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la frégate jeta l'ancre à trois werstes de RedouteKalė. Le fond de cette rade est bon, et l'eau y est profonde; mais comme elle est ouverte et n'est abritée que par des caps éloignés, elle ne présente pas une sûreté suffisante dans les grandes tempêtes qui ont lieu en hiver.

Après avoir salué la forteresse, le capitaine fit mettre sa grande chaloupe à la mer, et je m'y embarquai avec lui. La nuit précédente, le vent avoit été violent, et la lame étoit encore très-forte. La vitesse des courants, qui du Phase et de la Khopi portent toujours au nord, avoit été augmentée par la quantité d'eau tombée des montagnes, à la suite de nombreux orages survenus depuis quelques jours, et qui, ayant formé de nouveaux bancs à l'embouchure de la Khopi, en rendoient l'entrée très-difficile. Les efforts réunis de douze matelots robustes et l'élite de l'équipage avoient peine à rompre la lame, et peu s'en fallut que nous ne manquassions la passe. L'inquiétude du capitaine se manifestoit par des actes de violence auxquels il n'étoit pas accoutumé, et que déterminoit le danger que nous courions. Enfin un redoublement d'efforts fut couronné du plus heureux succès, et nous ne tardâmes pas à nous trouver dans la Khopi vis-àvis de l'entrée de la forteresse.

J'y rencontrai le général-major prince Pierre Gorstchakoff, dont j'avois fait la connoissance à mon premier voyage en Géorgie, et qui m'avoit accueilli avec tant de bonté. Gouverneur de l'Immirette, où son caractère à la fois bienveillant et ferme lui a mérité l'estime et l'attachement de ses administrés, chargé de la surveillance de la Mingrelie et de l'Abazie, il venoit à Redoute-Kalé avec un détachement de deux cents hommes réclamé comme secours par le prince des Abazes, pour s'embarquer à bord de la frégate qui nous avoit amenés de SoukoumKalé.

J'ai parlé tout à l'heure des difficultés que présentoit l'entrée de la Khopi : lorsque des travaux hydrauliques, indiqués par les localités, seront exécutés avec soin et intelligence, ils la débarrasseront des bancs qui en obstruent l'embouchure, et dirigeront hors de la passe les sables la rivière charrie à la suite des orages. si fréquents dans cette contrée.

que

La Khopi formera alors le port le plus sûr et le plus commode de la mer Noire pour les bâtiments de commerce, puisqu'elle a, sur une longueur de plus de quatre werstes (une lieue), de quinze à dix-huit pieds de profondeur, et que ses bords sont à pic, de manière que le charge

ment et le déchargement des navires se font avec la plus grande facilité.

La Khopi parcourt, ainsi que le Phase, la longue plaine de la Mingrelie; mais elle a beaucoup moins de rapidité, ses sources étant placées dans des montagnes peu élevées, comparativement aux hautes chaines du Caucase, qui fournissent au Phase ses premières eaux.

La distance en ligne directe de la Khopi à la mer est à peine de soixante-dix werstes, et ses sinuosités sont telles, qu'on évalue son cours à plus de cent werstes. Nous l'avons remontée dans un canot jusqu'à l'habitation d'un prince mingrelien, du nom de Djayan, qui n'est qu'à vingt werstes de Redoute, et, dans ce court espace, nous avons compté cinquante-huit bassins bien distincts, qui, rompant continuellement l'effet du courant, contribuent à l'extrême limpidité de ses eaux. La Khopi, près de son embouchure, surtout dans les temps de grandes pluies, s'élève de quatre à cinq pieds, inonde une partie des campagnes, et entraine avec elle une grande quantité d'arbres et de terre, mais très-peu de pierres, le sol entier de cette riche plaine étant composé d'argile, de bonne terre végétale et de sable.

A environ une werste de l'embouchure de la

Khopi, on trouve une rivière peu large, mais très-profonde, qui s'y jette, et peut servir de bassin. Elle se nomme la Syba: on la traverse sur un bac, pour se rendre au bazar.

L'air est malsain à Redoute-Kalé, surtout à l'automne; mais cette insalubrité disparoîtroit infailliblement, si on vouloit dessécher les marais dont le bazar est environné, élever les bords de la rivière, pour empêcher les débordements, et, par de grands défrichements, éloigner les pluies qui y tombent en abondance, parce que les nuages, poussés par les vents de mer, sont arrêtés par la masse des forêts qui couvrent la Mingrelie.

Il est, d'ailleurs, hors de doute que le défaut de surveillance de l'administration sur les approvisionnements du marché contribue puissamment à y engendrer des fièvres intermittentes, qui, en général, ne résistent pas au quinquina, et dont on empêcheroit le retour, en suivant un bon régime (1).

Pendant presque tout le mois de juin et une partie de celui de juillet que nous y avons de

(1) Depuis deux ans on a abattu quelques portions de forêts aux environs de Redoute-Kalé, et déjà les fièvres y sont beaucoup moins fréquentes.

meuré, en attendant le retour du prince Gorstchakoff de l'Abazie, nous n'y avons jamais vu que la plus mauvaise viande de chèvre et de bouc, quelquefois du buffle, et encore en trouvet-on rarement pendant les deux cents jours dont se composent les carêmes des Russes. Le vin y étoit généralement aigre, le pain presque toujours fait avec de la farine moisie. Comment ne pas être exposé à la fièvre avec une pareille nourriture? Au surplus, il est juste de reconnoître que la Russie vient à peine de prendre possession de cette contrée, et qu'elle s'occupe continuellement des améliorations dont elle est susceptible: ainsi tout porte à croire que, dans peu d'années, les inconvénients que je signale auront disparu: ils ont plus d'influence qu'on ne pense sur l'existence des hommes.

Parmi les travaux à faire, un des plus utiles seroit une chaussée depuis le bazar jusqu'à la forteresse, qui en est éloignée d'une werste, et où se trouve placée l'administration: alors du moins, en tout temps, les marchands y pourroient arriver à pied sec.

Il y a trois ans que la population de RedouteKalé consistoit en cent cinquante marchands, qui occupoient une trentaine de maisons. Aujourd'hui on y compte plus de cent maisons,

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