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doit pas; on ne leur avoit préparé ni les logements, ni les approvisionnements qui leur étoient nécessaires. Ces contrariétés sont aujourd'hui oubliées, et les Allemands ont, dans ces derniers temps, vendu leurs grains à des prix si élevés, qu'ils sont à présent dans l'aisance. Nous en retrouverons plus tard un grand nombre en Géorgie, où ils ont été attirés, les uns par leur inconstance, les autres par leur superstition qui les a déterminés, dans la crainte d'un nouveau déluge, à se rapprocher du mont Ararat, sur lequel alors ils espèrent pouvoir se réfugier.

Outre les Bulgares, les Grecs, les Juifs et les Allemands, on trouve dans le territoire d'Odessa un assez grand nombre de propriétés cultivées par des Russes, qui sont des serfs fugitifs, ou qui ont été envoyés du nord de la Russie par leurs seigneurs, devenus propriétaires dans cette contrée.

En 1814, on trouvoit dans les trois gouvernements de Katerinoslav, de Kherson et de la Tauride,

Trente cinq mille Allemands des deux sexes,
Treize mille Bulgares et Moldaves,

Sept mille Juifs,

Quatre mille cinq cents Russes,

Quinze cents Grecs.

Les Allemands, les Bulgares et les Russes ont prospéré depuis lors, et leur nombre a beaucoup augmenté. Une partie des Juifs a abandonné la culture des terres pour se fixer à Odessa, où le commerce les a attirés. Parmi les Grecs, il en est de très-riches; mais la plupart se sont livrés à un commerce de détail très-peu lucratif.

Indépendamment des colonies dont je viens de donner l'aperçu, des Français, des Suisses, des Hollandais possèdent de grands établissements agricoles dans la Russie méridionale.

Parmi ces établissements, on doit distinguer celui de feu M. Rouvier de Marseille, dont les deux filles, mariées à M. le général Potier et à M. Vassal, possèdent trente-cinq mille disséatines, environ quatre-vingt-sept mille arpents de France, et trente-cinq mille mérinos. La langue de terre à laquelle on donne le nom de Cursus Achillis, située presque à l'entrée du golfe de Pérécop en Crimée, fait partie de ce domaine.

Après M. Rouvier, on peut citer M. Pictet, de Genève, qui, en même temps que le premier importoit ses mérinos par mer, en faisoit venir. un nombreux troupeau par terre depuis Genève jusque sur les bords de l'Ingoulet; ensuite M. Reveillod, qui possède vingt-quatre mille

disséatines (cinquante mille arpens), et vingt mille mérinos, sur la gauche du Boug.

M. Paw, hollandais, possède aussi dans cette contrée un immense domaine, remarquable par les nombreux mérinos qu'il y entretient, et pár une fabrique de draps.

Enfin, un allemand, M. Fitsch, y régit depuis environ quinze ans, pour le prince de Wurtemberg, une belle terre à sept lieues d'Odessa.

Tous ces propriétaires, et un grand nombre d'autres qu'il est inutile de nommer, possèdent, outre une grande quantité de mérinos, beaucoup de gros bétail et de chevaux.

Près de ces possesseurs d'immenses domaines, un célèbre pépiniériste des environs de Paris, M. Descemet, est venu diriger à Odessa un terrain d'environ quatre-vingts arpents consacré en entier à l'éducation des arbres. En 1814, sa belle pépinière de Saint-Denis fut détruite, sous le prétexte que cette destruction entroit dans le plan de défense de Paris. Ruiné par cet événement, il accepta l'offre qu'on lui fit de transporter sur les bords de la mer Noire, au milieu des steppes nues de la Russie méridionale, l'industrie qui l'avoit enrichi en France. Appuyé par les gouverneurs généraux, les comtes de Langeron et Woronzoff et le comte Severyn Potocky, ses

succès ont dépassé ses espérances. Déjà ses pépinières procurent aux propriétaires tous les arbres fruitiers et forestiers dont ils ont besoin. Il leur a inspiré le goût des plantations, et cette heureuse innovation aura la plus grande influence sur l'aspect de la contrée, sur sa prospérité agricole, et sur le climat même, en procurant des abris aux terres qui auparavant étoient exposées aux vents froids de la Russie et aux vents humides de la mer.

Je ne puis mieux finir mes observations sur les progrès de l'agriculture de la Nouvelle-Russie, qu'en citant un fait extrait d'une notice que m'a remise M. le duc de Richelieu, et qui est écrite de sa main.

<«<L'hiver de 1812, de si célèbre et de si désas>> treuse mémoire, se fit sentir dans la Russie » méridionale avec une violence et des résultats » auxquels il étoit difficile de s'attendre.

» A la suite de nombreux méteils (1), qui sur>> vinrent à de courts intervalles les uns des >> autres, il périt cent deux mille chevaux, deux >> cent cinquante mille bêtes à cornes, et plus >> d'un million de moutons.

(1) Espèce d'ouragans accompagnés de neige qui surviennent fréquemment dans les plaines nues de la Russie méridionale pendant l'hiver.

>>> Cette perte, qui, dans toute autre contrée, >> eût paru immense, fut si peu sensible dans la >> Nouvelle-Russie, que le prix de ces animaux » n'éprouva aucune hausse. »

Ici se bornent les détails que j'ai cru devoir donner sur une ville que déjà tant de voyageurs instruits ont suffisamment fait connoître. J'y attendis pendant près d'un mois la frégate qui devoit arriver de Sébastopol. Elle jeta l'ancre dans la rade le 12-24 mai, et nous nous y embarquâmes le 16-28.

Le comte de Langeron, alors gouverneur général de la Russie méridionale, dont les soins, la protection et l'amitié avoient si puissamment contribué à l'agrément et aux succès de mes voyages, voulut me faire ses adieux à bord de la frégate; et M. de Ribaupierre, dont j'avois eu aussi beaucoup à me louer pendant mon séjour à Pétersbourg, desira être de la partie.

Le temps étoit superbe, et le vent favorable pour notre départ. Le capitaine avoit dès le matin voulu s'assurer si l'ancre pouvoit se retirer avec facilité de la glaise épaisse et tenace qui forme le fond de la rade d'Odessa. Son épreuve avoit réussi, et tous les préparatifs étoient faits pour que rien n'empêchât de mettre à la voile aussitôt après notre embarquement; mais cette

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