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des Spartiates qui ont fondé des colonies sur cette côte.

Pour revenir à Anapa, je dirai que le pacha avoit l'intention d'y attirer tout le commerce de la Circassie, et que même, pour y parvenir, on avoit refusé de délivrer à Constantinople des firmans aux bâtiments qui vouloient se rendre à Soudjouk-Kalé, à Pschad et à Ghelintchik. Cependant les Circassiens, qui se souvenoient encore des ravages que la peste de 1812 avoit faits dans leur contrée, ne se décidoient qu'avec peine à se rendre aux sollicitations du pacha, et auroient préféré qu'on eût établi un commerce direct avec leurs ports.

Les marchands russes ne seroient reçus à Anapa qu'avec un sentiment de crainte et de

défiance aussi les relations sont nulles entre cette place et les ports de la Crimée.

M. Thaitbout, dans le voyage qu'il vient de faire, avoit d'abord inspiré quelque inquiétude; mais, du moment qu'il s'est fait connoître pour Français (1), toute défiance s'est dissipée, et il n'a eu qu'à se louer des procédés du pacha turc à son égard.

(1) M. Thaitbout est aujourd'hui vice-consul du roi des Pays-Bas en Crimée.

Anapa peut donc devenir une échelle avantageuse pour les Français qui auroient des établissements sur la côte des Abazes ou de la Mingrelie, soit qu'elle reste entre les mains des Turcs, soit qu'elle fasse un jour partie des possessions de la Russie.

Les marchandises qui conviennent à la consommation de Constantinople sont recherchées par les Turcs qui forment la garnison d'Anapa.

A l'égard de celles qui seroient convenables aux Circassiens, au lieu des notions trop incertaines que je pourrois donner à cet égard, j'ai cru utile de joindre parmi les pièces justificatives l'état des articles d'importation et d'exportation de la Circassie, tel que le donne le consul Peyssonnel dans son Traité sur le Commerce de la mer Noire, en 1787 (1).

Les montagnards sont tellement constants dans les procédés de leur agriculture, dans leurs goûts, dans leurs usages, que cet état de marchandises ne peut avoir éprouvé d'autres changements qu'une diminution excessive dans la reproduction et la consommation, suite de la dépopulation des montagnes par la peste de 1812, et de l'inaction dans laquelle le commerce est

(1) Deuxième note des pièces justificatives.

tombé depuis que la Russie s'est emparée de la Crimée et de tous les pays adjacents.

Pendant le séjour de M. de l'Écluse au port d'Anapa, ses employés rencontroient fréquemment dans les rues des Russes esclaves, qui leur témoignoient un vif desir de profiter de son bâtiment pour recouvrer la liberté; mais la surveillance des Turcs ne leur permettoit pas de se rendre à leurs vœux.

A environ trente-deux werstes (huit lieues d'Anapa, on trouve Soudjouk-Kalé. Elle n'a qu'une baie ouverte, défendue contre les vents du nord par le cap Taouba. Il en ferme l'entrée, que favorisent toujours les courants qui portent avec une rapidité étonnante du midi vers le nord tout le long de la côte.

Le fond de cette baie est vaseux, et les bâtiments y sont en parfaite sûreté pendant huit mois de l'année.

Le commerce de Soudjouk-Kalé est absolument nul, et les habitants, aujourd'hui très-peu nombreux, tirent d'Anapa les articles d'Europe dont ils ont besoin, en échange de cuirs, de buis, de cires, de miels et de quelques esclaves.

Entre Soudjouk-Kalé et Ghelintchik, éloignés entre eux d'environ soixante werstes (quinze

lieues), on trouve une petite anse à laquelle les Turcs donnent le nom de jalandji (ou faux) Ghelintchik. Ghelintchik proprement dit a une baie défendue par deux caps contre les vents du nord et du sud, et qui n'est exposée qu'aux seuls vents du sud-ouest.

Les Turcs avoient autrefois quelques troupes dans cette place: ils les ont retirées, ainsi que de Soudjouk-Kalé, afin de concentrer leurs forces à Anapa. C'est à Ghelintchik qu'un M. de Scassi, génois, plein d'intelligence et d'activité, a formé son principal établissement. C'est à lui qu'est due l'idée primitive de civiliser par le commerce les Circassiens, et successivement les autres peuples du Caucase.

Ce projet, présenté en 1813 à feu M. le duc de Richelieu, ne pouvoit manquer d'être adopté avec une sorte d'enthousiasme par un homme qui, plein de courage, et s'exposant au danger avec un véritable héroïsme, n'étoit pas moins sensible à tous les fléaux inséparables d'un état de guerre. Long-temps gouverneur général de la Russie méridionale, et en hostilité continuelle contre les montagnards, il avoit reconnu parmi eux, malgré un amour déréglé de pillage, des sentiments assez élevés, et il avoit jugé que leurs incursions continuelles tenoient moins à leur

esprit guerrier, et à la facilité qu'ils avoient de se retirer dans des montagnes inaccessibles, et dont eux seuls connoissoient les passages, qu'à la misère excessive qu'ils éprouvoient depuis qu'on les avoit resserrés dans leur territoire, et que, par défaut de commerce extérieur, ils ne trouvoient plus le débouché du produit de leur chasse et de leurs forêts. Il appuya donc, avec tout le crédit attaché à ses vertus éminentes et à la haute estime dont il étoit entouré, les projets de M. de Scassi, et il n'eut pas de peine à les faire adopter à un souverain distingué par sa philantropie.

Lorsque M. le comte de Langeron succéda à M. le duc de Richelieu, il continua à M. de Scassi la protection que lui avoit accordée son prédécesseur. Il obtint l'autorisation de mettre à sa disposition un bâtiment de la couronne pour faire son commerce; on y joignit un don de cent mille pouds de sel. Il reçut des décorations, un avancement rapide dans la carrière des affaires étrangères à laquelle il étoit attaché. Il fut chargé de former à Pschad un établissement pour procurer des bois de construction aux chantiers de Nicolaiew et de Kherson; enfin on lui donna la commission de l'achat et de l'organisation des bâtiments qui devoient composer la flottille de

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