AVANT-PROPOS. J'AI fait mon premier voyage dans la Russie méridionale en 1817 et 1818; je séjournai alors à Odessa; je visitai Nicolaiew, Kherson, les colonies Allemandes, Mennonites, Tartares et Grecques. Après avoir passé un mois à Taganrog, que la mort récente d'un illustre potentat, objet de si vifs regrets, a rendu célèbre, je me rendis dans la colonie arménienne de Nackchivan, ou Nakhdchevan; je m'arrêtai quelques jours à Novotcherkask, capitale actuelle des Cosaques du Don, et me détournai pour voir leur ancienne capitale, située sur les bords du Don, véritable Venise au milieu des eaux. Je remontai ensuite ce fleuve jusqu'à Catchalni, et voulus suivre moi-même cette route de quinze lieues, qui conduit à Dubofka sur le Wolga; route sur laquelle, depuis le 1er mai jusqu'au 1 septembre, plus de quinze mille charriots transportent journellement, moyennant 40 centimes par quintal, nonseulement tous les produits de la Sibérie qui sont destinés pour la mer Noire et la Méditerranée, mais jusqu'aux pièces mêmes des navires qui sont démontés sur le Wolga, et reconstruits sur le Don avec une rapidité qui dépasse toute idée. Descendant ensuite le Wolga jusqu'à Astrakhan, j'ai passé cinq semaines dans cette capitale d'un ancien royaume Tartare, dont la population comprend presque tous les peuples de l'Europe, presque toutes les nations de l'Asie; où le rit grec, le rit catholique et le rit arménien ont leurs églises, les musulmans chiites et sunnites leurs mosquées; où le grand Lama compte de nombreux sectateurs, et où Zoroastre a conservé des disciples. D'Astrakhan, j'ai traversé les déserts de sable qui bordent la mer Caspienne jusqu'à l'embouchure du Terek. Après un court séjour à Kizlar, j'ai suivi le Terek jusqu'à Mozdok, point de départ du chemin qui conduit à Tiflis par le défilé de Dariel. Je passai trois jours à Mozdok avec le général en chef Yermoloff, qui venoit d'être nommé gouverneur-général de la Géorgie et de la province du Caucase. Je lui étois · recommandé par feu M. le duc de Richelieu et par M. le comte de Langeron. Il m'accueillit avec beaucoup de bonté. Déjà, d'un coup-d'œil, le général Yermoloff avoit aperçu la situation avantageuse de la Géorgie, sous le rapport du commerce, et c'est d'après ses vives instances que je me déterminai à visiter ces contrées, Avec la protection bienveillante du général Yermoloff, je voyageai sans danger sur les frontières de la Kabarda et le long du Kouban, jusqu'à Taman, dont je traversai le détroit pour arriver à Yénikalé. Après avoir ensuite visité Kertch, Théodosie, Simpheropol, et revu Odessa, je vins passer une année à Paris, où je me préparai à repartir pour la Géorgie. Ce premier voyage étoit rédigé; mais il traitoit de pays sur lesquels on avoit déjà beaucoup écrit, et je me bornai à en donner un extrait dans les Annales si justement estimées de MM. Eyriès et Malte-Brun. De retour en Russie en novembre 1819, après avoir visité les provinces Russes audelà du Caucase, les bords de la mer Noire et de la mer Caspienne, je me décidai à passer une année à Moscou et à Pétersbourg; depuis, j'ai résidé en Géorgie comme consul du Roi, et ainsi ma position m'a mis à même de réunir sur des contrées si peu connues des notions qui intéressent à la fois les sciences et le commerce. |