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liers, ayant à leur tête les deux jeunes fils du tchamkal, leur gouverneur, et le frère de leur mère, vinrent nous prendre, et nous montâmes à cheval pour nous rendre au château. Le chemin qui y conduit est extrêmement escarpé, le château étant bâti sur la partie-la plus élevée de ce magnifique amphithéâtre, dont il forme le sommet. Les rues par où nous passions étoient généralement étroites et tortueuses; presque toutes les maisons étoient entourées de jardins plantés d'arbres de diverses espèces, parmi lesquels on distinguoit le peuplier d'Italie, qui semble indigène dans cette contrée comme dans la Géorgie. Des sources très-multipliées fournissoient en abondance une eau limpide, qui souvent descendoit en cascade jusqu'au bas de la ville. Notre promenade étoit animée par la présence d'un grand nombre de Tartares qui sortoient de leurs maisons pour voir passer la cavalcade, pendant que les femmes, cachées derrière les murs et les portes, cherchoient à satisfaire leur curiosité à la dérobée.

En arrivant au palais du tchamkal, nous trouvâmes la première cour pleine de curieux, qui la plupart paroissoient être des commensaux de la maison. A peine descendus de che val, nous montâmes au premier étage : on nous

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fit entrer dans un appartement composé d'une assez grande antichambre et d'un très-beau salon. C'étoit un parallelogramme très-régulier, au fond duquel il y avoit une cheminée où on avoit allumé un très-bon feu. Je cite ces détails, parce que je considère l'usage habituel du feu parmi les habitants du pays comme un des principaux préservatifs contre la fièvre. En effet, elle attaque surtout les étrangers qui négligent de se prémunir contre la transition trop brusque du chaud et du froid. J'ai eu plus d'une fois occasion de faire cette remarque. Des croisées de l'appartement, on jouissoit de la vue de la ville et de la mer Caspienne des volets tenoient lieu de fenêtres.

Bientôt on nous présenta du thé, usage que je crois plus ancien dans ces contrées qu'en Europe, et qui doit y avoir été apporté par les Calmouks, sujets des Chinois. Le beau-frère du tchamkal et le gouverneur des jeunes princes faisoient les honneurs de la maison. Notre interprète Arménien, qui parloit bien le tartare, étoit devenu ce jour-là un personnage important : il étoit accablé de questions de toute espèce. On lui demandoit des renseignements sur la France, on multiplioit les compliments, tels que les admettent les usages de l'Asie. Cependant on ne

tarda pas à placer sur toute la longueur de la salle des tapis sur lesquels on apporta trois plateaux énormes couverts de pillau, de morceaux de mouton et de volailles rôties, diverses confitures et de très-beaux fruits. La boisson consistoit dans deux sortes de sorbets, contenus dans de très-belles jattes de porcelaine de la Chine. Chacune des trois tables étoit servie de la même manière. On avoit eu l'attention de mettre des bancs devant celle où on nous plaça, et on nous donna des cuillères d'argent, des couteaux et des fourchettes, ustensiles dont on se passa aux deux autres tables. A la seconde, étoient rangés le beau-frère du tchamkal, les deux jeunes princes, leurs gouverneurs et un prêtre musulman qui savoit quelques mots d'italien, et portoit le turban blanc, indice de son voyage à la Mecque. A la troisième table, étoient pla

cés des nobles Tartares.

Lorsque nous fùmes assis à la nôtre, chaque Tartare s'accroupit à celle qui lui étoit destinée : ils mangeoient le pillau et les viandes avec leurs doigts, prenant le riz avec le creux de la main. A peine convalescents, nous mangions trèspeu; les Tartares, au contraire, avoient grand appétit. Cependant le repas ne dura que quelques instants. Quand on se leva de table, des

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serviteurs présentèrent aux convives des bassins remplis d'eau pour se laver les mains, usage que la manière de manger rend indispensable.

La profusion des mets de toute espèce qui couvroient les tables fait juger aisément que, lorsque nous les quittâmes, chacune d'elles se trouvoit encore suffisamment garnie pour régaler les nobles Tartares et les commensaux de la maison qui n'avoient pas pris part au premier repas. On recula alors les tapis et les plateaux. Quelques nobles se placèrent à la table que nous avions occupée; des Tartares d'un rang inférieur se mirent à la seconde. Quant à ceux qui étoient ou de la classe la plus commune ou des domestiques, ou les poussa avec une espèce de brusquerie hors du salon, et on plaça la troisième table et les mets qui la couvroient dans l'antichambre, où tout fut bientôt dévoré.

Nous restâmes encore une heure dans la salle. Avant notre départ, la princesse me fit témoigner tous ses regrets de ce que l'usage du pays ne lui permettoit pas de me recevoir. Mais elle me fit dire en même temps que si je desirois quelques approvisionnements pour mon voyage, je pouvois donner mes ordres. On nous fit voir ensuite l'avant-cour de la partie du palais occupée par la princesse et les autres femmes du

tchamkal: nous y remarquâmes un très-beau bassin qui servoit de baignoire, et qui étoit alimenté par une des nombreuses sources d'eau vive qu'on trouve sur tous les points de cet immense amphithéâtre. Enfin, après être remontés à cheval, nous fûmes reconduits jusqu'à notre logement par le cortége qui nous avoit amenés. Cette fois nous primes la route des bazars: ils n'avoient pas ce mouvement d'activité et de vie que nous avions rencontré à Tiflis et à Bakou; les boutiques étoient généralement mal approvisionnées.

A peine nous étions rentrés, que deux Tartares apportérent chacun un plateau chargé de vivres et de fruits destinés pour mon fils, qui, retenu dans sa chambre par la fièvre, n'avoit pu · nous accompagner.

L'après-midi, nous reçûmes la visite de deux femmes, l'une d'environ quarante-cinq ans, l'autre jeune et belle: c'étoient la mère et la fille. Elles venoient me prier d'intercéder en faveur, l'une de son fils, l'autre de son frère, pour obtenir sa grâce du tchamkal, qu'il avoit offensé assez gravement, en séduisant une des femmes de la princesse. Les sollicitations de ces femmes étoient vives: elles fondoient en larmes; il n'en falloit pas tant pour me rendre favorable à leurs

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