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qui étoit placé au premier étage. Le rez-dechaussée, précédé par une galerie ouverte, est destiné au service. La boiserie de l'intérieur de l'appartement étoit sculptée avec soin et même avec goût; mais l'usage des fenêtres, des verres à vitres et des serrures y paroit encore inconnu. Le propriétaire, qui nous avoit abandonné sa maison, nous envoyoit des provisions de toute espèce, et son attention s'étendoit à tous nos besoins. Le temps commençoit à devenir froid, et il nous fit prodiguer le bois de chauffage. Les cheminées sont étroites, cintrées en ogives : on y met le bois debout, au lieu de le coucher, moyen assuré d'obtenir une grande chaleur.

Nous nous trouvions à Derbent à l'instant où les Persans célébroient l'anniversaire de la mort d'Hussein, gendre d'Ali, un de leurs martyrs. Les cérémonies commençoient à six heures du soir, et duroient jusqu'à onze. On ne peut se faire une idée du bruit effroyable qui les accompagnoit : il nous donna une haute opinion de la ferveur des Musulmans de Derbent. Tant de voyageurs ont décrit ces scènes extraordinaires que je crois inutile d'en parler.

Les vivres sont à Derbent encore à meilleur marché qu'à Tiflis, à Elisabeth-Pol et à Bakou. Pour 6 ou 7 copecs, on nous vendoit une

livre de très-bonne viande, et presque toutes les autres denrées dans la même proportion. Les bazars étoient assez bien fournis en marchandises de la Perse et de l'intérieur de l'Asie, ainsi qu'en produits de l'industrie des Tartares et des peuples des montagnes. Les fourrages seuls étoient très-chers, à cause de la grande sécheresse de l'été, comme dans tous les pays que nous avions parcourus depuis un mois.

Le général de Wrède nous avoit recommandés à deux frères Arméniens qui lui servoient d'interprètes lorsqu'il venoit à Derbent. Ils nous donnèrent des preuves d'une grande intelligence et de beaucoup d'honnêteté.

Je n'ai trouvé à Derbent personne qui s'occupåt d'histoire, d'antiquités et de médailles; et, malgré toutes mes questions, j'avoue que je n'ai rien pu recueillir de nouveau ni d'intéressant sur cette ville. Cependant le général Vlassoff m'avoit parlé d'une notice manuscrite écrite en russe et en français sur Derbent; mais j'ai fait de vaines recherches pour me la procurer.

La population de Derbent est de sept ou huit mille âmes, dont les deux tiers sont Persans. On y compte, indépendamment de la garnison et de l'administration russe, six ou sept cents Arméniens, deux ou trois cents Juifs, et quelques

Arabes descendant de ceux qui envahirent la Perse dans les premiers temps du mahométisme.

Avant mon départ de Tiflis, le général en chef avoit donné ordre au général de Wrède de réunir à Derbent un convoi de cent hommes d'infanterie, de quelques cavaliers, et de deux pièces d'artillerie, qui devoit se rendre de Derbent à Kizlar, et nous devions profiter de cette escorte. Il avoit eu en même temps la bonté de nous remettre des lettres de recommandation pour le tchamkal de Tarkou, et pour les autres princes Tartares que nous devions rencontrer sur notre route. C'étoit beaucoup plus qu'il n'en falloit pour nous garantir de tout danger; car les deux dernières campagnes des Russes dans le Daghestan, et notamment la prise de la forteresse de Coserek, qui fut enlevée d'assaut, avoient répandu parmi les peuples de cette contrée la terreur des armes russes, et avoient augmenté parmi les montagnards le nombre de ceux qui, fatigués d'un état de guerre continuelle, sans aucun avantage pour eux, desiroient franche

ment se soumettre.

Le convoi avoit été composé de soldats de divers régiments qui étoient réformés ou alloient à Stavropol pour y chercher des farines de seigle

et des munitions destinées pour la Géorgie. Ces divers détachements, avec quelques officiers qui avoient obtenu des congés, les cosaques qui servoient et accompagnoient l'artillerie, des femmes et des enfants d'officiers qui alloient à Kizlar, et un assez grand nombre de domestiques complétoient l'ensemble de la caravane, qui étoit d'environ deux cent soixante personnes. Nous étions suivis par un grand nombre de voitures et de chariots tartares mis en réquisition pour transporter les fourrages.

Le convoi étoit commandé par le capitaine de cosaques Soubkoff. Il venoit nous voir souvent pour s'assurer du jour où nous pourrions nous mettre en route. Enfin la fièvre, qui ne m'avoit pas quitté pendant mon séjour à Derbent, cessa, et nous partîmes le 15-27 octobre. Logés près de la porte de Kouba, nous traversâmes la ville du nord au sud, pour descendre ensuite dans une plaine qui borde la mer, et après l'avoir cotoyée pendant environ treize werstes, nous arrivâmes à une mauvaise redoute entourée de palissades, qui étoit occupée par un bataillon d'infanterie Russe.

Le convoi avec lequel nous devions voyager étoit déjà réuni depuis deux heures à la forteet nous attendoit pour se mettre en route.

resse,

Cependant la veuve d'un officier mort depuis trois mois, étant accouchée au moment du départ, nous nous proposions de passer la nuit à la forteresse et d'en repartir le lendemain matin, lorsque nous reçûmes la visite de Joak-Bey, frère naturel d'Amiranza, souverain de Bereckey. Il étoit envoyé par ce prince avec trente Tartares, pour se réunir au convoi, et ajouter à notre sûreté. Joak-Bey nous sollicita vivement de continuer notre route jusqu'à Bereckey, qui n'est qu'à quinze werstes de la forteresse, en nous assurant que nous y serions mieux logés; comme son escorte suffisoit pour notre sûreté entière, nous acceptâmes son offre avec empressement, après avoir reçu l'autorisation du chef du convoi. Nous nous mimes seuls en route au milieu de nos Tartares, et arrivâmes en moins de deux heures à Bereckey. Le prince, prévenu de notre arrivée, nous avoit fait préparer un logement commode dans une des plus grandes maisons de la bourgade. Nos deux chambres étoient éclairées avec luxe; un grand feu brûloit dans les cheminées; cinq ou six Tartares étoient désignés pour nous servir.

A peine descendus de notre voiture, nous reçûmes la visite de Joak-Bey et d'un assez grand nombre de nobles Tartares. Nous leur

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