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. L'archevêque de Tiflis, Narsès, nous avoit aussi adressés à deux Arméniens, et nous eûmes lieu de remarquer dans cette circonstance, comme dans beaucoup d'autres, combien ils attachent de prix à la recommandation de ce vénérable prélat.

Pendant notre séjour, nous avons fait la connoissance d'un prince Bekowitz, seigneur Tartare, arrière-neveu du prince du même nom, qui périt si malheureusement dans l'expédition de Khiva, au commencement du siècle dernier. Il est frère d'un prince Bekovitz, aide-de-camp du général Yermoloff, que j'avois connu à Tiflis; il possède d'immenses domaines et de nombreux haras.

L'air de Kizlar passe pour malsain: on compte toujours un assez grand nombre de malades parmi la garnison; mais les Arméniens, plus acclimates, et dont le régime alimentaire est plus approprié au pays, ne paroissent pas se ressentir de l'in- ́ fluence du climat. La ville étoit peu sûre il y a quelques années: des montagnards traversoient fréquemment le Terek, et venoient la nuit environner une maison isolée, et en enlevoient les habitants, qu'ils ne rendoient ensuite que contre une forte rançon.

Pendant mon séjour à Kizlar, nous fûmes in

vités par M Taroumoff, veuve d'un ancien. major dans le civil (1), à aller passer quelques jours à sa terre, située à vingt-cinq werstes de la ville. Pour y parvenir, il fallut d'abord traverser sur un bac un des bras du Terek, ensuite des terres sablonneuses plantées de quelques saules, et nous parvînmes à un village habité par des Arméniens, qui s'occupent de la pêche et de l'éducation des bestiaux; de là, après une heure de marche, nous arrivâmes à Taroumoff, sur la droite d'un des bras du Terek, dont les eaux étoient accrues depuis deux jours, et nous eûmes beaucoup de peine à le traverser à gué. Nous fûmes reçus de la manière la plus aimable par la veuve du major, femme douée d'assez de fermeté de caractère pour s'être décidée, jeune encore, à passer sa vie dans une immense terre, sans cesse exposée aux incursions des montagnards, et où elle couroit le risque d'être assas

(1) En Russie, dans l'administration civile, on a des grades comme dans le militaire. Ainsi, un juge jouit du rang de capitaine, et en porte le titre; un président est colonel. J'ai vu le général Trigonboff, qui avoit long-temps fait la guerre, exercer à Odessa la place de président du tribunal de commerce, et l'administration de la douane de Taganrog étoit confiée à un Grec, M. Makedonski, long-temps officier de la marine impériale.

sinée ou d'être emmenée captive dans le Caucase.

La population de son village est de cent soixante-dix hommes, et de deux cent trente femmes. La mortalité y est d'environ trente personnes par an: mortalité effrayante sur une population de quatre cents âmes. La disproportion si grande qui se trouve entre les hommes et les femmes prouve que c'est surtout sur les premiers, assujétis à un travail fatigant, dans des terres basses et malsaines, que frappent les maladies. Les paysans de Me Taroumoff sont divisés en deux classes: ceux qui sont mariés sont les seuls qui consacrent leur temps à l'agriculture; les autres, moyennant le paiement d'une contribution de 24 à 30 roubles par an, sont libres de gagner leur vie comme ils l'entendent ce qui leur est très-commode, dans un pays où la vigne et la pêche exigent tant de bras. Ceux qui sont laboureurs peuvent cultiver autant de terres qu'ils le veulent, avec la seule obligation de remettre à leur maitresse une portion très-modique de leurs récoltes. Quelques-uns donnent leurs soins aux pâturages et à l'entretien d'un haras de cinq cents chevaux, d'un troupeau de cent cinquante bœufs et vaches, et de six à sept cents moutons, la plupart de race kirghize. Ces paysans ne sont tenus qu'à trois jours de travail par

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semaine pour leur propriétaire, et ont la faculté de faire paître sur sa terre autant de bœufs, de chevaux et de moutons qu'ils peuvent en posséder.

Le domaine contient environ quarante mille arpents de France. Le sol est bien loin d'être partout le même, et un tiers au plus est susceptible de culture. On y sème du blé, du riz, du coton et du sesame. Indépendamment de ces produits, MTM Taroumoff a une pêcherie assez considérable sur un des bras du Terek, qui traverse sa terre; les ouvriers qui y sont employés partagent par moitié avec elle les produits de la pêche, et peuvent prendre tout le poisson nécessaire à leur consommation. Enfin, cette femme active et intelligente a fait bâtir un pont de bois sur le nouveau bras du Terek, et a obtenu du gouvernement la permission d'y percevoir une taxe de 5 copecs (ou centimes) par piéton et par cheval, et de 15 copecs par voiture. On m'a assuré que ce pont ne lui revenoit pas à plus de 3,000 roubles assignations (3,000 fr.), et qu'elle en retiroit annuellement une somme au moins égale. Ce pont conduit à Astrakhan par une route plus agréable et plus courte que la route ancienne. Déjà elle est choisie depuis un an par les nombreux Tartares qui, pendant les six mois d'été, transportent de Kizlar à As

trakhan des vins, des eaux-de-vie, de la

garance,

du sumac, de la soie du Daghestan, et en rapportent du sel et diverses marchandises venant de Makariew.

Pendant notre premier voyage, nous rencontrions fréquemment d'immenses convois de Tartares; leurs voitures légères portoient chacune une pipe d'eau-de-vie ou deux barriques de vin, et conséquemment mille livres pesant, poids de marc; elles étoient traînées par deux bœufs, ou par un cheval. Un homme suffisoit pour six voitures, marchant à la file les unes des autres, comme celles de la Franche-Comté, qui transportent à Paris les marchandises de la Suisse. Les convois étoient ordinairement de cent voitures, jamais moins de cinquante. La dépense des voituriers, qui font quarante werstes par jour, et viennent en dix jours d'Astrakhan à Kizlar, est très-modique, leur usage étant de s'arrêter à midi, et la nuit au milieu des steppes, près de quelques puits où d'un étang, et de laisser paître leurs chevaux et leurs bœufs jusqu'au moment où ces animaux dociles et accoutumés à ce genre de vie sont repris pour être attelés de nouveau.

Mais je reviens à Kizlar, dont cette digression m'a éloigné.

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