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cement d'une guerre, privée des capitaux et du crédit qui constituent la force principale des gouvernements modernes.

L'Angleterre a toujours su apprécier cette puissance de l'argent qui repose sur le commerce, si long-temps pour nous un objet d'insouciance.

Lorsqu'autrefois, en France, on établissoit la statistique des États, et que l'on comparoit leurs moyens de force, on faisoit mention de la population, du nombre des troupes, de celui des vaisseaux; on parloit de la fertilité des terres, mais il n'étoit jamais question de la richesse relative en argent ou en crédit; on rappeloit avec complaisance la chute de tous les États commerçants : les Phéniciens, les Phocéens n'avoient, disoit-on, laissé aucune trace de leur grandeur éphémère; les richesses de Tyr n'avoient pu défendre cette cité contre les soldats d'Alexandre; on opposoit les victoires de Rome pauvre à la destruction de Carthage, ville de commerce; on citoit l'état de foiblesse où étoient tombées les républiques de Venise

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et de Gênes, comme si leurs richesses avoient été la cause de leur ruine. Enfin, on croyoit avoir triomphé de l'Angleterre, en désignant cette nation puissante sous le nom de peuple de marchands et de boutiquiers.

Cependant, si on réunissoit dans le même tableau les nombreux faits historiques qui attestent les revers et les malheurs occasionnés par le seul effet de la privation d'argent, et les succès dus à la puissance de l'or, on opposeroit des arguments sans réplique à ceux qui n'attachent qu'une foible importance à l'industrie et à la navigation.

On leur rappelleroit Carthage, riche par son commerce, mais momentanément hors d'état de payer la solde arriérée de ses soldats mercenaires, livrée dès-lors à une guerre intérieure qui devint la principale cause de sa ruine. C'est ainsi qu'en supposant, pendant trois mois seulement, la solde des cipayes, troupes mercenaires de l'Angleterre, non acquittée par le gouvernement de l'Inde, sa puissance y seroit bientôt détruite.

Mais, prenant nos exemples dans des temps plus rapprochés, je ferai observer que les revers qui déterminèrent la signature de la paix de 1763 furent amenés par la pénurie de nos finances. Le gouvernement Français discrédité par un manque récent de foi envers ses créanciers, n'ayant pu trouver à emprunter, de 1760 à 1763, que 150 millions, pendant que l'Angleterre en réunissoit plus de 600, l'effet réciproque, observe Stuart, dans son Traité sur l'économie politique, fut alors comme 1 à 4, et une guerre, commencée avec beaucoup de gloire, se termina d'une manière désastreuse.

Si des malheurs attachés à la privation d'argent, nous passons aux exemples qui prouvent l'influence de la richesse sur la prospérité et la force des Etats, nous en trouverons à Venise au treizième siècle. Les croisés Français, ayant été obligés d'avoir recours aux Vénitiens, et de leur demander des vaisseaux pour se faire transporter à Constantinople, et n'ayant pu leur donner la totalité de la somme stipu

lée pour le fret, il fut convenu qu'indépendamment du payement des trentequatre mille marcs d'argent qui étoient restés en arrière, la moitié de toutes les conquêtes seroit accordée à la république, pour lui tenir licu d'intérêt, et cette clause fut strictement observée, après la prise de Constantinople, par les Français, parmi lesquels figuroient seulement quelques soldats Vénitiens, commandés par leur doge, le vieux et brave Dandolo, dont je ne veux ici ni diminuer le mérite ni ternir la gloire.

C'est sur le commerce et sur les richesses

des Pays-Bas que, dans le quinzième siècle, reposoit surtout la puissance des ducs. de Bourgogne. C'est à cette époque, observe Robertson, que Jeanne de France, assistant, à Bruges, à un tournoi, et y trouvant réunies un grand nombre de femmes de négociants couvertes de brocards d'or et d'argent, de perles et de diamants, s'écria avec dépit : « Je me croyois » ici seule reine, et j'en trouve plus de

>> cent. >>>

Mais, sans multiplier les faits, je rappellerai encore une fois l'Angleterre, se trouvant, pendant les guerres de la révolution, en état de subvenir à la solde de toutes les armées de l'Europe coalisée contre la France, et réunissant dans les lignes de Torres-Vedras la population entière du Portugal, trouvant le moyen de l'y faire vivre dans l'abondance, en transportant sur ses vaisseaux, depuis Londres jusqu'à Lisbonne, non-seulement les vivres né cessaires à la subsistance de cette population et de son armée, mais jusqu'aux fourrages pour les chevaux et les bestiaux réunis sur un même point. Ainsi l'armée de Masséna fut bientôt affamée dans le Portugal, où tout avoit été détruit, et cette conquête, faite avec tant de courage, fut perdue par le seul effet de l'application de richesses inépuisables.

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J'ai suffisamment prouvé, je pense, que l'équilibre, que le contre-poids des nations ne consiste pas seulement dans la proportion de leurs forces de terre et de mer, mais qu'il repose aussi sur le plus ou le

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