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des montagnards, qui sont très-effrayés de l'artillerie européenne.

Le major est, depuis quelques années, à Kasiourte, et sa santé s'est ressentie de l'air insalubre qu'on y respire. Il attendoit avec impatience, ainsi que ses officiers, le moment où il leur seroit permis de rentrer en Russie. Les environs de Kasiourte sont extrêmement abondants en gibier de toute espèce. Le sanglier, ou plutôt le cochon sauvage, y est très-commun. Sa chair est délicate et légère, qualité que Chardin avoit reconnue dans les cochons de Mingrelie. Le commandant de la forteresse avoit formé une faisanderie; aussi non-seulement nous donna-t-il des faisans à la collation, mais il eut la bonté de nous en envoyer trois pour notre provision de route.

Le départ du gouverneur, des deux jeunes princes, et des nombreux cavaliers qui les accompagnoient, avoit diminué pour le moment notre escorte, mais ce vide ne tarda pas à être rempli. En effet, le commandant de Kasiourte, selon les ordres qu'il avoit reçus, joignit quarante carabiniers à notre convoi ils étoient commandés par un jeune officier, qui paroissoit très-heureux de s'éloigner pour quelques jours poste de Kasiourte. Le scheffy, de son côté,

du

n'ayant pu venir lui-même, nous envoya un de ses parents, qui nous prévint que, le lendemain, au moment de notre départ, il se réuniroit au convoi avec soixante Tartares à cheval, et nous conduiroit jusqu'à Kizlar.

Le village de Kasiourte est situé à mi-côte, sur la rive gauche du Soulak. Il renferme environ cinq cents maisons. Sa population est estimée à trois milie âmes. Ses habitants sont des Tartares-Koumis, des Tchetchens, des Lesghis, et autres peuples des montagnes. Le scheffy est toujours prêt à donner asile à tous les fugitifs, même à ceux coupables de quelques crimes, soit à Kasiourte, soit dans un autre village plus rapproché des montagnes, auquel, en l'honneur du souverain régnant, il a donné le nom d'Alexandrow. Ainsi il a successivement augmenté la population de ses États et sa force. Depuis la première invasion de Pierre-leGrand, les princes de cette maison ont toujours été attachés à la Russie. Celui qui étoit à la tête de notre escorte nous fit voir un trèsbeau sabre donné à son père par l'impératrice Catherine, et sur la lame duquel étoit gravée une inscription qui attestoit la fidélité du prince des Tartares-Koumis.

C'est dans les montagnes voisines des États

II. 2e édit

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du scheffy qu'on trouve deux beaux villages habités par un peuple actif, industrieux, sobre, laborieux, riche, indépendant, et dont les mœurs et la religion n'ont aucun rapport avec ceux des autres nations dont il est environné. On croyoit assez généralement qu'ils descendoient d'une colonie de frères Moraves. Cette tradition étoit tellement répandue, que les Moraves de Sarepta y envoyèrent, il y a trente ans, une députation de trois personnes pour fraterniser avec eux; mais, soit que le fait fût controuvé, soit que deux ou trois siècles de séjour dans ces montagnes n'eussent plus laissé parmi ces peuples aucune trace de leur langue, de leur origine, de leur religion, les députés revinrent convaincus qu'il n'y avoit aucun rapprochement à espérer avec cette peuplade.

L'industrie des habitants de ces deux villages est très-variée : ils sont bons fourbisseurs; ils fabriquent de la poudre, dont ils approvisionnent tous les montagnards; ils façonnent des meubles de toute espèce, qu'ils vendent aux peuples du Caucase. M. le major Delpozzo étant prisonnier dans ces montagnes, avoit visité ces deux villages, et me parloit souvent avec admiration de ces hommes sages, tranquilles et laborieux. Leur industrie et ses produits sont considérés

par tous les peuples du Caucase comme étant d'une utilité si générale, que, malgré les richesses qu'ils ont acquises, jamais ils n'ont été attaqués par des voisins plus puissants qu'eux.

Les habitants de ces deux villages s'occupent aussi d'agriculture, et ont une assez grande quantité de bestiaux. Pendant que presque tous les peuples du Caucase ont adopté le gouvernement féodal, comme le plus convenable à des peuplades guerrières qui, sans cesse attaquées et obligées de se défendre, choisissent les plus forts et les plus courageux pour les commander, les habitants des deux villages forment une espèce de monarchie. Ils ont à leur tête un prince; ils lui rendent des honneurs, mais ne lui paient aucun impôt les revenus de ce chef reposent sur les propriétés qu'il possède. Il est électif : au moment de sa nomination, on lui prête le serment de le suivre dans les guerres dont la nécessité aura été reconnue par tous. Si l'ambition, ou tout autre motif, déterminoit le prince à déclarer une guerre sans le consentement de la nation', ses sujets ne seroient plus tenus de le suivre : ainsi il seroit réduit à ses propres commensaux, ou aux étrangers qu'il auroit engagés à son service. Lorsque le général Titianoff étoit gouverneur général de la Géorgie, il s'arrêta dans

ces villages, et voulut engager leurs habitants à venir se fixer dans l'une ou l'autre des provinces Russes au-delà du Caucase, en leur promettant un territoire beaucoup plus étendu et de trèsgrands avantages. Ce peuple, riche et content au milieu de ses montagnes, ne voulut pas courir la chance de compromettre son bonheur et son indépendance, en les échangeant contre une existence plus brillante peut-être, mais dont rien ne pouvoit lui garantir la solidité.

Le scheffy n'étoit pas aussi généreux que le berekey, et surtout que le tchamkal de Tarkou: le commandant de l'escorte eut beaucoup de peine à en obtenir les fourrages nécessaires pour les chevaux et les boeufs qui faisoient partie du convoi. Heureusement nos approvisionnements de réserve pour la route, conduits par les voitures tartares qui nous suivoient, étoient bien suffisants pour les deux journées de marche qui nous restoient à faire pour arriver à Kizlar.

On compte soixante-cinq werstes de Kasiourte à la quarantaine, qui porte le nom de Nachthourin. Comme dans cet espace on ne rencontre aucun village, il fut résolu que cette fois nous passerions la nuit sous la tente. Cependant une grande partie des chevaux du convoi

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