rantissent contre les transitions trop subites du chaud au froid. Ce régime les rend peu accessibles aux fièvres intermittentes, et a contribué à conserver à ce peuple la beauté et la force qui l'ont fait citer comme le modèle de l'espèce humaine. Le poste des cosaques à Tchelabory, loin d'être placé sur un de ces plateaux conservateurs de la santé, occupe la partie basse de cette plaine. Aussi presque tous les soldats ont-ils la fièvre pendant l'été et à l'automne; et, comme dans leur convalescence ils sont incapables de ménagements, que leur régime alimentaire est peu approprié à ce qu'exigeroit leur rétablissement, on calcule que le cinquième environ des cosaques de ce poste et de beaucoup d'autres, dont la situation a été aussi mal choisie, meurt dans les trois années de service auxquelles ils sont astreints. Les bords de la Tchelabory, au point où se trouve le gué, renferme une grande quantité de pyrites ferrugineuses et cuivreuses; il est vraisemblable qu'elles détériorent la qualité de l'eau de cette rivière, et cette circonstance peut contribuer aux maladies qui affectent les soldats de ce poste. Après avoir traversé la Tchelabory, nous par courûmes une plaine de quinze werstes qui sépare cette poste de celle qu'on trouve au bord de la Quirila. Toute cette contrée est garnie d'arbres; mais la plus grande partie en est cultivée en maïs et millet. Les riches récoltes de cette belle plaine de l'Immirette, qui s'étend presque sans interruption depuis la Goubitskale jusqu'au poste de cosaques de la Quirila, ont le grand avantage de n'être jamais exposées à être ravagées par les sauterelles, fléau qui détruit presque tous les ans les espérances des cultivateurs de la Géorgie et de la Crimée. Pour se rendre à Schorapana, où nous nous proposions d'aller coucher, on passe la Quirila sur un bac dans les hautes eaux, et à gué lorsqu'elles sont basses, ce qui cependant n'est jamais sans danger, à cause de la rapidité du courant. Du côté opposé à la poste, sur la gauche du fleuve, les bords sont excessivement escarpés, comme déja nous l'avons remarqué à Adjamet, tandis que les terres de la droite sont absolument plates. Après avoir traversé un bois presque tout en en taillis, nous ne tardâmes pas à nous trouver au pied du plateau élevé sur lequel sont placées les casernes de Schorapana. Deux cents hommes environ du régiment de Mingrelie y sont logés. Nous fûmes parfaitement accueillis par le capitaine qui commandoit le détachement; il occupoit une maison en bois vaste et commode. A deux cents pas de cette position, dont la vue s'étend sur la belle plaine de la Quirila, se trouvent les ruines de l'antique Schorapana, mentionnée par Strabon. La circonvallation de cette ville est tracée d'une manière si précise par des débris de murailles en pierres et en briques plates et presque carrées, qu'il seroit très-facile d'en lever le plan; elle forme un parallélogramme situé au confluent de la Dziroula et de la Quirila. Dans les Mémoires historiques sur l'Arménie, par M. de Saint-Martin, la fondation de Schorapana est attribuée à P'harnavaz, premier roi de Géorgie, de la race de Schinak’harthli, celui dont j'ai parlé à l'occasion de Dimi. Elle remonte au temps de l'invasion d'Alexandre en Asie. Tout porte à croire que sa destruction, dont la tradition et l'histoire ne laissent, je pense, aucune trace, date d'une époque trèsreculée. Cette destruction a dû être entière, selon l'usage des armées de ces rois de Perse, nés pour le malheur de leurs sujets et de leurs voisins, et auxquels la basse flatterie avoit accordé le titre de grands rois. Ainsi, vraisemblablement, des infortunés habitants de cette antique cité, les uns auront péri sous le fer ennemi, les autres auront été emmenés captifs dans quelques cantons éloignés de la Perse, où la beauté des traits de leurs descendants pourra un jour devenir pour un observateur attentif une indication de leur origine. Cette Schorapana, aujourd'hui entièrement déserte, a été, dans les temps reculés, un des marchés principaux du commerce de l'Asie. Les marchandises de l'Europe y arrivoient sur des navires, pendant que celles de l'Asie y parvenoient à dos de bœuf ou de cheval. La ville s'étendoit probablement alors au-delà de l'enceinte indiquée par les ruines existantes. S'il m'étoit permis de hasarder une opinion à ce sujet, je dirois que ces ruines sont celles de la forteresse, et que la ville marchande, où s'arrêtoient les caravanes, étoit bâtie en bois, construction dont il n'a pu rester aucune trace. D'après la carte manuscrite du roi Salomon, en 1737 les bateaux Turcs remontoient encore la Quirila jusqu'à Schorapana. De nos jours, la navigation ne s'étend plus au-delà de l'embouchure de la Tskeniskal. N'ayant pas trouvé à Schorapana l'officier de génie avec lequel nous devions visiter les parties montagneuses de ce district, nous en partîmes le jeudi 13-25 pour retourner dans le district de Kotaïs. Après avoir traversé de nouveau la Quirila, et suivi pendant près d'une heure la route de Kotaïs, nous prîmes sur la droite pour gagner les montagnes; mais comme il eût fallu faire un grand détour avant de parvenir au village où nous nous proposions de coucher, un des nobles Immirétiens qui étoit avec nous n'hésita pas à rompre une haie morte qui entouroit un champ de maïs, et nous le traversâmes avec une douzaine de chevaux. A l'extrémité du champ, il fallut de nouveau rompre la haie pour en sortir; et, après avoir gravi pendant trois quarts-d'heure des montagnes assez élevées, nous arrivâmes chez un riche propriétaire, dont l'enclos renfermoit un grand nombre de bâtiments nécessaires à l'exploitation de ses terres. L'Immirétien qui nous donnoit l'hospitalité étoit d'un embonpoint remarquable; ses traits avoient l'expression de la gaîté; son appétit étoit excessif. Le verre dont il se servoit étoit de buis et de la forme d'un énorme calice. Il ne contenoit pas moins d'une pinte et demie de vin, et il le vidoit toujours tout d'un trait. En Immirette |