Изображения страниц
PDF
EPUB

de nous attendre à cette nouvelle preuve d'attention : elle étoit la suite de l'ordre qu'avoit donné le tchamkal de ne nous quitter qu'à Kasiourte, frontière de ses Etats. Un Tartare, de la suite des princes, nous remit trois caisses remplies de gâteaux pour notre route. Il y en avoit tant que, malgré nos distributions fréquentes, cet approvisionnement ne fut entièrement consommé que le jour de notre arrivée à Astrakhan : les Tartares excellent à faire cette espèce de pâtisserie.

La ville et le canton d'Angiourte avoient pour chef le frère du gouverneur des jeunes princes. Ce Tartare, d'une corpulence remarquable, avoit une figure franche et honnête; il nous reçut à merveille. L'appartement où il nous logea étoit abondammment pourvu de tapis, de coussins et de couvertures de coton, luxe des Orientaux. Nous eûmes le temps de nous y reposer, le convoi ne devant se mettre en route que le lendemain à huit heures.

La maison que nous occupions étoit à mi-côte, dans une position agréable. La vue de la campagne que nous avions devant nous étoit animée par le mouvement continuel des gens qui composoient la caravane, tous logés ou campés dans les environs de notre demeure. En arrivant, nous

avions reçu la visite des Tartares qui avoient accompagné les jeunes princes. Le chef du village prodiguoit les approvisionnements de toute espèce je n'ai jamais vu l'hospitalité exercée aussi généreusement que dans cette contrée. Pendant l'année 1820, le général en chef Yermoloff ayant séjourné, avec un corps d'armée assez nombreux, dans les Etats du tchamkal, ce prince pourvut avec profusion à tous les besoins de la troupe; ses attentions délicates pour le général en chef et pour son état-major, furent comparables à tout ce qu'on auroit pu attendre dans le pays le plus civilisé de l'Europe.

Nous partimes le lendemain à huit heures pour Kasiourte, qui n'est qu'à trente werstes d'Angiourte. La route est partout généralement bonne; le terrain est plat, uni et peu cultivé; les villages deviennent plus rares, et sont à de grandes distances du chemin. On est éloigné de la mer, et cependant, à gauche, on découvre à peine quelques traces des hautes montagnes du Caucase: de ce côté, elles paroissent se terminer à pic, et laissent entre elles et la mer Caspienne une large plaine.

Dans l'antiquité la plus reculée, comme de nos jours, cette plaine laissoit l'Asie ouverte à l'invasion des peuples guerriers qui habitoient

les immenses steppes situées en-deçà du Caucase. Ce chemin est celui que suivirent les Scythes, lorsqu'ils poursuivoient les Cimmériens; c'est par-là que Pierre-le-Grand passa, lorsqu'il partit pour la Perse avec Catherine, le 15 mai 1722, menant avec lui une armée de vingt-deux mille hommes d'infanterie, neuf mille dragons, et quinze mille cosaques. Une partie de cette armée étoit dans des navires qui avoient été construits sous sa propre direction à Astrakhan, et sur d'autres points du Wolga. Il partoit pour venger le meurtre de ses sujets massacrés dans le vieux Chamakhie, dont les immenses ruines m'ont causé une si douloureuse impression.

Tout le pays que nous parcourions depuis six jours seroit sûrement mieux cultivé et plus habité, si le défaut de débouché et de commerce, et si l'état continuel d'hostilité de ces peuples entre eux et contre la Russie, ne s'opposoient à toute amélioration.

La sécheresse de cette année n'avoit laissé dans ces cantons aucun fourrage pour les troupeaux; le tchamkal, dont le territoire se termine sur les rives du Soulak, dans lequel M. de Sainte-Croix me paroît avec raison avoir reconnu le Joana de Ptolomée, avoit été réduit à demander au scheffy, souverain des Tartares

Koumis, la permission de faire paître, moyennant une rétribution convenue, deux cent mille moutons sur son territoire, qui s'étend de la rive gauche du Soulak au Terek.

Depuis quelques semaines, ces animaux avoient déjà passé la rivière, et paissoient sur les terres du scheffy, lorsque celui-ci, ayant eu une altercation avec le tchamkal, exigea que ses deux cent mille moutons repassassent immédiatement la rivière, qui est peu large, mais qui, dans ce moment, étoit extrêmement rapide, par conséquent dangereuse et difficile à traverser. Le tchamkal craignoit donc avec beaucoup de raison de perdre une partie de ses moutons, si le scheffy insistoit sur leur trajet immédiat, qui ne pouvoit avoir lieu qu'à la nage. Ce différend avoit été soumis au général en chef, dont on attendoit la décision.

Nous fimes à Kasiourte nos adieux au gouverneur et aux jeunes princes, qui, dans l'état de mésintelligence où se trouvoit leur père avec le scheffy, ne pouvoient nous accompagner plus loin. Nous ne pouvons trop nous louer des prévenances et des' attentions dont nous avons été l'objet pendant tout le temps que nous sommes restés dans les États de ce prince Tartare.

Un peu avant de parvenir à la rivière, à dix ou douze werstes dans les montagnes, on laisse sur la gauche la petite ville d'Andrew, faisant partie des États du tchamkal. On y a construit l'année dernière une forteresse occupée par des troupes Russes. La plus grande partie de sa population est composée de Juifs descendus de ceux qui furent dispersés après la captivité de Babylone. Ils sont armuriers, chaudronniers et forgerons d'après leur tradition, ils sont de la tribu de Gad, dans laquelle on prétend que doit naître l'antechrist.

Il étoit trois heures lorsque le convoi arriva aux bords du Soulak. Sur la droite du fleuve est la forteresse russe; sur la gauche, le village appartenant au scheffy: tous deux portent le nom de Kasiourte. Le commandant du fort, major d'infanterie, qui avoit été prévenu de notre arrivée, vint au devant de nous pour nous engager à entrer chez lui, et à accepter une collation qu'il nous avoit fait préparer.

La garnison de Kasiourte consiste dans un régiment de carabiniers, infanterie, une vingtaine de cosaques, et un assez grand nombre de soldats d'artillerie; quelques canons de remparts, et plusieurs pièces de campagne, mettent le chef de ce poste en état de braver toutes les forces

« ПредыдущаяПродолжить »