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grosseur de son cou et l'énormité de ses cornes annoncent une force extraordinaire. Le touri, poursuivi par le chasseur, s'élance de rochers en rochers, et tombe sur ses cornes quelquefois de dix à vingt pieds de hauteur, sans qu'une pareille chute ait pour lui le moindre inconvénient. Un officier Russe, qui a demeuré pendant cinq ans dans une des forteresses qui bordent le Kouban, m'a assuré que le touri n'étoit jamais perdu de vue par un vautour du Caucase, qui trouve sa nourriture dans sa fiente: cet oiseau, dit-on, plane toujours au-dessus de lui, l'avertit par ses cris des dangers auxquels l'expose l'approche des chasseurs, et ne les cesse que lorsqu'il le voit en sûreté : j'avoue que j'ajoute peu de foi à ce récit.

Je desirois procurer au Jardin-du-Roi un individu de cette espèce, qui y est inconnue : je l'avois obtenu de l'amitié du général-major Willaminof, officier aussi distingué par son caractère que par ses talents; mais à l'instant où j'étois prêt à en faire l'expédition, il a péri dans l'incendie des écuries des cosaques à Tiflis, où il vivoit avec leurs chevaux. A défaut d'un animal vivant, j'ai pu du moins remettre au Muséum du Jardin-du-Roi les cornes presque gigantesque du touri mâle,

Les cornes du touri, polies et montées en argent, servent de coupe aux habitants de la Colchide, qui sont généralement grands bu

veurs.

Le commerce des fourrures pourroit acquérir quelque importance dans le district de Radscha: il suffiroit de l'encourager par des échanges. Les draps, les soieries, les toiles de coton peintes, les porcelaines et beaucoup d'autres marchandises françaises seroient recherchées par ces peuples. Parmi ces fourrures, il en est de trèsbelles, et qui pourroient rivaliser avec celles de la Sibérie. Ainsi on trouve des renards bleus de la plus grande beauté, des martres zibelines, des loutres, et beaucoup d'autres espèces précieuses. Les ours ne sont pas rares dans ces montagnes; mais ils sont généralement d'une petite taille. Les chats sauvages y sont extrêmement communs, et ne se paient que 10 à 12 paras (environ 20 centimes) la peau. Je pense que le poil de ces animaux pourroit servir à la chapellerie.

Le léopard est rare dans l'Immirette et la Mingrelie; il est beaucoup plus commun dans les parties montagneuses de la Géorgie. Quelquefois le tigre royal, effrayé au moment des grandes chasses des fils du chah de Perse, tra

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verse l'Araxe à la nage, et vient se jeter dans l'une ou l'autre des nombreuses forêts de l'Immirette, ou dans celles de la Géorgie qui avoisinent le Caucase.

Un soldat du régiment des grenadiers de Géorgie, cantonné en 1820 à Moucravane, à trente werstes de Tiflis, sur les bords du Liora ou Yori (le Cambisus des anciens), étoit allé, au mois de mai, à la chasse des gazelles ou gerames; il aperçut un animal derrière une haie, l'ajusta, et eut le bonheur de lui fracasser le front. Il s'approcha ensuite, et fut saisi de frayeur en voyant qu'il venoit de tuer un tigre de la plus grande espèce. J'ai vu cet animal empaillé chez le général-major Villiaminoff.

Le district de Radscha contient une grande quantité de ruines, de forteresses et de tours. On y trouve fréquemment des médailles grecques, sassanides, et quelques-unes en caractères inconnus. Les Russes en réunissent beaucoup; mais malheureusement ces richesses sont renfermées, et, le plus souvent, perdues pour la science.

On trouve dans les montagnes du canton de Radscha des eaux minérales de diverses espèces. Dans la promenade faite par mon frère avec le pope, ils visitèrent une montagne presque

tout entière composée d'une roche verte, mêlée de quartz (1).

Les habitants du pays prétendent que, près d'un village nommé Ourava, éloigné de quinze werstes de Baragone, on trouve une mine d'argent extrêmement riche; ils assuroient qu'elle avoit été exploitée par des Grecs pour le compte du roi Salomon, mais que les ouvriers, n'ayant pas reçu le salaire convenu pour leur travail, l'avoient abandonnée. Ils assuroient encore qu'il y avoit une autre mine d'argent aux environs du village de Tsui; qu'elle avoit été aussi long-temps exploitée, mais qu'on en avoit perdu la trace.· Enfin, à les en croire, il y avoit à Svanety, aux frontières du pays des Souanes, une autre mine d'argent encore exploitée.

En rendant compte de l'opinion des Immirétiens de ce canton, je ne me dissimule pas que l'ignorance de ce peuple lui fait souvent apercevoir de riches métaux là où il n'existe que des pyrites, du talc, du mica et d'autres substances brillantes; mais aussi cette même ignorance a dû jusqu'ici l'empêcher de reconnoître les métaux

(1) A mon retour à Paris, j'ai fait voir à M. le professeur de minéralogie Beudan un échantillon de cette roche, et il lui a reconnu une analogie apparente avec la turquoise.

précieux que très-vraisemblablement leurs montagnes recèlent.

On trouve dans le canton de Radscha les plus beaux sites de l'Immirette. L'air Ꭹ est pur, et le climat extrêmement salubre : aussi Ꭹ voit-on très-peu de malades, et un assez grand nombre de centenaires.

Si le gouvernement Russe fondoit des hôpitaux dans le canton de Radscha, les soldats s'y rétabliroient en peu de temps des fièvres intermittentes qui les atteignent dans les terres basses des districts de Kotaïs et de Vacca, et auxquelles ils succombent lorsqu'elles sont trop invétérées (1).

Pendant le séjour de mon frère à Baragone, il n'a pu se procurer que très-peu de renseignements sur les Souanes, limitrophes de la partie la plus élevée du canton de Radscha.

Les Souanes évitent toute communication avec leurs voisins. Ils préfèrent renoncer aux

(1) D'après les représentations du général en chef Yermoloff, le gouvernement Russe a envoyé récemment dans ses provinces au-delà du Caucase toutes les femmes des soldats mariés de l'armée de Géorgie. Ainsi, il a formé une sorte de colonie permanente qui s'acclimate et s'accoutume sans peine à des pays où elle cesse d'être isolée, et où elle est entourée des objets de son affection.

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