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enfin aux souverains de Constantinople, formant, dans le treizième siècle, un empire fondé par Alexis Comnène, aujourd'hui assujéti aux Musulmans, elle ne rappelle plus rien de ses hautes destinées. Sa population peut être évaluée à deux cent cinquante mille habitants, parmi lesquels on compte trois mille Grecs, deux mille Arméniens; le reste est Turc ou Laze. Le pachalick de Trébizonde comprend la province de Djenick et toute la côte, depuis Synope jusqu'à Kemer, au-delà de Rizéh.

J'ai parcouru les contrées ottomanes en plusieurs sens; mais j'ai trouvé peu de Turcs plus éloignés de la civilisation que ceux de Trébizonde.

Parmi les Turcs, on compte de riches particuliers, peu parmi les chrétiens; ils craignent d'ailleurs de paroître riches, enfouissent leur or, et le gardent comme les malheureux sujets du reste de l'Empire.

Trébizonde est par la latitude de 41° 1' 00"; la longitude orientale de Paris, de 37° 24' 37" (1). Son territoire est fertile et d'une qualité excellente. Il produit beaucoup de lin et toutes les plantes céréales; les haricots blancs, les noix et les noisettes y viennent en abondance, et forment une branche du commerce de cette ville avec la Crimée et Constantinople, mais dans une quantité à peine suffisante pour les besoins de la population. L'olivier, la vigne et tous les arbres fruitiers y prospèrent, quoique

(1) Observations du capitaine de vaisseau Gautier.

leur culture soit abandonnée aux seules mains de la nature. Le raisin n'y a point ce degré de douceur qu'il a dans nos climats, et surtout en Perse, et le vin est en général d'un goût peu agréable; ce qui provient de la manière dont on le prépare et des ingrédiens qu'on y met. Les habitants de la campagne emploient les plus mauvais raisins à faire du nardenk. Le procédé, dans cette fabrication, consiste à donner un certain degré de cuisson à la liqueur qui découle en pressant le raisin, et à y faire infuser une certaine quantité de cendres. L'exportation de ce nardenk en Crimée, et surtout à Taganrog, où on le convertit en eau-de-vie, est très-considérable. Comme cette liqueur n'est pas fermentée, les Turcs en font aussi usage.

Ce pays abonde en gibier de toute espèce. On y trouve beaucoup de francolins, de perdrix, de bécasses, de lièvres, de sangliers; mais ce n'est qu'en secret et enveloppés dans un sac que les Grecs osent porter en ville ce dernier animal, dans la crainte d'être découverts et punis par les Turcs. La chasse se fait au fusil et au faucon. Les cailles y sont aussi très-abondantes dans l'automne, mais ne font que passer. Elles arrivent sur cette côte en masse de la Crimée au commencement de septembre, et se transportent ensuite dans des climats plus chauds. Elles attendent toujours les vents du nord pour faire ce trajet, qui est fini dans une seule nuit. Arrivant extrêmement fatiguées, elles vont se prendre aisément dans les filets que les chasseurs tendent dans la cam

pagne; j'en ai même quelquefois saisi avec la main. Trébizonde n'a point de port, pas même pour les petits bateaux que l'on est forcé de tirer à terre, aussitôt après avoir abordé. La nuit ici n'a point de silence, et l'on entend à chaque instant le bruit des vagues qui viennent se briser sur un rivage bordé de roches et de bas-fonds très-dangereux. Il y existe seulement deux rades: la plus grande, placée à l'ouest 5o sud de la dernière pointe de cette ville, et à l'est par sud du cap Joros, prend son nom du village qui la domine, et que l'on appelle Poulat-Khiané, ou camp d'acier, et vulgairement Platana, parce que l'on y fabrique des clous Les bâtiments viennent mouiller, dans l'arrière-saison et pendant l'hiver, au nord du village par quinze, douze et dix brasses dans un fond de vase et d'herbes, et à deux encablures du rivage. Quoique cette rade soit exposée au vent de nord-ouest, et à ceux qui sont intermédiaires entre le nord-ouest et l'est, il n'y a pas d'exemple, au dire des habitants du pays, qu'un seul navire y ait péri. La distance de Platana à Trébizonde est d'environ deux lieues marines. Ce viliage, à peu près à la même latitude que Trébizonde, est composé de six cents maisons, dont le tiers est le long du rivage, le reste sur la montagne.

La seconde rade est située à l'extrémité de la ville, à l'est, et s'appelle Tchumlekchi (1), parce que c'est

(1) Ce mot est dérivé de tchumlek, qui signifie pot de

terre.

le quartier où se fabrique la poterie : elle est petite, et ne sert de mouillage aux navires que dans la belle saison. Battue par les vents, depuis le nord-ouest jusqu'à l'est-nord-est, elle est un peu défendue de ceux de l'ouest par une colline, sur laquelle étoit un vaste palais qui n'offre à l'œil aujourd'hui que des ruines. Cette petite péninsule, où se trouvent les ruines nommées Esky-Serai, se porte assez loin pour former une seconde baie à l'ouest avec les restes du môle construit par ordre de l'empereur Adrien, mais qui n'est fréquentée que par les ba

teaux.

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Il existe à deux lieues et demie environ à l'est de Trébizonde une troisième rade, appelé Kovata, plus ouverte que la précédente du côté de l'ouest, mais plus fermée à l'est. Les bâtiments n'y vont mouiller qu'au mois de septembre pour opérer leur chargement de noisettes, parce que la plus grande partie de ce fruit se récolte dans les villages qui environnent cette rade. Ses bas-fonds forcent les navires, ainsi que dans celles de Tchumlekchi, de mouiller à trente toises du rivage par six ou huit brasses d'eau. Le commerce de Trébizonde seroit peu considérable en lui-même, si sa situation et sa proximité d'Arzroum n'alimentoient le cabotage de ce port avec Constantinople et la Crimée, et n'en faisoient un point important. Des toiles de lin, fabriquées dans le pays, des toiles peintes et non peintes de Diarbekir, des boucassins, du cuivre ouvré et

en pain, du nardenk, des noisettes, et surtout du tabac, sont les objets, mais en petite quantité, que l'on exporte pour la Crimée : le commerce de retour que fait cette presqu'île est plus suivi, et tourne tout à l'avantage des Russes. Il consiste en grains, sel, beurre, suif, laines, cuirs de bœufs et fer, dont la consommation est grande dans l'intérieur de la Natolie et de l'Arménie.

Les objets d'exportation de Trébizonde pour Constantinople sont les mêmes que ceux pour la Crimée. Il faut y ajouter d'autres toiles du pays, du bois de buis et du bois jaune que l'on tire du mont KaraKaban; les produits des mines d'argent, de plomb et d'orpiment; du café, et d'autres marchandises propres au commerce de la capitale, et qui sont versées à Arzroum par les caravanes de Bagdad, de la Perse, de la Géorgie, et viennent ensuite à Trébizonde pour y être embarquées. Les bâtiments reviennent de Constantinople avec les objets d'industrie nécessaires à la population de ces contrées, avec des articles d'Europe, et surtout beaucoup d'acier, d'étain et de savon.

Chaque année, deux navires partent de Trébizonde pour Bourgaz, échelle de la ville de Selimia, où se tient une foire en été. Ils y portent des toiles peintes de Diarbekir, des toiles de coton, du cuivre, des peaux de lièvres, et en reviennent avec des draps à longs poils, dont les habitants font les manteaux que l'on appelle aba.

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