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Les cinq autres princes ses frères sont restés indépendants. Assem-Bey, le troisième, étoit le plus remuant : c'est celui qui, en dernier lieu, a été chassé par les Russes de Kelassaour, sa demeure habituelle.

Saphir-Bey a laissé quatre fils et six princesses. J'étois à Pétersbourg à la fin de 1821, au moment où on apprit la mort de Saphir-Bey: son fils aîné étoit alors page de Sa Majesté Impériale, et fut étrangement surpris lorsqu'on vint lui annoncer que l'empereur venoit de le reconnoître souverain de l'Abazie, et lorsque le soir il fut placé à table auprès de celui qu'il avoit servi la veille.

Transporté du palais d'Alexandre dans la modeste habitation en bois qu'avoit occupée son père, ne connoissant ni ses peuples ni leur langue, il a vécu pendant deux ans moins en souverain qu'en captif, laissant à sa mère l'administration de ses États.

Mort presque inopinément quatre mois après notre départ de Soukoum, il a eu pour successeur son second frère, qui a continué de vivre à Soouksou, jusqu'au moment où des événements récents l'ont ramené à Soukoum-Kalé.

L'insalubrité de cette forteresse pendant l'automne est occasionnée par la stagnation des eaux

qui, après les orages, descendant du Caucase dans la plaine placée au nord, sont privées de l'écoulement que leur procuroit autrefois le canal servant de port, et qui depuis s'est comblé. La simple inspection de cette plaine suffit pour reconnoître avec quelle facilité on détruiroit cette cause de maladie pour la garnison de SoukoumKalé.

A Kherson, long-temps citée pour son insalubrité, il a suffi de contenir le Dniéper dans son lit, pour que la mortalité n'excédât pas la proportion ordinaire des pays les plus salubres. Batavia, le tombeau des Hollandais, à peine entre les mains des Anglais, a vu disparoître tout danger pour l'existence des Européens par le seul effet du desséchement des fossés qui entouroient les jardins des négociants, et par suite de plantations faites avec intelligence. Il ne peut donc rester aucun doute qu'à Soukoum-Kalé, et sur toute la côte, on ne cesse d'être exposé aux fièvres intermittentes le jour où le gouvernement russe se décidera à se livrer aux travaux indiqués pour le desséchement des marais ou terres basses qui environnent les ports: alors on changera en peu de temps la nature de ces belles contrées.

Les terres fertiles de l'Abazie sont propres à

la culture du coton, du tabac et de l'indigo; la garance et la vigne y croissent partout dans l'état

sauvage.

On trouve à six werstes de Soukoum une riche mine de plomb, et près du village de Soouksou, il existe une mine d'or, dont on assure que Saphir-Bey cachoit soigneusement le gisement, de peur qu'elle ne déterminât l'occupation entière de cette contrée par les Russes. On croit aussi qu'il y a dans les montagnes, à peu de distance de la forteresse, des mines d'argent.

L'Abazie, susceptible de devenir riche par sa culture et par ses mines, ne renferme que peu de monuments.

A quelques lieues de Soukoum-Kalé, on voit les ruines d'un ancien château et une église bien conservée. Un peu plus loin, au haut d'une montagne, on trouve une autre église très-vénérée des Abazes elle dépend des possessions de Saphir-Bey. Le serment que font les Abazes près de cet édifice est pour eux sacré et inviolable.

Enfin à peu de distance de Soouksou, il existe une grotte très-étroite à l'entrée, mais qui s'élargit beaucoup ensuite et paroît très-profonde. Un ruisseau d'eau limpide en sort. M. Paul Guibal, mon interprète dans mon second voyage en Russie, dit avoir fait plus d'une werste

dans cette caverne. Elle est entièrement tapissée de petits cailloux placés régulièrement les uns auprès des autres. Il partage la croyance générale qu'elle s'étend jusqu'à l'extrémité d'une montagne très-élevée, à trente werstes de ce point.

On voit aussi entre Soukoum et Soouksou, sur une montagne, une forteresse de forme triangulaire, à laquelle on donne le nom de Phanacopée; elle est très-solidement construite en pierres de taille, et paroît être d'une haute antiquité.

Tous les renseignements que j'ai pu recueillir pendant mon séjour en Abazie et dans l'ancienne Colchide, sont d'accord sur le respect que les montagnards ont conservé pour les croix en pierres et pour les anciennes églises qu'on trouve en grand nombre dans l'Abazie, la Circassie et dans toutes les montagnes du Caucase. Ainsi ces peuples, en adoptant, par l'effet de la force, la religion de Mahomet, dans laquelle le Christ est considéré comme un sage, n'ont pas voulu profaner des temples où leurs pères avoient, pendant plusieurs siècles, célébré le culte chrétien. La conversion des Abazes date de l'année 510, sous Justinien.

Sans vouloir consacrer un chapitre aux usages

et à la superstition de ces peuples, je dirai qu'à Ilori, frontière de l'Abazie et de la Mingrelie, il existe aussi une église de la plus haute antiquité, dans laquelle on voyoit encore il y a quelques années des catapultes, des beliers, et d'autres anciennes machines de guerre antérieures à l'invention de la poudre, et des casques de fer d'une grandeur démesurée. Cette église est l'objet de la vénération des Mingreliens et des Abazes, et ils citent continuellement les miracles qui s'y opèrent.

Les Abazes ont conservé un grand nombre d'usages de leur ancienne religion : ainsi ils observent pendant trois jours la fête de Pâques, et suivent la coutume de manger à cette époque des œufs rouges. Ils célèbrent aussi la fête de la Pentecôte et la fête de Noël, celle-ci, comme nous, le 25 décembre, les deux autres à des époques fixes, étant hors d'état de calculer les épactes. Il faut ajouter que beaucoup de familles sont restées chrétiennes : leurs prêtres sont mingreliens.

Par suite de l'ignorance des Abazes, ils n'ont aucune idée de la valeur des médailles d'or et d'argent qu'ils trouvent en grand nombre dans leur contrée, et ils sont dans l'habitude de les fondre.

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