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Après y avoir passé huit jours, nous en repartîmes le 28 octobre 9 novembre pour Astrakhan. Nous avions espéré faire le voyage en quatre jours, et nous y employâmes plus de huit jours. Au temps magnifique que nous avions eu depuis plusieurs mois, avoit succédé le vent le plus violent. Non-seulement il avoit déplacé les sables, mais il avoit couvert et obstrué tous les passages, et les avoit rendus méconnoissables. A chaque instant les postillons s'égaroient; ils trouvoient devant eux des montagnes de sable, et étoient obligés d'aller chercher aux relais cinq ou six chevaux de plus pour nous faire sortir des mauvais pas où nous nous trouvions engagés.

Lorsqu'au mois de juin 1818 je traversai cette même contrée, et que la beauté du temps contrastoit avec celui dont nous éprouvions dans ce moment tous les désagréments, nous rencontrâmes une horde de Tartares. Elle abandonnoit le cantonnement qu'elle avoit occupé pendant quelques semaines, pour en chercherun autre plus convenable à ses troupeaux. Des tentes formées avec des lattes extrêmement légères, et couvertes de feutre, étoient placées sur des voitures, dont elles dépassoient les roues de deux pieds de chaque côté. Des enfants de moins de

huit ans couroient à cheval pour rassembler les bestiaux épars, et les faire avancer sur le point de départ; les femmes, avec les enfants en bas âge, étoient renfermés dans des voitures couvertes on ne pouvoit assez admirer le respect et l'obéissance affectueuse des Tartares envers leurs chefs. Ceux-ci vinrent nous saluer de la manière la plus affable, et nous offrirent du lait et des fromages; quelques-uns vouloient absolument nous accompagner pendant plusieurs werstes il sembloit que notre passage dans leurs steppes nous avoit acquis les droits de l'hospitalité. La marche de ces tribus, les déserts où nous nous trouvions, ces troupeaux de toute espèce, ces serviteurs si obéissants, ces enfants si respectueux, tout nous rappeloit les mœurs et les usages des premiers peuples pasteurs.

Cette immense steppe, située entre le Caucase, le Don, la mer Caspienne et la mer d'Azow, est privée de bois et de bonne eau; la plus grande partie de ces terres fournissent pendant quelques mois un peu d'herbe. Elles ne seroient propres ni à la culture des céréales, ni à celle du sesame, du coton et du riz. Ainsi les peuples nomades, qu'on peut appeler les agriculteurs du désert, trouvent seuls les moyens d'entretenir dans cette contrée une grande quantité de chevaux et de

bestiaux de toute espèce. Autrefois les Tartares Nogais faisoient partie de ces tribus errantes; mais leur caractère remuant et leurs agressions continuelles ont déterminé l'empereur Alexandre à en faire un peuple sédentaire et cultivateur. C'est sur les bords de l'Oubitchnei, près de l'embouchure de cette rivière dans la mer d'Azow, que sont fixés aujourd'hui ces Nogaïs. L'honorable tâche de changer les mœurs, les usages, les habitudes de ces peuples, de leur donner les premiers éléments de la civilisation, a été confiée à un Français, M. le comte Maison. Il seroit trop long de donner ici l'histoire des moyens à la fois ingénieux et pleins d'humanité qu'il a employés pour obtenir un tel résultat.

Au milieu de la solitude du désert que nous traversions, nous apercevions fréquemment l'aigle de la grande et de la petite espèce, le vautour, l'épervier, tous les animaux de proie; les cygnes, les oies, les canards de plumages variés, les cigognes, les grues, les hérons, y sont très-nombreux. Ils sont attirés par la grande quantité de poissons disséminés dans les lacs, et dont on abandonne les débris sur les bords du Wolga, après en avoir retiré le caviar, la colle de poisson, et quelques filets qu'on fume ou qu'on sale.

A toutes les postes sur cette route, on trouve des maisons de bois; elles sont divisées en deux parties: l'une est habitée par le directeur de la poste, l'autre est destinée aux voyageurs. Toutes ces maisons ont été construites par le riche Grec Varvachi; mais comme elles sont trop rapprochées de la mer, elles sont exposées à être couvertes de sable: aussi est-il question de les transporter dans l'intérieur de la steppe, à deux ou trois lieues de leur position actuelle. Ce changement évitera aux voyageurs tous les inconvénients que nous éprouvâmes pendant notre

route.

Arrivés au relai qui précède le lac Beloi, nous trouvâmes le pays couvert d'eaux, à la suite des vents violents d'est qui régnoient depuis quatre jours; la mer Caspienne avoit débordé sur plusieurs points. Les bâtiments de la poste et les tentes des Calmouks campés dans son voisinage avoient été pendant la nuit inondés à plus de deux pieds de hauteur.

En partant de la poste, nous cheminȧmes pendant environ huit werstes au milieu des sables jusqu'au lac Beloï. Le chemin que nous suivions étoit entièrement couvert de ses eaux sur une longueur de plus d'une werste. Nous marchions le plus près possible d'une colline de sable

qui avoit opposé un obstacle aux progrès des eaux, et qui, en les encaissant, leur avoit donné de la profondeur. Les difficultés que présentoit la route nous avoient forcés de faire atteler six chevaux à notre britchka, et cependant nous n'avancions qu'avec peine. Une des roues s'étant enfoncée dans la vase, les chevaux s'arrêtèrent tout à coup, sans que les efforts prolongés des deux Calmouks qui nous servoient de postillons, pussent les faire avancer. Ils changeoient sans succès les chevaux de place; enfin, les ayant dételés tout à la fois comme pour faire une nouvelle tentative, ils montèrent à cheval, et nous abandonnant au milieu du lac dans lequel nous étions embourbés, ils reprirent au galop le chemin de la poste. Dès que mon Sicilien et mon interprète s'aperçurent de l'intention de nos Calmouks, et que leurs menaces ne purent les déterminer à s'arrêter, ils sautèrent l'un et l'autre dans l'eau, et ayant gagné le bord, ils se rendirent à pied pour demander des secours à la poste que nous venions de quitter. Pendant ce temps, nous restions mon fils et moi au milieu des eaux, qui grossissoient à chaque instant. Par l'effet de la violence du vent de nordest, nous étions couverts d'un déluge de sable, enfin exposés à un froid rigoureux, dans un dé

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