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Ils occupoient la côte de la Circassie, dont les habitants ne se connoissent aujourd'hui que sous le nom d'Adighi. Plus loin, on trouvoit les Tindarides et les Hénioques, qu'il croyoit une colonie lacédémonienne amenée par Amphystus et Becas, cochers des Dioscures. Enfin, sur toutes les côtes de la mer Noire, on trouvoit des colonies Grecques.

Les Grecs, privés d'industrie manufacturière, et occupant une terre sur plusieurs points stérile et resserrée, étoient forcés, tous les ans, de se débarrasser d'une jeunesse dénuée de ressources, agitée, turbulente, avide de gloire et de richesses, et qui dès-lors étoit obligée d'aller chercher des terres dans quelques parties non habitées de l'Asie, ou dont la population étoit foible, proportionnellement à son territoire.”

Une pareille émigration, à laquelle on donnoit le nom de ver sacrum (le printemps sacré) n'étoit entachée d'aucun sentiment d'usurpation et d'injustice. On sentoit, dans ces temps anciens, que le premier devoir des gouvernements étoit de pourvoir à l'existence du peuple, et toute invasion qui n'avoit qu'un tel but étoit considérée comme légitime.

Aussi, dans toutes les parties de la Grèce, les hommes les plus recommandables, les plus dis

tingués par leur courage, par leurs talents et leurs vertus, s'empressoient de se mettre à la tête d'une jeunesse pleine d'ardeur, de la conduire et de la diriger. Parmi les fondateurs des villes de l'Italie, d'origine Grecque, on trouve quelques-uns des héros célébrés par Homère.

Les colons étoient-ils plus foibles que le peuple chez lequel ils descendoient, quelquefois on les forçoit de se rembarquer; le plus souvent on les adjoignoit à la population existante, on leur distribuoit des terres incultes, et ils ne formoient bientôt qu'une même nation ; les colons étoientils plus forts, plus belliqueux, plus nombreux que le peuple attaqué, souvent ils lui imposoient leurs lois, la forme de leur gouvernement, et quelquefois lui faisoient adopter leurs mœurs et leurs usages. C'est là ce qui explique les mots étrangers dont presque toutes les langues fourmillent, et ils donnent souvent les moyens de reconnoître l'origine des colonies, et quel a été, sur tel ou tel point du globe, le peuple civilisant ou le peuple civilisé (1).

Ainsi, dans la langue des Abazes, pauvres,

(1) Tous les établissements que les Européens ont formés dans l'Inde pendant le seizième et le dix-septième siècles se sont fondés presque de la même manière que les colonies Grecques dans les temps anciens.

dans un état l'abjection, et vivant de brigandage, on ne trouve ni le mot honneur, ni aucun de ceux qui expriment les sensations et les passions des âmes élevées et grandes. Mais si jamais une nation européenne se chargeoit du noble emploi de civiliser ce peuple, et venoit y porter les arts et l'industrie, dans quelques siècles la simple inspection des mots qui exprimeroient des objets d'arts ou des sentiments élevés, serviroit à indiquer la nation à laquelle seroit dû un tel bienfait.

Pour donner plus de force à cette observation, je citerai un exemple curieux et récent qui n'a peut-être pas été assez remarqué par ceux qui ont étudié la langue russe, qui, comme la langue anglaise, prend souvent dans les idiomes étrangers les mots qui lui manquent pour exprimer des choses nouvelles pour elle. Dans la langue russe, tous les mots de marine et de commerce sont hollandais, parce que en Hollande que Pierre-le-Grand a appris l'art de la construction et de la navigation, et que c'est avec cette nation industrieuse qu'il a établi ses premières relations de commerce. Les noms d'animaux de basse-cour et d'instruments aratoires sont allemands: des cultivateurs de la Courlande, de la Livonie et de l'intérieur de l'Allemagne,

c'est

ayant les premiers donné des leçons d'agriculture à ce peuple long-temps nomade, et ayant introduit sur ses terres les animaux qui faisoient une partie de leurs richesses agricoles. Les mots qui indiquent les objets de mode, les choses de goût, ou qui tiennent aux beaux-arts, sont d'origine française ou italienne, ces deux nations ayant fourni à la Russie ses peintres, ses sculpteurs, ses architectes, ses instituteurs, ses maîtres de danse, de musique, d'escrime, et un grand nombre d'ouvriers de toute espèce. Enfin, les mots qui tiennent à la religion, au culte, au costume des prêtres, aux ornements d'église, et jusqu'à l'alphabet, prouvent évidemment que c'est aux Grecs du Bas-Empire que les Russes ont dû leur religion et leur instruction primitive.

Ici finit ma notice sur la côte, depuis Anapa jusqu'à Batoum. Avant de donner le journal de mes excursions dans l'ancienne Colchide, je dirai quelques mots sur la division actuelle de la Mingrelie.

La Mingrelie se divise en trois provinces.

La première est la Mingrelie proprement dite, à laquelle on donne aussi le nom d'Odeschi. Elle a pour limites, au couchant, la mer Noire; au midi, la principauté du Gouriel; au

levant, l'Immirette, enfin, l'Ingour, au nord. A l'exception de quelques plateaux disséminés et d'une chaîne de montagnes peu élevées, du côté du monastère de Khopi, tout ce pays est généralement plat, et le sol, composé de débris de végétaux, est d'une fertilité à laquelle il est peu de contrées comparables. Cette partie de la Mingrelie, occupée sur plusieurs points par des postes russes, et garantie par des rivières profondes contre les incursions des peuples voisins, offre une entière sûreté aux habitants.

La seconde province est celle de Lesgune. Elle est placée sur la gauche de la Tskeniskal, et commence un peu au-dessus de Khoni, en s'étendant jusqu'au sommet du Caucase, et de la partie des montagnes occupées par les Souanes. Elle a pour limites, à l'orient, le canton de Radscha, un des quatre districts de l'Immirette. Le pays de Lesgune est entièrement montagneux, et l'air y est très-salubre.

La troisième province de la Mingrelie s'étend au nord jusqu'au cap Cador, et a pour limites la rivière de ce nom, le Corax des anciens, et au levant les Tchibelli, montagnes assez élevées. Cette province porte aussi le nom de Tmourakane et celui d'Abkazie. Elle fait partie des états

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