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vœux. Le jeune homme s'étoit rendu coupable d'un crime regardé comme irrémissible dans ces contrées. J'en parlai au gouverneur des jeunes princes, qui m'assura que le tchamkal ne me refuseroit pas la grâce si je la lui demandois. Je remis alors aux deux suppliantes une lettre dans laquelle je sollicitois le pardon entier du coupable. Elles partirent avec la certitude qu'elles reverroient bientôt celui pour lequel elles montroient un si grand attachement.

Avant de nous quitter, les princes Tartares nous déclarèrent leur intention de nous escorter avec soixante-dix cavaliers jusqu'à Kasiourte, qui est à deux journées assez fortes de Tarkou. Le capitaine des cosaques leur ayant dit alors qu'il comptoit partir le lendemain à six heures, ils nous quittèrent, en nous assurant qu'ils seroient exacts au rendez-vous. Dans la soirée, nous reçûmes un nouvel envoi de pains, de gâteaux, de pillau et de confitures. Il y eut de quoi alimenter une partie de notre escorte.

Le tchamkal de Tarkou possède un territoire assez vaste, et dont la population s'élève au moins à soixante mille âmes. Ses terres sont fertiles; mais le défaut de débouchés nuit à la prospérité de l'agriculture, et en empêche l'accroissement. Les habitants s'occupent particulièrement d'éle

ver des chevaux et des bestiaux de toute espèce. Les Arméniens font la plus grande partie du commerce de la ville et du pays. Ils voyagent d'ordinaire dans toutes ces contrées sous la sauvegarde de quelques princes, auxquels ils payent une rétribution, et qui leur servent de konac.

Dans nos possessions du Sénégal, le gouver nement du roi payoit aux Mandingus, aux Yoloffs, aux Poules et aux autres peuplades qui habitent sur les bords du fleuve, pour prix de leur tranquillité, une sorte de contribution en produits de nos manufactures, nécessaires à ces peuples. On donnoit à ces dons le nom de cou-. tumes: ils n'ont jamais eu rien de déshonorant. Ne seroit-il pas possible qu'en adoptant un pareil système pour les peuples du Caucase, on parvienne à obtenir, sinon leur soumission, du moins la certitude de les voir renoncer au brigandage, et de remplacer cet affreux usage par les bénéfices plus certains que leur procureroient l'agriculture et le commerce, s'ils étoient en paix avec la Russie?

Vers les dix heures du soir, après le départ des princes, nous étions à peine couchés, lorsque le capitaine des cosaques vint me dire que, si je voulois me mettre en route à minuit, nous

pourrions le lendemain arriver à Angiourte, village situé à cinquante-deux werstes de Tarkou, et dépendant du tchamkal, ajoutant que j'y trouverois un très-bon logement, et que la caravane pourroit s'y procurer les approvisionnements de toute espèce qui lui étoient nécessaires; tandis que si nous ne partions qu'à six heures du matin, comme il avoit été convenu d'abord, nous serions obligés de camper. Je me rendis sans peine à cette invitation : deux heures après nous étions en route.

Le gouverneur avoit laissé près de nous quelques Tartares pour nous servir; j'en envoyai un pour le prévenir de ce nouvel arrangement, et lui témoigner tous mes regrets de ne pouvoir lui faire mes adieux. Je le remerciai en même temps de la noble hospitalité du tchamkal, et lui fis dire que, ne voulant pas causer aux jeunes princes une fatigue sans objet, puisque notre escorte suffisoit pour notre sûreté, je l'engageois à ne pas nous accompagner plus loin.

Le temps étoit très-beau; la lune brilloit de tout son éclat; nous traversions un pays plat et peu cultivé : dans cette saison, il étoit encore couvert d'herbes vertes, qui servoient de pâturages à des troupeaux de bœufs et de moutons. De temps en temps nous rencontrions des col

passage

lines peu élevées, et des ravins dont le ne nous offroit aucune difficulté. La caravane marchoit lentement; parfois elle s'arrêtoit pour laisser aux traînards le temps de rejoindre.

Après avoir parcouru environ vingt-une werstes, on s'arrêta pour déjeuner et faire rafraî chir les chevaux dans un joli pâturage entouré d'arbres, et près duquel il y avoit une mare dont l'eau étoit assez mauvaise; mais dans tout ce pays, souvent on n'en trouve pas d'autre.

Nous avions employé sept heures pour faire vingt-une werstes : c'étoit moins d'une lieue de poste par heure. La position du pays obligeoit presque toujours de marcher sur une ligne, et il en résultoit qu'il y avoit souvent plus d'une werste de distance entre la tête et la queue du convoi.

La prairie où nous avons fait halte est voisine du village de Tarkali-Ousen, qui est peuplé de cultivateurs, et où on fabrique aussi quelques tapis. La consommation des produits de cette industrie pourroit s'étendre en Russie, et ils deviendroient ainsi un article important d'exportation.

Après trois heures de repos sous la tente, nous nous remîmes en route vers les dix heures. On marcha un peu moins lentement que pendant la

nuit; la surveillance étant plus facile et les haltes moins nécessaires, on peut calculer que nous parcourions quatre werstes à l'heure, et évaluer ainsi à seize werstes la distance qui sépare la prairie où nous nous étions arrêtés le matin, de celle où nous campâmes de nouveau vers deux heures.

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La route s'éloignoit peu à peu de la mer Caspienne, et se rapprochoit des montagnes du Caucase c'étoit une véritable steppe, ressemblant parfaitement à toutes celles de l'ancienne Scythie. Nulle part la moindre colline n'interrompoit la surface unie de la plaine; mais cette steppe se distingue de celles d'au-delà du Caucase par des bouquets d'arbres qu'on y apercevoit de temps en temps. Depuis Derbent jusqu'à Angiourte, nous vimes beaucoup de canards et d'oies sauvages, et un des officiers du convoi, grand chasseur, en tua un assez grand nombre: ces plaines renferment aussi beaucoup de cerfs et de gérames.

Après deux heures de repos, nous partimes pour Angiourte, dont nous n'étions plus éloignés que d'environ treize werstes. Bientôt nous vîmes arriver au grand galop les deux jeunes princes de Tarkou, leur gouverneur, et les nombreux cavaliers qui les entouroient. Nous étions loin

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