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assez grand nombre de seigneurs Immirétiens de leur connoissance. Nous ne tardâmes pas à être les meilleurs amis du monde, grâces surtout à l'intervention du bere ou pope, qui s'empressa de venir au devant de nous.

L'usage des anciens rois de Géorgie, d'Immirette et de la Mingrelie, avoit toujours été de promener leur oisiveté chez leurs divers vassaux et tenanciers; ils s'y installoient avec leurs chevaux et leur nombreuse suite; ils mangeoient et buvoient aux dépens de leurs hôtes, et ne les quittoient que lorsque leurs jarres ne contenoient plus de vin, que leurs greniers étoient vides, que leurs poules et leurs chèvres étoient mangées.

Depuis que les Russes possèdent l'Immirette, cet usage, comme je l'ai déjà fait observer, est presque entièrement aboli; mais le souvenir en étoit encore trop récent pour qu'une compagnie aussi nombreuse que la nôtre ne dût pas effrayer les habitants de Saposniawo. Dès qu'ils surent qu'on ne leur demandoit l'hospitalité que pour un seul jour, ils en remplirent tous les devoirs avec le plus grand empressement.

La distribution des approvisionnements nécessaires pour tant de personnes fut dans un instant répartie par le pope entre tous les habi

tants, et une heure s'étoit à peine écoulée, que nous vîmes arriver une multitude de mets. Le repas eût été bon, si les Immirétiens n'avoient pas, comme c'est leur usage, mêlé dans tous les plats une espèce de mélisse sauvage qui leur donne un goût détestable.

On nous servit au dessert des gaufres d'un miel auquel on donne le nom de miel de pierre, parce que les abeilles placent leurs essaims dans les rochers. Il n'existe pas de miel d'une meilleure qualité. L'éducation des abeilles est l'occupation principale des habitants de ce village. Dans un seul jardin, nous comptâmes soixante troncs d'arbres servant de ruches. L'ancienne Colchide, couverte de forêts, est une des contrées où les essaims se sont le plus multipliés. On suppose que la récolte et la vente de la cire en Immirette dépasse deux cent mille ockes, environ six cent mille livres, qui se vendent par petites parties aux marchés de Kotaïs, de Koni et de quelques autres villages. Des marchands Arméniens rassemblent la cire, la mettent en gros pains, et l'expédient ensuite à Constantinople par Redoute-Kalé, ou la vendent à des marchands d'Akhaltzikhe. On peut évaluer le prix de la cire, dans le pays, de 5 à 6 abazes (4 fr. à 4 fr. 8o c.) l'ocke de trois livres deux onces

de Russie, prix très-élevé, mais sur lequel les marchands Arméniens font encore des profits, parce qu'au lieu de payer la cire en argent, ils l'obtiennent en échange de marchandises, sur lesquelles ils s'assurent d'abord un gros bénéfice.

Les habitants de Saposniawo ont planté des vignes dans les portions de leurs immenses forêts qu'ils ont défrichées, et comme elles croissent au milieu des rochers et dans un terrain crayeux, les vins qui en proviennent sont généralement d'une bonne qualité. S'ils savoient les faire, les soutirer, leur donner toutes les façons qui contribuent à la perfection des vins de France, et si surtout ils leur faisoient subir une fermentation convenable, ces vins pourroient supporter sans danger le trajet de la mer, et devenir un article important d'exportation pour les ports Russes de la mer Noire.

Pendant l'insurrection de 1820, les habitants de cette contrée frontière de la Turquie, excités peut-être par les Turcs, ont pris part aux troubles, et c'est dans leur voisinage que les premières hostilités ont eu lieu; ils fournissent, avec quelques villages environnants, des hommes armés pour la surveillance de la frontière.

Nous devions partir le lendemain à quatre heures du matin, pour nous rendre à la forêt de Saposniawo; mais, bien que nous nous trouvassions déjà sur un plateau extrêmement élevé, il nous restoit encore quatre werstes à parcourir presqu'en ligne perpendiculaire avant de parvenir à la forêt même.

On mit plus de deux heures pour y arriver à pied, tant la route étoit difficile. La montagne sur ce point est composée de quartz et de marbre blanc très-pur. Parvenus à la forêt, on trouve une maison en bois qui sert de corpsde-garde. Un poste de quarante Immirétiens у

est établi.

Dans ce canton élevé et salubre, les chênes sont assez rares. Les hêtres, les châtaigniers, les tilleuls, les ormes et les frênes sont les arbres les plus communs. Le laurier ordinaire se trouve dans toutes les hautes montagnes de l'Immirette, et le laurier-rose n'est pas moins abondant le long des ruisseaux.

On remarque aussi dans cette forêt beaucoup d'arbres fruitiers, tous sauvages, et une espèce d'orme qu'on nomme, en géorgien, tella, et dont les feuilles sont extrêmement larges. Ce canton, qui jamais n'a été visité, mériteroit d'être parcouru par quelques botanistes; ce qui

aujourd'hui seroit facile, et ne présenteroit aucune espèce d'obstacles ni de dangers.

De retour au village, on nous servit un diner au moins aussi abondant que le souper de la veille. Le repas achevé, les officiers Russes civils et militaires voulurent faire la sieste, et nous nous décidâmes, mon frère et moi, à faire à pied les douze werstes qui nous séparoient du village de Sevalepy, où la caravane devoit s'arrêter pour y passer la nuit. C'étoit une véritable promenade, d'autant que nous n'avions qu'à descendre, et que le pays étoit magnifique. Le frère du seigneur du village de Psuani se chargea de nous accompagner, et de nous servir de guide. Nous avions aussi avec nous un piéton du village, auquel s'étoit joint un cosaque. Le sentier par où nous descendions étoit un peu plus large et meilleur que celui que nous avions

suivi la veille..

Nous traversâmes trois fois sur des planches longues et étroites le ruisseau rapide dont j'ai déjà parlé, et nous arrivâmes, après quatre heures de marche, à notre destination. A deux werstes du village, on aperçoit sur la gauche un vieux château en pierres blanches, situé sur un pic presque inabordable; il est de niveau avec le village où nous avions passé la nuit, et

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