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il est conséquemment dominé par la chaîne de hautes montagnes, sur lesquelles se trouve la forêt de Saposniawo. Ce château a servi de refuge à des rebelles pendant la dernière insurrection.

Peu après notre arrivée à Sevalepy, nous ne tardâmes pas à être rejoints par nos compagnons de voyage. Le seigneur du village nous donna l'hospitalité.

Le lendemain, nous partîmes à sept heures du matin, avec l'intention d'aller dîner au village d'Herity, éloigné d'environ douze werstes. C'est une des propriétés et l'habitation principale du prince Tchitchevasy. Le pays que nous parcourûmes pour y arriver étoit véritablement digne d'admiration. Les forêts y sont peu touffues et entremêlées de pâturages et de vignes cultivées. Les habitants sont dans l'usage de les enclore, et ils leur donnent alors le nom de jardin. Ces propriétés sont tellement chères dans toute l'ancienne Colchide et dans la Géorgie, qu'on est étonné qu'il ne s'en forme pas davantage. A moitié chemin, nous nous arrêtâmes à un très-riche village, dont l'aspect me rappeloit les plus beaux bourgs de la Flandre, entre Bruxelles et Gand.

Un des frères du prince commandant le dis

trict y demeuroit, et il s'empressa de se réunir à notre caravane avec un prince de ses amis, et un assez grand nombre de nobles et d'esclaves, les uns à pied, les autres à cheval.

Nous nous arrêtâmes un instant sur la place du village, où l'on nous présenta d'assez bon vin, que nous bûmes sans descendre de cheval. Un Arménien y occupe une boutique où il vend de l'eau-de-vie pour le compte du fermier de la couronne, quelques produits des manufactures de la Russie, et des marchandises venues de Constantinople, qui conviennent à la consommation des habitants.

Vers les dix heures, nous entrâmes dans l'enclos du prince Tchitchevasy. Cet enclos est dans une position élevée, et garni de noyers d'une grosseur démesurée. On étoit prévenu de notre arrivée, et on nous avoit préparé un repas splendide. Le nombre des convives étoit de quatre-vingts au moins.

L'habitation du prince paroissoit vaste et commode; elle étoit placée au fond de la prairie, autour de laquelle il y avoit un grand nombre de maisons particulières. Les tapis, les bancs, les coussins étoient posés sous un groupe de beaux arbres, à portée du bâtiment destiné aux étrangers.

A peine étions-nous assis, que nous vîmes arriver le père du prince : c'est un vieillard respectable. Selon la coutume de ses ancêtres et d'un grand nombre de ses compatriotes, ses cheveux, sa barbe et ses moustaches étoient teints en roux presque rouge (1). Cette couleur est tellement à la mode parmi eux, qu'on voit de très-jolis enfans dont les cheveux, presque toujours bruns ou noirs, ont été défigurés par une couleur rousse extrêmement marquée. On vend dans les bazars la poudre d'une plante nommée henna, qui sert à cet usage, et à teindre les ongles des mains, des pieds, et souvent la plante des pieds mêmes. Il est vraisemblable que cette coutume leur vient des Persans, chez qui elle est générale. Par suite de cette passion pour la couleur rousse, on rencontre fréquemment des chevaux gris et blancs, dont la crinière et la queue sont teintes en cette couleur.

Peu après que nous nous fùmes mis à table, deux des esclaves du prince, qui se tenoient debout, chantèrent du ton le plus plaintif une chanson improvisée qui avoit rapport aux choses

(1) L'usage de teindre les cheveux en roux n'est pratiqué ordinairement que par les enfants et les hommes âgés.

les plus insignifiantes, au milieu desquelles il y avoit toujours quelques compliments pour nous.

Le repas fut long et abondant, et, par suite des instances réitérées de nos hôtes, nous fumes obligés de boire beaucoup plus que de coutume d'un vin fort et capiteux. Au dessert, le bon vieillard, après avoir séparé ses moustaches et vidé son verre à ma santé, vint m'embrasser ; il le fit ensuite remplir, et me le présenta; j'allai à mon tour embrasser son fils, et lui offrir mon verre, qui, en un instant, fut rempli et vidé, et passa ainsi de main en main à tous les convives, en suivant, à cet égard, l'ordre supposé de leur rang et de leur âge. Cette manière de boire n'est en usage que lorsqu'on veut faire honneur à un convive. On croit aussi lui donner une preuve d'affection toute particulière, en lui présentant un morceau de queue de mouton, après l'avoir trempé dans la sauce.

Le repas ayant duré fort long-temps, et le repos habituel s'étant prolongé jusqu'à quatre heures, il en étoit cinq lorsque nous remontâmes à cheval.

J'étois d'autant plus contrarié de ce retard, que nous nous étions proposé d'aller visiter un bain d'eau sulfureuse situé dans les montagnes, à douze werstes de la demeure du prince.

D'après ses ordres et ceux du chef du district, on nous y avoit préparé des balagans ou sy cabanes en feuillages pour nous y reposer quelques heures, notre intention étant de revenir chez le prince pour y passer la nuit.

Le chemin qui conduit au bain étoit presque aussi difficile et aussi dangereux que celui que nous avions parcouru la surveille pour nous rendre au village de Saposniawo. Mêmes rochers, mêmes escarpements, même torrent impétueux, dont il falloit continuellement traverser les sinuosités. Aussi fûmes-nous assez fréquemment obligés de descendre de cheval, et de faire à pied des portions de route assez considérables. Malgré ces difficultés, en moins de deux heures, nous parvînmes au bain, dont l'aspect a quelque chose d'antique et d'imposant. Sa forme a extérieurement beaucoup de ressemblance avec le tombeau de Virgile au MontPausilippe. L'ancienne entrée est aujourd'hui fermée, et l'on y pénètre par une brèche. Il est construit en gros cailloux disposés par assises, et liés avec un ciment très-dur. Sur ces cailloux sont placés plusieurs rangs de briques, ou plutôt de tuiles d'un pouce d'épaisseur sur vingt pouces carrés.

La grosseur des figuiers et des lauriers qui

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