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quest, et va se jeter dans la mer Noire entre Gunieh et Batoum, après avoir reçu dans son cours une infinité de petites rivières ou torrents. Sa rapidité, qui cause souvent des ravages dans les endroits où elle passe, lui a fait donner le surnom de Deli (folle).

Au bas de la montagne, nous trouvons une source d'eau froide, d'un goût tout à la fois nitreux, sulfureux et bitumineux. La journée avoit encore été excessivement fatigante pour nos chevaux, qui devoient nous servir le lendemain. Mon tatar ne m'avoit pas fait passer par la route ordinaire que prennent les courriers, parce qu'il avoit su que la poste d'Achkale étoit désorganisée par les motifs que j'ai expliqués plus haut. Il espéroit, en allant de village en village, être plus heureux; mais nous fûmes trompés dans notre attente. Voulant done ménager nos montures, nous traversâmes un vallon extrêmement boisé et coupé par le Djorokh, pour aller chercher un asile dans un mauvais hameau nommé Massata, situé au

de Spir, sont gouvernés par des agas dépendants d'un certain Memo-Oglou, qui réside dans la forteresse de Spir. Ce bourg doit être la capitale de la province mentionnée dans Strabon, lib. 11, page 629, sous le nom d'Hyspiratis, où Alexandre envoya un de ses généraux, nommé Memnon, pour s'emparer des mines de Cambala. Constantin Porphyrogenète (de Themat, lib. 1, cap. 8, pag. 31) donne à cette province la dénomination de Syspiritis. Elle étoit possédée, dès la plus haute antiquité, par les princes Pagratides, et fait partie aujourd'hui du pachalick d'Arzroum.

sommet d'une colline. Après six heures de marche, nous arrivâmes à Baïbourd.

Cette ville, appelée par les Arméniens Païpert, et par les Turcs Baïbourd, est bàtie sur les bords du fleuve Djorokh, partie dans un vallon planté de peupliers, et partie sur une colline. On la retrouve dans Procope, sous le nom de Baiberdon, et dans Cedrenus, sous celui de Païperte (1). Les princes Pagratides en firent une place de guerre dès le premier siècle de l'ère chrétienne; elle fut, par la suite des temps, occupée par les Romains, et l'empereur Justinien augmenta beaucoup ses fortifications.

Il paroît qu'elle fut autrefois, même sous les Turcs, très-considérable; mais on ne voit aujourd'hui que des maisons désertes et tombant en ruines. Celles qui sont debout ne méritent que le nom de renardières. Bâties de pierres entassées les unes sur les autres, et ne tenant qu'avec un peu de mortier, elles reçoivent le jour par une grande ouverture pratiquée dans le haut. Le dessus est couvert de terre, et forme une terrasse. Peu sont à un étage, et construites avec de la chaux. On compte dans cette ville environ trois mille deux cents Turcs, dont le regard, en général, sinistre et farouche, annonce un caractère

(1) Procop., de Edif. Justin., lib. 3, cap. 4, pag. 57; Cedren., tom. 2, pag. 620.

Le nom de Païpert est un composé de deux mots arméniens de pert, qui signifie forteresse, et de paï, prince, dont les Turcs ont fait, par corruption, celui de bey.

féroce. Le nombre des Arméniens, autrefois aussi considérable, est réduit à deux cents. Les vexations qu'ils éprouvoient de la part des Turcs les ont forcés à abandonner ce pays. Plusieurs sont allés s'établir à Constantinople, d'autres à Arzroum et à Trébizonde. On a dit avec raison que les émigrations sont les preuves les plus fortes de la misère et de la mauvaise administration d'un Etat. C'est presque toujours l'âme déchirée par la tristesse, que le paysan le plus malheureux quitte le sol où il a reçu le jour. L'homme est naturellement attaché à la terre qui l'a vu naître, et cet amour de la patrie tient plus à des causes morales qu'à des causes physiques. S'il l'abandonne pour quelque temps, il y revient; mais si le sujet Turc la déserte pour aller dans les villes voisines ou dans la capitale, ce n'est point par curiosité, par inquiétude naturelle, par une maladie qui attaque chez nous tant d'individus; mais c'est pour se soustraire à l'oppression, pour chercher une tranquillité, un bien-être qu'il ne peut plus trouver dans son propre pays : c'est donc la marque la plus sûre et la plus incontestable d'un mauvais Gouvernement.

