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sur la route d'Ilori, rentroit à la chute du jour, et les portes étoient soigneusement fermées. Alors des chiens d'une petite espèce étoient mis hors des portes, et servoient à la garde des troupeaux et à la surveillance extérieure. Ils précèdent les détachements qui vont couper des bois et faire des fourrages, et les avertissent par leurs cris des embuscades qu'on voudroit leur tendre.

Nous restâmes huit jours à Soukoum-Kalé où nous eûmes beaucoup à nous louer de l'accueil et des attentions du commandant de cette forteresse, nommé Fodor-Alexievitch Michin (1). Cet officier occupoit ce poste depuis deux ans; il y en avoit douze qu'il habitoit les provinces russes au-delà du Caucase. C'est lui qui en 1820 avoit, d'après les ordres du général ́en chef, évacué la forteresse de Saint-Nicolas, située entre l'embouchure du Phase et Batoum, sur la côte du Gouriel, mesure qui avoit été déterminée par la grande mortalité de la garnison de ce poste, qui d'ailleurs n'étoit d'aucune utilité pour la Russie. Je dois à cet officier et à son interprète une partie de mes renseigne

(1) Cet officier a été tué dans une sortie contre les Abazes en 1824.

ments sur cette contrée. J'ai aussi, à cet égard, beaucoup d'obligations à M. Paul Guibal, qui avoit demeuré près d'un an à Soukoum-Kalé, et au major Rakotse, commandant actuel de Redoute-Kalé.

CHAPITRE IV.

Arrivée d'un Mingrelien à bord de la frégate.-Départ de Soukoum-Kalé pour Redoute-Kalé.—Vue de Kelassaour.

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Ilori. · Anagri. - Arrivée dans la rade de RedouteKalé. Difficulté de l'entrée de la rivière. Sûreté et profondeur de la Khopi.-Travaux nécessaires pour assainir Redoute-Kalé. - Bâtiments de la quarantaine. Commerce et navigation en 1823. -Poids et mesures. — L'ancien commerce d'esclaves a cessé. Souvenirs qui s'attachent au Phase ou Rion. Améliorations dont la navigation de ce fleuve est susceptible. - Situation actuelle des principaux ports, baies et anses de cette côte. Quelques mots sur le Gouriel. — Erreurs relevées sur la situation de Bati.-Colonies anciennes. Description de la Mingrelie.-Détails sur le prince et la princesse de Mingrelie.

LA veille de notre départ de Soukoum, nous vîmes arriver à bord, vers la nuit, un malheureux mingrelien enlevé depuis quinze ans par les Abazes, et qui, pendant ce long intervalle, avoit toujours vécu parmi eux. Au moment où il fut pris, on lui perça le talon pour y entretenir une plaie qui le mît hors d'état de fuir, et on le chargea de la garde des cochons, dont ce peuple, quoique musulman, fait sa principale

nourriture. Peu à peu il obtint la confiance de son maître, et l'accompagnoit quelquefois à Soukoum, où il venoit échanger des cires, des miels et quelques fourrures contre des sels et des toiles peintes communes.

Un jour, il avoit échappé à la surveillance des Abazes avec lesquels il étoit venu, et s'étoit caché dans la forteresse; on le découvrit dans sa retraite, et, pour ne pas compromettre l'état de paix dans lequel on vivoit avec ces barbares, on le força d'aller rejoindre son maître. Ce malheureux trouva le moyen de s'excuser de sa courte absence, et, conservant la confiance qu'il avoit obtenue, il nourrissoit le desir de rentrer en Mingrelie. L'arrivée de la frégate russe lui fournissoit une occasion de salut, et il sut en profiter, en intéressant à son sort l'interprète et le commandant.

S'étant soustrait de nouveau à la surveillance de son maître, il resta vingt-quatre heures caché à Soukoum, et fut embarqué à la nuit, couvert d'une capote de soldat. En arrivant à bord du bâtiment, le captif échappé étoit dans l'ivresse de la joie ; mais l'expression de sa figure dénotoit encore l'état de frayeur habituelle dans lequel il avoit vécu : il étoit très-maigre et presque nu. Nous ne pûmes qu'avec beaucoup de peine tirer

de lui quelques renseignements sur l'intérieur de l'Abazie il se borna à nous dire que le pays étoit extrêmement fertile, couvert de bois, entremêlé de vallées et de montagnes. Il nous assura que le peuple, faute de commerce et de débouché pour le produit de ses terres et de sa chasse, étoit d'une excessive pauvreté, que la culture y étoit négligée, et que souvent . son maître et lui manquoient des vivres nécessaires pour leur subsistance. On fit à bord une quête pour ce malheureux : les Russes sont généralement bienfaisants; elle fut abondante. On y ajouta des hardes pour le couvrir, en attendant qu'il pût arriver dans son village, où peutêtre toute sa famille aura disparu, comme beaucoup d'autres, pendant la peste de 1812.

Partis le mardi 6-18 juin, à quatre heures du matin, de Soukoum-Kalé, nous ne tardâmes pas à apercevoir les ruines de Kelassaour, et bientôt nous nous trouvâmes au cap Cador, situé à dix-huit werstes de Soukoum. Nous mimes la journée entière et une partie de la nuit à le doubler.

Ici le capitaine me fit observer que la carte des provinces russes au-delà du Causase, gravée à Pétersbourg, est exacte sur l'intérieur de la Mingrelie, mais qu'elle renferme, sur la côte

I.

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