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extérieurs, les inquiétudes qui ont environné la Méditerranée, la crise commerciale dont l'effet se fait encore si fortement sentir, tout a contribué à détourner l'attention d'une contrée qui cependant ouvroit un immense débouché à nos fabriques, et un vaste champ aux grandes combinaisons commerciales.

Au milieu de nos hésitations, les Arméniens de la Géorgie ont pris l'initiative, et l'impulsion qu'ils ont donnée depuis trois ans à ce commerce est digne de remarque. L'Arménien Saratgeff, négociant de Tiflis, est venu le premier, en 1823, à Odessa, où il a acheté pour environ 100,000 fr. de marchandises d'Europe. Il les a lui-même accompagnées jusqu'à Redoute-Kalé, et de là à Tiflis, et les a vendues avec beaucoup d'avantages. L'année suivante, six Arméniens réunis ont paru pour la première fois à la foire de Léipsick, y ont acheté pour 600,000 francs de produits des manufactures d'Europe, les ont expédiés en transit par la Galicie et la Russię méridionale jusqu'à Odessa, où ils ont été embarqués pour Redoute-Kalé, en suivant la route que leur avoit indiquée Saratgeff. En 1825, la quantité des marchandises achetées à Léipsick s'est élevée à 1,200,000 francs; et s'il faut en croire un article de Francfort, en date du 20 juin

dernier, inséré dans la Feuille du Commerce du 24 du même mois, on porte à la somme de 700,000 thalers (2,800,000 francs) la valeur des achats faits par les négociants de Tiflis à la dernière foire de Léipsick.

L'exemple des Arméniens ne peut tarder d'être suivi par les Européens. Ils formeront bientôt à Tiflis un entrepôt de tous les produits manufacturés, réclamés par les besoins des peuples de l'Asie, et par le luxe de l'Orient, et dès-lors les caravanes du Cachemire, de la Boukharie, de l'Afghanistan, qui viennent à Tauris, à Yezd, à Ispahan, continueront leur voyage jusqu'à Tiflis, où elles trouveront des marchandises plus variées, plus assorties à leurs goûts, et des hommes riches pour acheter celles dont leurs chevaux et leurs chameaux sont chargés.

Lorsque le commerce est devenu pour les États européens le plus grand moyen de puissance, lorsque c'est sur cette base que reposent l'industrie manufacturière, et même le repos intérieur des États, on me pardonnera si je traite avec quelque étendue une question d'une si hauté importance, puisqu'il s'agit du commerce de l'Asie, et d'une population plus que quadru ple de celle de l'Amérique méridionale.

Tant que le commerce entre l'Asie occiden

tale et l'Europe ne s'est fait que par l'intermédiaire des marchands Persans, il a dû nécessairement être borné. A une si grande distance, ils ne pouvoient apprécier quelles étoient les productions territoriales et industrielles de l'Asie susceptibles d'une augmentation de consommation en Europe, et encore moins deviner quels étoient, parmi les produits variés d'une industrie qui, depuis trente ans, a fait de si étonnants progrès, les objets qui trouveroient en Perse un grand débouché. Cette observation est bien autrement importante lorsqu'il s'agit, non des Persans, mais des habitants du Moultan, du Lahor, de Samarcande, du Cachemire, du Thibet et de l'Afghanistan, qui depuis des siècles ne reçoivent les marchandises européennes que de la troisième ou quatrième main par la Russie, par le golfe Persique, ou par les marchands de Tauris, d'Yezd et d'Ispahan.

Il est bien certain que le jour où Tiflis sera devenue un marché important, où les caravanes des bords de l'Indus, depuis le Pendjab jusqu'au Guzurate, arriveront en foule, il se formera de nouvelles combinaisons commerciales, des relations immenses entre l'Europe manufacturière et l'Asie, riche de toutes les matières premières indispensables à nos arts et à nos fabriques.

Cette nouvelle route, ce marché dans les États d'un peuple civilisé, cette Ormus nouvelle importe donc à la France, et mérite bien de fixer son attention; elle importe à la Russie, dont une des provinces est destinée à devenir le centre du plus vaste commerce; elle importe à l'Europe entière, qui partout cherche des débouchés pour son industrie, si peu d'accord avec le cercle étroit du commerce actuel.

Mais si on veut que rien n'arrête un essor favorisé par tant de circonstances, on doit se rappeler que les Portugais, pour attirer à Ormus les riches caravanes qui y affluèrent des parties de l'Asie les plus éloignées, prodiguoient aux étrangers les soins, les égards, tous les plaisirs, toutes les jouissances de l'Orient.

«Dans les saisons qui permettoient l'arrivée >> des marchands étrangers à Ormus, cette ville » étoit la plus brillante et la plus agréable de >> l'Orient. On y voyoit des hommes de presque >> toutes les parties de la terre faire un échange >> de leurs denrées, et traiter leurs affaires avec >> une politesse et des égards peu connus dans >> les autres places de commerce.

>> Ce ton étoit donné par les marchands du >> port qui communiquoient aux étrangers une >> bonne partie de leur affabilité. Leurs ma

>> nières, le bon ordre qu'ils entretenoient dans >> leur ville, les commodités, les plaisirs de toute >> espèce qu'ils y rassembloient, tout concou>> roit, avec les intérêts du commerce, à y atti>> rer les négociants. Le pavé des rues étoit cou>> vert de nattes très-propres, et en quelques >> endroits de tapis. Des toiles, qui s'avançoient » du haut des maisons, rendoient les ardeurs » du soleil supportables. On voyoit des cabinets >> à la façon des Indes, ornés de vases dorés ou » de porcelaines qui contenoient des arbustes >> fleuris, ou des plantes aromatiques. On trou>> voit dans les places des chameaux chargés » d'eau. On prodiguoit les vins de Perse, ainsi » que les parfums et les aliments les plus ex» quis. On entendoit la meilleure musique de » l'Orient (1). »

Sans prétendre à cet excès de recherches, du moins les négociants étrangers peuvent être certains qu'ils trouveront en Géorgie, près d'un Gouvernement éclairé, les facilités qu'exige la marche du commerce, et les égards que réclament les usages et les habitudes des nations diverses qui se réuniront à Tiflis.

(1) His. phil. et polit., etc., du Commerce européen dans les deux Indes, tome 1er, page 163.

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