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jambe ou d'un œil, le plaideur qui avoit tort, et souvent celui qui avoit raison.

Lorsque le chef du district eut terminé son audience, il nous accompagna à une église de construction gothique; elle est placée à l'extrémité de la prairie opposée au bazar, et a fait autrefois partie d'un monastère. Sa fondation remonte, je pense, au douzième ou au treizième siècle. Parmi les ornements sculptés, nous reconnûmes les rosaces et la figure des mêmes animaux que nous avions remarqués sur le portail de l'ancienne cathédrale de Kotaïs. Ce temple est bati en gros cailloux disposés par assises, et liés par du ciment et de l'argile, au travers desquels perçoient quelques figuiers séculaires, témoins vivants de l'ancienneté du monument. Cette église est entourée de murs épais et élevés, garnis de créneaux et de meurtrières, et assez forts pour mettre les religieux et les habitants qui se retiroient dans cette enceinte, à l'abri des dangers qui accompagnoient les incursions des Mingreliens et des Abazes.

Koni se trouvant sur la route directe qui conduisoit de Kotaïs à Anagri et à Dioscurias, il est vraisemblable que ce monastère faisoit partie des forteresses qui ont été construites pour la sûreté des caravanes et du commerce.

Après avoir examiné ces ruines, nous allâmes visiter quelques maisons de cultivateurs Immirétiens. Toutes étoient bâties sur le modèle de celles dont j'ai donné la description dans mon voyage de Redoute-Kalé à Kotaïs. Elles n'avoient qu'une chambre très-vaste, quelquefois précédée d'une antichambre ou d'un vestibule, ayant deux portes l'une vis-à-vis de l'autre, et au lieu de fenêtres, des ouvertures de quatre à cinq pouces

carrés.

Au milieu du foyer, on avoit placé d'immenses marmites en fer, contenant, les unes, de la farine de maïs (koukourous), les autres, de cette farine de millet, à laquelle on donne le nom de gomi.

Toutes les femmes fuyoient à notre aspect; mais, par un sentiment naturel de curiosité et de coquetterie, elles ne négligeoient rien pour nous voir et même pour être vues.

Une seule, âgée de plus de cinquante ans, partageant le caractère processif de ses compatriotes, poursuivit pendant près d'une werste le malheureux chef du district, employant tantôt les sollicitations, tantôt les larmes, et se laissant enfin aller à la colère et aux invectives, pour obtenir une justice qui, disoit-elle, lui étoit refusée,

Après avoir admiré la richesse du sol et la beauté du pays, nous revinmes chez le chef du district, qui nous avoit offert l'hospitalité pour la nuit. Cet officier Russe est marié avec une Immirétienne qui lui sert d'interprète.

Le lendemain, à six heures du matin, nous nous remimes en route. Deux princes Immirétiens, dont l'un, le prince Tchitchevasy, est chargé de l'inspection du district de Koni, deux greffiers, le chef du district, trois cosaques de sa dépendance, et quatre chevaux de bât chargés de provisions, grossirent alors notre caravane, qui s'achemina vers le Phase, que nous devions traverser entre l'embouchure de la Goubitskale et celle de la Tskeniskal.

Le pays que nous parcourûmes d'abord est généralement plat et garni de belles parties de bois entremêlées de prairies et de terres cultivées.

Au taain dont alloient nos chevaux, de petite taille, nous faisions six werstes, ou une lieue et demie à l'heure. Après deux heures de marche, nous nous arrêtâmes à Tchichachi : c'est un village assez peuplé et dans une très-belle position; il fait partie des vastes propriétés de trois princes Immirétiens très-attachés à la Russie; ils ont des grades dans l'armée : l'un d'eux a le rang de major, et a reçu de Sa Majesté Impériale un

sabre à poignée d'or, en récompense des preuves de courage et de fidélité qu'il a données pendant la révolte de 1820.

Le prince-major nous fit très-bien les honneurs de son manoir; il donna l'ordre d'étendre des tapis et des coussins dans la belle prairie où sont placés sa maison d'habitation et les bâtiments qui servent au logement de ses esclaves. Nous déjeûnâmes sous d'énormes noyers, dont le feuillage épais nous mettoit entièrement à l'abri des rayons du soleil.

Les Russes ont introduit dans cette contrée l'usage du thé; cette boisson fait aujourd'hui partie du luxe des seigneurs Immirétiens, et, par suite, il leur fait vivement desirer de belles porcelaines, des théyères d'argent, des cuillères de vermeil.

Il n'y avoit pas un quart-d'heure que nous étions assis, lorsque nous vîmes arriver un des frères du major, quelques princes du voisinage et un grand nombre de nobles et de commensaux de leurs maisons.

L'usage des tables n'a pas encore pénétré en Immirette; on y supplée par des bancs étroits, sur lesquels on place les mets destinés aux convives. On se sert généralement de galettes de maïs comme assiettes, et, depuis quelque temps,

d'une poterie commune qui se fabrique dans le pays.

Le dîner fut servi par un grand nombre de serfs, qui se suivoient processionnellement. L'un apportoit des soupes entremêlées de viandes et d'œufs; l'autre, des ragoûts de mouton; venoient ensuite des fricassées de poulets, des œufs durs, des écrevisses, du poisson, des volailles rôties, des galettes, une grande chaudière remplie de gomi; enfin, quatre énormes brocs de cuivre remplis de vin étoient apportés par autant d'esclaves.

Chaque serviteur avoit son département. Celuici, avec une truelle d'argent, prenoit d'énormes portions de gomi, ou pâte de millet, qu'il plaçoit devant chacun des convives; deux autres découpoient les viandes; les échansons, tenant chacun un de ces énormes brocs, remplissoient continuellement les verres et les vases de diverses formes dont on se servoit pour boire; quelques-uns enfin surveilloient le service en général.

Nous étions placés à un banc; le chef du district et l'ingénieur à un autre; les princes et les nobles en occupoient un grand nombre; les commensaux de la maison et les esclaves étoient debout.

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