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situation actuelle de l'empire Ottoman en Asie, qui détermine l'émigration d'un grand nombre de Chrétiens.

La population de l'Immirette se compose des indigènes, d'un grand nombre d'Arméniens et de quelques centaines de familles Juives disséminées dans le pays. Indépendamment de cette population, on peut évaluer à quatre ou cinq mille personnes les troupes et les employés attachés à l'administration Russe.

Les Immirétiens sont généralement grands et forts; ils ont les traits réguliers, et ne forment évidemment qu'une même race avec les Géorgiens et les Mingreliens. Mais les familles ayant été plus ou moins mêlées avec le sang Grec et Arménien, et même avec le sang Juif, il en résulte des différences quelquefois assez remarquables dans leurs traits. Le climat de l'Immirette, pays plus montagneux que la Mingrelie, étant plus salubre, les habitants sont généralement plus forts, et ont le teint plus coloré.

Les Immirétiens sont grands chasseurs et grands buveurs. J'ai eu l'occasion d'en faire la remarque plus d'une fois dans le cours de mes excursions. Je regrette d'avoir à dire que leur ignorance extrême, non-seulement sous le rapport des sciences et des arts, mais même soust

celui de la morale, en a fait long-temps un peuple corrompu livré à la dissolution et à tous les vices. S'il faut ajouter foi à ce qu'en disent les officiers Russes, il ne faisoit autrefois aucun cas de ses promesses et de ses serments.

L'usage des faux actes, des fausses signatures, des ratures et des mots substitués, a été tellement en usage parmi les Immirétiens, qu'un grand nombre de propriétés particulières étoient incertaines et sujettes à contestation. Pour mettre fin à cet état de choses, le gouvernement Russe a ordonné, dit-on, l'enregistrement au greffe du tribunal de tous les titres de propriété; et, afin d'éviter qu'il se commît dans la suite de nouveaux faux, il en a exigé la transcription entière, trouvant plus court et plus simple de consacrer ainsi toutes les fraudes passées, que de donner lieu à des procès interminables, ou de conserver à la mauvaise foi les moyens de

s'exercer.

Parmi les nombreux exemples de cette odieuse conduite des princes de l'ancienne Colchide, on me permettra d'en citer un seul. Salomon, le dernier roi de l'Immirette, avoit fait une concession importante en terres et en esclaves à trois princes, fils d'un seigneur qu'il affectionnoit. Les deux aînés, voulant frustrer le plus jeune

de leurs frères, qui passoit pour le moins intelligent, de la portion qui lui revenoit, raturèrent son nom sur l'acte de donation, et y substituèrent des mots indifférents. Peu après, ils s'occupèrent du partage, et lorsque le frère puîné se présenta pour prendre possession de son tiers, on lui opposa le titre de donation dans lequel son nom ne se trouvoit pas inscrit. Celuici, sans s'émouvoir, examine l'acte, le rend, et déclare qu'il n'est pas conforme à l'expédition qu'on lui a délivrée, circonstance que les frères ignoroient. Il leur annonce en même temps que dans quelques jours il montrera son expédition au tribunal. Opposant alors perfidie à perfidie, il rature les noms de ses deux frères, en remplit le vide, et se présente comme seul donataire.

Le tribunal de Kotaïs, chargé de prononcer au milieu de ces turpitudes, ordonna simplement le partage par tiers de la terre et des esclaves. De tels faits donnent une idée exacte de l'état ancien des mœurs et du caractère des habitants de la Colchide.

Il est juste, à présent, de reconnoître les améliorations importantes qu'on remarque dans le caractère de cette nation, depuis que le gouvernement de la Russie a été substitué au ré

gime barbare auquel elle étoit assujettie; et pour fortifier cette assertion par un fait, je dirai que, depuis vingt ans que cette contrée est administrée par des gouverneurs Russes, on cite à peine deux ou trois exemples d'assassinats.

Parmi le peuple, l'amélioration est plus remarquable encore. Aujourd'hui qu'il est beaucoup moins exposé à se voir dépouillé par ses seigneurs du produit de son travail, qu'il n'est plus assujetti aux réquisitions continuelles du souverain, il commence à devenir laborieux, et a cessé de mériter le plus grand nombre des reproches que lui faisoit le voyageur Chardin. Aussi suis-je convaincu que lorsque le commerce aura fait quelques progrès dans cette contrée, que l'agriculture aura enrichi les propriétaires et les cultivateurs, que l'instruction s'y sera propagée, que les arts et l'industrie de l'Europe s'y seront répandus, ce peuple deviendra aussi digne d'estime qu'il s'est long-temps montré digne de mépris.

Les Immirétiens professent la religion chrétienne suivant le rit Grec. Avant l'occupation des Russes, ils dépendoient de leur propre patriarche, qu'on nommoit Catholicos, et non du patriarche de Constantinople. Aujourd'hui le Synode de Pétersbourg règle ce qui tient à la

hiérarchie sacerdotale, et leurs évêques reçoivent leurs instructions de l'archevêque Russe à Tiflis.

Parmi les Arméniens, les uns suivent le rit de leurs églises, et relèvent de leur patriarche; les autres font partie de la communion catholique, sous la direction des Capucins de Kotaïs. Les religieux de cet ordre se sont établis en Immirette vers 1625: ils y étoient médecins et chirurgiens du roi et des princes, et soignoient gratuitement les pauvres malades. Enfin, les Juifs ont une synagogue à Kotaïs, et y exercent librement leur culte. Les Russes ont leurs popes et leurs églises particulières.

Dans toute l'Asie, les ministres du culte exercent, indépendamment du pouvoir spirituel, une sorte de pouvoir temporel. Les prêtres, les rabbins, les mulas y sont des arbitres, des juges de paix, et leurs décisions sont généralement respectées : c'est à la fois une institution religieuse, politique et bienfaisante. Le choix de pareils juges est volontaire; mais le mépris et la haine des coreligionnaires feroient presque toujours justice de ceux qui ne respecteroient pas leurs décisions.

Les divers cultes sont entretenus par la générosité des fidèles, et elle est bien plus grande

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