Les Arméniens ont à Baïbourd quatre églises desservies par plusieurs prêtres. Les mosquées sont au nombre de trois.

L'industrie y est nulle. Quelques voyageurs ont indiqué des mines de cuivre, et même d'argent, dans les environs de Baïbourd. Les montagnes environnantes paroissent bien effectivement renfermer des

métaux ; mais il ne s'y fait aucune exploitation. Les marchandises ne sont soumises qu'à un simple droit de péage de 47 paras par charge de cheval, tant celles qui vont de Trébizonde à Arzroum que celles venant d'Arzroum à Trébizonde.

Avant de partir, je voulus aller voir la forteresse située sur une grande colline isolée, dans la partie septentrionale de la ville. Nous y pénétrâmes par deux portes à l'ouest : l'une, en bois, est extrêmement épaisse, et la seconde est en fer. Aux deux côtés de cette dernière, sont un lion et un tigre sculptés dans la muraille. Au-dessus, on aperçoit une inscription turque, qui sans doute a été mise à la place de quelqu'autre d'une plus haute antiquité. Ces deux portes, à ce qu'il paroît, conduisoient aux travaux extérieurs, dans la partie de l'est. Une troisième conduit au château. J'espérois y découvrir quelque inscription qui pût me faire connoître le fondateur de cette ville, et si les géographes ne se trompent point dans les noms de Léontopolis et de Justiniampolis qu'ils lui donnent; mais je ne vis que des inscriptions turques. Peut-être les fiers Ottomans, ennemis des sciences et des arts, ont-ils voulu détruire toute espèce d'anciens souvenirs, en enlevant celles qui pouvoient exister. Une de ces inscriptions, selon mon tatar, porte que le sultan Ali s'est emparé de Baïbourd l'an 70 de l'hégire.

Le château est bâti, comme je l'ai dit, du côté de l'est, sur une colline escarpée qui domine toute la

ville. Il est de figure oblongue, et paroît avoir été très-fort. Ce n'est aujourd'hui, pour ainsi dire, qu'un amas de ruines. Cependant le côté qui regarde l'ouest est assez bien conservé: on y voit encore plusieurs bastions et tours carrées. La partie opposée ne paroît pas avoir été aussi bien fortifiée. J'y remarquai un souterrain qui conduit à la rivière, et facilitoit le transport de l'eau dans le fort. Les canons dont il est muni consistent en six coulevrines hors d'état de servir. Les unes sont coupées au milieu, les autres ont été enclouées. Une ancienne église sert aujourd'hui de magasin à poudre. Le château, dominé par trois collines, peut être battu du côté du sud, de l'est et du nord. Sur la colline au nord, est un monastère habité par deux derviches; et sur celle opposée, un village turc. Du haut du château on jouit, dans la belle saison, de la vue la plus pittoresque et la plus agréable. Du côté de l'est et de l'ouest, on découvre toute la ville et des jardins cultivés avec beaucoup d'art et de symétrie, et arrosés par les eaux du Djorokh. Vers cette dernière partie sont trois tours en ruines, qui dominent le chemin d'Arzroum; deux sont sur une hauteur, la troisième sur une colline plus élevée.

De retour au logis, nous disposâmes tout pour notre départ, et quittâmes Baïbourd à quatre heures du soir. La neige tomboit en abondance, le froid étoit rigoureux. L'hiver est si rude dans ces contrées, que souvent les communications entre les villages sont interceptées pendant long-temps. Nous nous

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