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visite inattendue força le capitaine de remettre son bâtiment sur un pied de station.

Lorsque le gouverneur général quitta la frégate, le capitaine le fit saluer, selon l'usage, de quelques coups de canon; et son canot n'avoit pas encore touché terre, que déjà tous les préparatifs se faisoient pour appareiller.

Pendant qu'une partie de l'équipage s'occupoit des arrangements du pont, une autre travailloit au cabestan pour lever l'ancre; mais cette fois la glaise de la rade sembloit l'y avoir fixé pour toujours. Un surcroît de travailleurs n'aboutit qu'à rompre le cabestan, et il fallut se résigner à attendre le jour pour pouvoir sortir de cette situation embarrassante.

Le vent heureusement souffloit grand frais, et le capitaine, tirant parti de cette circonstance, se décida à faire déployer toutes ses voiles, disposition qui ne tarda pas à arracher l'ancre, qui d'instants fut relevée au milieu des houras de tout l'équipage.

en peu

La frégate sur laquelle nous étions embarqués se nommoit la Spechnoy (l'Agile). Ce nom lui avoit été donné lorsqu'elle fut mise sur les chantiers de Nikolaiew, par M. le marquis de Traversay, alors chef des forces navales de la mer Noire,

aujourd'hui ministre de la marine en Russie (1). Cet officier l'avoit fait construire sur le gabari d'une frégate de la marine royale de France, avec laquelle, avant la révolution, il avoit fait en treize jours le trajet de Boston à Brest. La coupe du bâtiment, son gréement, sa distribution intérieure, tout fut confectionné sur le modèle de la frégate française, et cependant la Spechnoy est reconnue pour être la plus mauvaise marcheuse de la flotte de la mer Noire.

Il est de fait que, malgré les progrès qui ont eu lieu depuis trente ans dans tout ce qui tient aux constructions navales, on n'est pas encore parvenu à connoître, par un calcul mathématique, le plus ou le moins de marche qu'aura tel vaisseau ou frégate en construction, et qu'un bâtiment mauvais marcheur entre les mains d'un capitaine, devient souvent bon voilier entre les mains d'un autre, par le seul effet du moindre changement dans son gréement ou dans son arrimage.

Quoiqu'il en soit de cette observation et de la mauvaise réputation de la frégate, nous fùmes assez bien favorisés par le vent pour que, partis le mardi d'Odessa, à six heures du matin, nous

(1) Cet amiral est mort il y a quelques mois en Russie.

pussions entrer le vendredi, à quatre heures, dans la baie de Sébastopol, où notre relâche se trouvoit forcée pour la construction d'un cabestan neuf.

La baie de Sébastopol est une des plus belles et des plus sûres du monde; elle elle se compose de plusieurs bras et bassins où l'eau est également profonde. On y radoube des bâtiments, lorsque ce travail est nécessaire; mais on n'y fait aucune construction.

Les chantiers de la marine impériale étoient placés à Nikolaiew, au confluent du Boug et de l'Ingoulet, et à Kherson, sur le Dnieper; mais ce dernier chantier vient d'être supprimé, et tous les travaux ont été concentrés à Nikolaiew.

La flotte impériale russe sur la mer Noire consiste en quinze ou dix-huit vaisseaux de ligne, et en un nombre proportionné de frégates et autres bâtiments légers.

Les bois de construction sont fournis par les immenses forêts placées sur le Dnieper et le Dniester. Les mâtures descendent par le premier de ces fleuves. Les fers et les doublages de cuivre viennent de la Sibérie, et y sont expédiés par le Wolga et le Don sur Taganrog.

Indépendamment de beaucoup de Grecs, on

compte parmi les officiers de la flotte un assez grand nombre d'Anglais, de Ragusais, de Danois et de Suédois. Tous les ans, au printemps, huit ou dix vaisseaux de cette flotte, ordinairement commandée par l'amiral Greig, se promènent sur la mer Noire, comme pour annoncer que le pavillon russe seul y domine.

Sébastopol est bâtie en amphithéâtre. Presque toutes les maisons ont été construites en pierres et en briques par les matelots. Les ruines de l'ancienne Kherson ont servi à ces constructions; et partout, dans les murs, on aperçoit des débris de colonnes, de chapiteaux, et souvent des restes d'inscriptions. La terre qui entoure Sébastopol est généralement assez sèche et aride : l'air y est sain. La baie et les divers bassins ont le malheur d'être infectés de vers, qui attaquent et détruisent promptement les bâtiments qui ne sont pas dou

blés en cuivre.

L'entrée de ce port est défendue aux navires de commerce.

Pendant notre séjour à Sébastopol, nous fùmes visiter les ruines de l'ancienne Kherson, amas confus de pierres, au milieu desquelles nous n'aperçûmes aucune trace des monuments qui ornoient sûrement cette ville d'origine grecque.

Kherson étoit la capitale de la Chersonèse.

Ce

pays étoit autrefois gouverné en république. Les colons qui la composoient venoient d'Héraclée, dans le royaume de Pont. Elle se mit sous la protection de Mithridate-Eupator, lorsqu'il fonda le royaume de Bosphore, à l'extrémité de la Crimée. Elle passa ensuite sous la domination romaine, et devint, sous le Bas-Empire, un lieu d'exil pour ceux qui avoient encouru la disgrâce des empereurs d'Orient.

Le pape Martin I, l'empereur Justinien II, et le Rhinomète, détrôné et mutilé par Léonce, y furent successivement envoyés. On sait que le dernier, remonté sur le trône, exerça des cruautés inouïes contre les Chersoniens et les Bosphoriens, témoins mais non coupables de son exil (1).

Le territoire de cette république étoit trèscirconscrit; il s'étendoit le long de la mer jusqu'à Balaclava.

On évalue à quinze mille le nombre des marins de la flotte de Sébastopol, les nombreux commis, et des ouvriers de tous genres qui sont employés au port. La population étrangère à la marine n'ex*cède pas deux mille âmes. Le plus grand nombre sont des Grecs qui s'occupent de commerce.

(1) Voyez le Voyage en Crimée de M. de Reuilly.

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