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tants de ce village étoient accoutumés à se défendre contre les vagabonds Turcs, qui faisoient de temps en temps des incursions sur leurs terres, et venoient enlever leurs femmes, leurs enfants et leurs bestiaux. Vraisemblablement ils usoient quelquefois de représailles, et comme ils étoient presque toujours dans un état d'hostilité, ils n'ont généralement pas l'air de bonté et de soumission des habitants d'un grand nombre de villages que nous avions parcourus. Depuis que l'Immirette est soumise à l'empereur Alexandre, les incursions des riverains du pachalick d'Akhaltzikhe ont presque entièrement cessé. Sous le roi Salomon, ils entroient fréquemment et en grand nombre sur ses terres, enlevoient ses sujets et refusoient de les rendre, sous le vain prétexte qu'on ne connoissoit pas les coupables.

Dans toute cette partie de l'Immirette, les peupliers d'Italie et les tilleuls étoient les arbres les plus communs; on y voyoit aussi beaucoup de figuiers et de lauriers.

Nous partîmes vers les deux heures de Duableby, et nous ne tardâmes pas à nous retrouver au bain d'où nous avions fui la veille, et où l'orage n'avoit laissé aucune trace des frêles balagans qu'on nous avoit construits.

Nous mêmes deux heures pour faire les douze werstes qui séparent ce village de celui de Souani, où nous nous proposions de passer la nuit. On descend presque sans interruption entre ces deux points, traversant continuellement les sinuosités de la rivière. Les montagnes sont généralement composées de masses énormes de quartz et de marbres blancs. Dans une ancienne carte manuscrite de l'Immirette, que j'ai jointe à mon voyage, ces montagnes sont indiquées comme contenant des mines d'argent : cependant je n'ai pu obtenir aucuns renseignements, ni sur leur ancienne exploitation, ni même sur leur gisement. La maison du noble Immirétien auquel appartient le village de Souani est placée sur un des plus beaux plateaux que nous ayons rencontré dans toute cette première excursion. De là, on découvre vers l'occident tout le Gouriel couvert de bois et entremêlé de riches vallées, et au-delà, la mer Noire, ainsi que les hautes montagnes qui séparent Trébizonde d'Erzeroum, le Phase et ses nombreuses sinuosités jusqu'à son embouchure dans la mer; vers le nord, toute la Mingrelie, les montagnes de l'Abazie, et dans le lointain, la grande chaîne du Caucase et ses cimes élevées couvertes de neige; enfin, dans la même direction, mais plus

à l'orient, on aperçoit Kotaïs, le beau monastère de Gaelaeth, et le camp d'un bataillon du régiment de Mingrelie, placé près des ruines de l'antique Schorapana.

On ne pourroit choisir une position plus admirable et plus salubre pour un grand établissement agricole, et cependant la maison où nous passâmes la nuit ne paroissoit pas habituellement occupée. En l'absence du propriétaire, nous fùmes très-bien traités par les habitants du village de Souani. Nous en repartimes de bonne heure le lendemain, jeudi 16 juillet, dans l'intention d'aller le même jour coucher à Kotaïs.

Depuis la maison que nous venions de quitter jusqu'aux bords du Phase, on descend presque sans interruption pendant huit werstes. Ainsi, on peut juger combien le canton où sont placées les eaux sulfureuses dont j'ai donné la description, est élevé au-dessus de la mer. Tout ce pays est couvert de forêts, parmi lesquelles nous remarquâmes fréquemment des portions de bois très-considérables, auxquelles on avoit mis le feu pour en opérer le défrichement.

Arrivé sur les bords du Phase avec le nombreux cortège des princes, des nobles et des serfs Immirétiens qui successivement avoient

grossi notre caravane, nous fîmes avec eux le repas d'adieux, et nos remercîments furent d'autant plus sincères, que, pendant toute cette excursion, leurs soins, leurs égards et leur obligeance ne s'étoient pas démentis un seul ins

tant.

A l'aspect de la tranquillité du pays que nous venions de parcourir, de l'aménité des habitants, de la sûreté dont nous avions joui, il nous étoit difficile de reconnoître la Colchide, telle qu'elle a été décrite par Chardin en 1672.

Alors ce voyageur célèbre, dépouillé en Mingrelie d'une partie de sa riche pacotille, ne parvint qu'avec la plus grande peine, et avec l'aide si courageux des Capucins de Tiflis et de Gori, à sauver ses richesses de la rapacité des rois de la Mingrelie, de l'Immirette et de la Géorgie, et des violences des Turcs d'Akhaltzikhe qui dictoient en maîtres leurs volontés aux deux souverains de l'ancienne Colchide.

Après nous être séparés de nos compagnons de voyage, nous traversâmes le Phase à environ six werstes au-dessus de la Goubitskale. Les cayouques dans lesquels nous nous embarquâmes faisoient eau de toutes parts; mais bientôt ils furent vidés, calfatés avec de l'herbe, et en quelques instants deux bateliers nous pas

sèrent sur la droite du fleuve, que nos cosaques et nos chevaux traversèrent à gué.

Remontés à cheval, nous parcourûmes pendant huit werstes des forêts assez touffues; et, après avoir traversé une rivière peu large, mais assez profonde, nous arrivâmes au village de Spotchunty, où nous nous proposions de diner.

Le district de Vacca que nous venions de parcourir, se compose d'une plaine extrêmement fertile, depuis Koni jusqu'au Phase, et d'une partie montagneuse, celle que nous avons parcourue en dernier lieu. Celle-ci est trèssalubre; dans l'autre, on est souvent exposé aux fièvres intermittentes.

En l'absence du seigneur de Spotchunty, son frère s'empressa de remplir envers nous les devoirs de l'hospitalité. Nous remarquâmes avec plaisir sur la table des couteaux, des fourchettes et des gobelets d'argent, indices de nouveaux usages et de nouveaux besoins. Les exemples donnés par quelques princes s'étendront dans peu d'années à toute la contrée.

Après nous être reposés pendant quelques heures, nous primes congé du chef du district de Vacca, et nous partîmes avec l'ingénieur Sonin et nos cosaques pour Kotaïs, distant de dix-huit werstes du village de Spotchunty.

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