmes ne fuyoient pas à l'aspect des voyageurs, comme dans quelques autres cantons de la Mingrelie. De temps en temps on leur proposoit, sous main, de leur vendre pour le prix modique de 100 à 120 roubles d'argent (400 à 480 fr.) quelques jeunes filles, qui étoient souvent remarquables par leur beauté.

Près du village de Salikari, le pays qui borde la droite du Phase est assez plat, pendant que la côte attenante au Gouriel est élevée.

Le dimanche 7-19, ils quittèrent Salikari à quatre heures du matin, et arrivèrent à onze heures à Codaru, qui en est éloigné de dix werstes. Le Phase est ici assez rapide.

Codaru se compose d'environ soixante maisons placées sur la droite du fleuve. Sa position est élevée et très-saine. Sous ce double rapport, elle mérite de fixer l'attention du commerce. Vis-à-vis de Codaru, le Phase est partagé en deux bras par une île de près de trois werstes de tour. On y trouve une baie commode, où les bateaux qui naviguent sur le fleuve sont en sûreté contre le courant. Le prince Gortschakoff a fait construire sur cette île, en 1821, un bâtiment ponté d'environ quarante tonneaux. Cette construction fait plus d'honneur au zèle qu'au talent de l'officier de marine qui s'en est chargé.

On y bâtit aussi, dans ce moment, une caserne. Il seroit facile d'établir sur cette ile un trèsbeau chantier de construction pour la navigation du Phase. La coupe du terrain, sur ce point, présente, depuis la surface jusqu'à cinq pieds de profondeur, une couche de terre grasse mêlée de sable, et au-dessous, une excellente terre à potier, d'un beau grain de couleur grise.

Quelques marchands de Codaru trafiquent avec les Turcs on y trouve aussi des teinturiers, qui font grand usage de la garance de Guendje, aujourd'hui Élisabeth-Pol; ils se servent aussi d'indigo. Les toiles de coton teintes, dans ces fabriques, jouissent de quelque réputation pour l'éclat et la solidité des couleurs.

Partis de Codaru à midi, pour se rendre à Catila, qui en est distant de huit werstes, ils y arrivèrent à six heures du soir pour y passer la nuit.

Les habitants de ce village, placés sur la droite du fleuve, s'empressèrent d'offrir leurs maisons aux voyageurs, qui, pour quelques paras (1), obtenoient les provisions dont ils avoient besoin. Ils trouvoient rarement des moutons à acheter,

(1) La piastre turque se divise en 40 paras, qui, depuis que la piastre est tombée progressivement de 2 fr. 50 cent. à 9 sous, équivalent aujourd'hui aux centimes.

mais ils se procuroient facilement une chèvre ou un jeune bouc pour 3 ou 4 abazes (2 francs So centimes à 3 francs 60 centimes).

Dans tout ce canton, les sangliers, les cerfs et les chevreuils étoient assez communs, et la quantité de faisans qu'ils apercevoient sembloit justifier l'opinion qui attribue aux Argonautes, à leur retour de la Colchide, l'importation de cet oiseau en Europe.

Les princes Mingreliens sont encore dans l'usage de faire la chasse aux faisans avec des faucons. A cet effet, chaque seigneur a deux ou trois esclaves, dont les seules fonctions consistent à apprivoiser ces oiseaux, et à les accoutumer à revenir sur le poing.

La pluie qui nous avoit accablés le dimanche, pendant notre voyage par terre, de RedouteKalé à Marane, n'avoit pas épargné nos voyageurs, et elle continua pour eux comme pour nous pendant toute la matinée du lundi; circonstance qui prouve suffisamment que, dans la Mingrelie, les pluies sont rarement locales, et qu'elles embrassent ordinairement la totalité de cette contrée plate, couverte de bois et entourée de hautes montagnes.

Nos voyageurs partirent de Catila à sept heures et demie du matin, passèrent vers neuf heures

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