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comme au temps où écrivoit Peyssonnel, en échange de sel, et poids pour poids, souvent même avec plus d'avantage. Cette branche de commerce, autrefois assez importante, qui présentoit de beaux bénéfices à ceux qui s'en occupoient, et facilitoit l'affrétement des bâtiments, est entièrement tombée. Je pense qu'il en faut chercher la cause dans l'augmentation sans cesse croissante des commissions et des frais de toute

espèce qui, pesant sur un article de si peu de valeur, et déjà grevé d'un fret très-cher, ne laissent plus aucun bénéfice à ceux qui voudroient spéculer sur cette marchandise.

Entre Mamaï et Ardler, la côte n'offre que quelques anses, qui étoient autrefois fréquentées, en été, par des bateaux turcs : ils y venoient chercher des buis et des fourrures.

Ardler n'a qu'une plage défendue par un cap qui l'abrite contre les vents du nord. C'est dans son voisinage qu'est placé le défilé fameux connu sous le nom de Gagra. Il est situé entre la mer et le revers d'une montagne à pic extrêmement élevée, et sépare l'Abazie méridionale de l'Abazie septentrionale et de la Circassie. Si on y plaçoit une forteresse en pierres, il suffiroit d'une garnison de cinq cents hommes pour défendre la partie de l'Abazie attenante à la Mingrelie et

l'ancienne Colchide contre tous les peuples du Caucase. Cette position mérite donc de fixer l'attention du gouvernement de la Russie, et sa prise de possession est au premier rang des mesures que cette puissance doit adopter, si elle veut définitivement pacifier ou soumettre les nations du Caucase qui, depuis dix ans, sont en guerre, ou du moins en état d'hostilité continuelle contre ses frontières.

L'Abazie n'a point de port proprement dit; elle en est dédommagée par les deux vastes baies de la Pitzunda et de Soukoum-Kalé.

La Pitzunda est évidemment la position indiquée par les géographes et les historiens anciens sous le nom du grand Pythus. Du temps des empereurs d'Orient, elle étoit la frontière de l'empire de ce côté de l'Asie (1).

C'étoit alors, comme aujourd'hui, une contrée barbare entourée de déserts qui servoient de lieu d'exil aux illustres Romains tombés en disgrâce. Saint Jean-Chrysostôme, dans le commencement du cinquième siècle, y fut exilé par l'impératrice Eudoxie, sous le règne d'Arcadius; mais son grand âge et les fatigues de la route ne lui

per

(1) Voyez l'Histoire de la chute de l'Empire romain, par Gibbon.

mirent pas d'atteindre sa destination. Il mourut dans un des petits ports de la côte de la Natolie, où il avoit relâché.

Le fond de la baie de la Pitzunda est vaseux; mais elle est sûre, et l'ancrage y est excellent. On n'y trouve ni rochers ni écueils; la côte ellemême se compose de terres argileuses, et n'offre conséquemment pas de grands dangers dans le cas d'échouement.

Dans toute cette baie, la mer a depuis trois jusqu'à vingt brasses de profondeur. Les vaisseaux à l'ancre sont abrités par de hautes montagnes contre les vents du nord et du sud, et contre les vents de mer par un promontoire peu élevé. On y voit encore les ruines, ou plutôt les restes presque entiers d'un ancien monastère abandonné depuis long-temps, à la suite d'une invasion de Circassiens.

La baie de la Pitzunda n'est véritablement à découvert que contre les seuls vents du sudoucst, qui viennent de Trébizonde; mais ces vents sont rarement dangereux.

Il seroit facile d'établir, sans beaucoup de dépense, à la Pitzunda, un magnifique chantier de construction pour les plus gros vaisseaux.

On détermineroit sans peine les Abazes, pauvres, privés d'industrie et de commerce, à

travailler dans les chantiers de construction, et, guidés par des contre-maîtres, on en feroit en peu de temps de bons ouvriers.

Les exploitations des forêts seroient favorisées par les princes du pays, du moment que, par quelques présents, on s'en seroit fait des konacs (ou protecteurs).

Le monastère abandonné dont j'ai fait mention, et qu'on trouve à l'extrémité du promontoire nord, est pour les Abazes musulmans, comme pour les Arméniens de cette contrée un objet de crainte et de vénération. Par suite de la superstition à laquelle les Abazes, comme tous les barbares, sont naturellement enclins, jusqu'ici les meubles, les ornements d'église et les livres restés dans ce monastère ont été respectés. Nul abaze, nul turc, nul arménien attiré à la Pitzunda pour y échanger des sels contre des buis, dont elle est un des principaux marchés, n'oseroit y porter une main sacrilége.

En 1821, un arménien, que le commerce y avoit amené, ayant enlevé deux feuillets d'un de ces livres, écrits dans un caractère qui lui étoit inconnu, étoit à peine de retour à Soukoum-Kalé, où il demeuroit, qu'il fut attaqué de la fièvre, et il ne manqua pas de l'attribuer au larcin irréligieux dont il s'étoit rendu cou

la

pable. Cependant sa fièvre continuoit, et comme elle étoit, sans aucun doute, alimentée par crainte, elle cessa dès qu'il se fut déterminé à rapporter dans le monastère les deux feuillets enlevés. Cet événement, raconté avec toutes les circonstances et les additions propres à en relever le merveilleux, a contribué à consolider, pour de longues années, cette croyance conservatrice.

A la Pitzunda, on trouve une quinzaine de maisons habitées par autant de familles qui s'occupent d'agriculture, et surtout de la garde de l'antique monastère abandonné. Les Abazes et les Circassiens y apportent fréquemment, comme offrandes pieuses, une portion de leurs brigandages. L'aisance dans laquelle vivent les habitants de la Pitzunda semble dépendre de l'usufruit, et vraisemblablement de la propriété exclusive des nombreux ex-voto des peuples de ces contrées.

La Pitzunda n'est éloignée que d'environ soixante wertes (quinze lieues) de SoukoumKalé; entre ces deux points, les navires ne trouvent aucun refuge.

La baie de Soukoum-Kalé est moins bien défendue contre les vents du sud que celle de la Pitzunda; mais rien ne seroit plus facile que

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