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écartâmes un peu de la route, la nuit nous ayant surpris, après avoir fait deux lieues et demie, pour aller chercher un gîte dans le mauvais hameau d'Ergui, composé de quinze feux seulement. Nous y passâmes la nuit, et le 4 mars nous partîmes au point du jour. La route que nous avions à parcourir pour arriver à la ville de Gumuch Khané étoit longue. Après avoir traversé plusieurs collines et vallons en marchant presque toujours à l'ouest-nordouest, nous arrivons à un hameau d'une vingtaine de maisons, appelé Keuz-Kalessi, baigné par une petite rivière, et dominé par un château ruiné, sur le sommet d'un roc taillé à pic, et habité encore aujourd'hui par quelques villageois. Je passerai sous silence les contes absurdes que l'on répète sur ce château, où fut enfermée, dit-on, une jeune princesse : ce qui lui a fait donner le nom de Keuz-Kalessi (le château de la fille). A quelque distance de là, après avoir gravi une montagne élevée, nous arrivons dans un endroit appelé Tekhe, à cause d'un monastère qui sert d'asile à quelques fainéants prétendus pieux, prenant dans ce pays le nom de derviches, et dans le nôtre celui d'ermites. Auprès sont deux ou trois magasins et un caravanserail. Le fameux géographe Danville a cru reconnoître dans ce nom celui du Mont-Techés, d'où les Dix-Mille eurent, pour la première fois depuis leur retour, la vue de la mer (1).

(1) Voyez Retraite des Dix-Mille, traduction de M. Larcher, liv. 4, page 138.

Tout porteroit à le croire, puisque le premier jour de leur marche, en partant de là, ils arrivèrent sur les bords d'une rivière qui séparoit les Macrons des Scythines, et qu'ensuite ils eurent à droite une montagne d'un accès très-difficile, et à gauche une autre rivière, où se jettoit celle qui servoit de limite à ces peuples, et qu'il falloit traverser.

Les bords de cette rivière étoient couverts d'ar

bres, peu gros à la vérité, mais nombreux. La première rivière est sans doute le Sopran, qui joint ses eaux à celle de Gumuch-Khané, nommée Karchout, dont les rives, embellies de jardins plantés de toutes sortes d'arbres, offrent dans la belle saison, à l'œil du voyageur, l'aspect le plus riant et le plus pittoresque.

Nous arrivâmes à Gumuch-Khané après avoir fait dans la journée douze lieues, et longé pendant près de deux heures la rive gauche du Karchout. J'allai descendre chez un négociant Arménien, ancien drogman barataire de France (1). Cette ville, qui paroît pouvoir répondre à un endroit donné sur la

(1) Le gouvernement Turc accordoit autrefois aux ambassadeurs Européens un certain nombre de barats, qu'ils vendoient jusqu'à 12 à 15,000 piastres l'un à des Grecs ou à des Arméniens sujets du grand-seigneur. L'individu muni de ce diplôme, devenant par-là protégé de la puissance dont il étoit le barataire, n'étoit point soumis à l'impôt du karatch, ne payoit la douane sur les marchandises qu'il recevoit ou expédioit, que d'après le tarif de cette puissance, et acquéroit enfin le droit de porter des pantoufles jaunes,

voie romaine, sous le nom de Byle, est située sur le penchant d'une colline, en amphitéâtre, et formant un fer à cheval. Les maisons sont presque toutes à un seul étage, bâties en bois ou en terre, et mieux cependant que dans d'autres villes de la Turquie : elles sont recouvertes en dessus de terre comme à Arzroum. On y compte cinq caravanserails et deux bains. La ville est dominée par une montagne, sur laquelle est bâtie une forteresse, aujourd'hui dans un tel état de ruines, qu'elle est inhabitée. D'après Procope (1), cette forteresse, nommée Bolum, qui terminoit le pays Théodosiopolitain, et renfermoit les mines d'or et d'argent des rois de Perse, fut livrée aux Romains par Isaces, frère de Narsès.

La population de Gumuch-Khané, d'environ cinq mille âmes, est composée de quinze familles arméniennes catholiques, trois cents schismatiques, quatre cent ciqnuante grecques, et trois cents turques. Les chrétiens y jouissent d'une assez grande liberté, et n'y sont point aussi vexés que dans d'autres villes de la Natolie. Les Arméniens ont cinq églises et un évêque. Les Grecs n'en ont qu'une seule,

ce qui est défendu aux rajas en Turquie. Les barats se renouveloient à l'avènement au trône d'un nouveau sultan, et pour chaque ambassadeur à la mort de son souverain. La Porte-Ottomane ayant reconnu l'abus de ces barats, qui, tournant à l'avantage des ambassadeurs et des drogmans, portoient préjudice au fisc, les a supprimés depuis plusieurs

années.

(1) De B. p. l. 1.

desservie par huit prêtres, sans compter l'évêque.

Le gouverneur de Gumuch-Khané prend le titre d'Émini; il est choisi par le directeur de la monnaie, ou Tarap-Khanèh-Émini de Constantinople. Sa surveillance porte sur toutes les mines existant dans sa juridiction, qui comprend soixante villages, jusqu'à celui de Balakhora, à quatre lieues de Baïbourd. Les autres autorités sont le cadi ou juge, et le serdar ou commandant des janissaires.

Quelques fabriques de bas et de chaussettes sont la seule industrie des habitants de cette ville.

pour son

Le nom de Gumuch-Khané, qui signifie maison d'argent, a été donné avec raison à cette ville, par rapport à ses nombreuses mines. On ne voit en effet, de tous côtés, que des ouvertures pratiquées dans les montagnes dont elle est environnée. Le gouvernement Turc ne fait jamais travailler les mines compte. Chaque particulier peut les exploiter à ses risques, s'il en a les moyens; heureux s'il a le bonheur de rencontrer quelques riches veines! Souvent ses peines et ses dépenses sont infructueuses; mais quand la mine est attaquée par l'endroit le plus favorable, le plomb seulement paye à l'entrepreneur audelà des frais de l'exploitation. Il est forcé de vendre l'argent qu'il en retire au gouvernement, qui le lui achète à 80 piastres l'ocque (1), tandis que le prix ordinaire est de deux cents.

(1) L'ocque est un poids de quatre cents dragmes; cent cinquante-trois dragmes font une livre, poids de marc.

La matière des mines est une pierre noirâtre et friable. Le mécanisme que l'on emploie dans l'opération des fourneaux consiste à y jeter le minerai pour le réduire en matte sans le faire calciner. On met ensuite dans un creuset bâti avec de la chaux, de dix pieds de long sur huit de large et quatre de profondeur, une certaine quantité de charbon de bois, et le mélange métallique par-dessus. La litharge tombe par un conduit dans un baquet, et tout ce que cette pierre contient de particules d'or, d'argent et de plomb, reste au fond du creuset, et se confond en une seule masse.

A quelques époques de l'année, on voit à GumuchKhané douze fourneaux en pleine activité; chacun donne trois ocques d'argent par semaine, et sur chaque dragme d'argent, on extrait une dragme et demie d'or. Pour séparer ces deux métaux, on se sert d'une espèce de creuset de verre que l'on entoure de beaucoup de feu. Ceux en terre ne sont point connus. La matière employée pour cette dissolution est la même que celle dont nos chimistes font usage.

Ceux qui travaillent aux mines sont en général tous Grecs. Trois individus de cette nation, qui ont la principale inspection sur les travaux, portent sur la tête, pour signe distinctif, un bonnet d'une forme particulière.

Il existe aussi aux environs de Gumuch-Khané plusieurs mines de cuivre, on en avoit même décou

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