Изображения страниц
PDF
EPUB

accepté la protection de cette dame, en adoptant sa religion et la qualité de filleule. Depuis lors, elle vivoit auprès d'elle comme si elle eût été sa fille, s'étant assujétie à la rigide observance des devoirs de la religion qu'elle avoit embrassée. Notre présence avoit réveillé chez elle dans toute sa force le souvenir de sa patrie. En la quittant, je lui promis de ne rien négliger pour lui procurer les moyens de revenir en France, et j'avois fait à ce sujet des démarches, lorsque j'appris qu'elle avoit épousé un officier cosaque d'un rang assez élevé, et qu'elle étoit heureuse.

Mais quelle distance entre la vie d'anachorète des raskolniks, entre cette exaltation qui détermine à l'abstinence de tous les plaisirs, et le fanatisme horrible qui a réuni en une secte nouvelle des hommes qui consentent à une entière mutilation! Cette secte, dont la création ne date que de peu d'années, a fait des progrès bien au-delà de ce qu'on pourroit croire. Ma plume se refuse à tracer les détails des cérémonies qui accompagnent un si affreux sacrifice. D'ordinaire, une vieille femme est chargée des fonctions de sacrificateur : cependant ces sectaires, conservant quelques sentiments d'humanité au milieu de leur barbarie, sont parvenus à éviter

qu'aucun danger n'accompagne cette mutilation.

Il paroît qu'ils fondent leur doctrine sur un verset de l'Évangile qui dit que si votre œil vous donne une mauvaise pensée, vous devez l'arracher; et sur un passage de la Bible, où il est question du bonheur des eunuques. Un homme digne de toute confiance me disoit qu'ayant demandé à un employé de la chancellerie d'Odessa, qui faisoit partie de cette secte, comment il avoit pu se porter à un attentat si douloureux sur lui-même, celui-ci répondit avec un sourire effrayant : Vous ne savez pas ce que c'est que de chasser l'esprit malin. On a voulu, il y a environ huit ans, punir ces sectaires par l'exil en Sibérie: chacun d'eux a envié le martyre, et il a fallu fermer les yeux sur une secte dont la publicité pouvoit favoriser les progrès déjà trop étendus, surtout parmi les marins de la flotte impériale.

On compte environ huit cents catholiques à Astrakhan, dont six cents Arméniens, le reste Polonais, Allemands, Italiens. Leur église fait partie d'un couvent qui étoit habité par des Jésuites. Un ukase les a obligés de quitter la Russie en 1821, et ils ont été remplacés par des Dominicains. Le couvent de cette ville fournissoit

des prêtres à quelques villages de la colonie allemande de Saratoff, sur les bords du Wolga. Le nombre de ces catholiques s'élève à plus de deux mille. Les Arméniens qui ne sont pas catholiques ont deux églises, et sont sous la juridiction d'un évêque. Enfin, les luthériens ont aussi un temple à Astrakhan.

A côté de ces églises chrétiennes de divers rites, trois familles Anglaises, dépendantes de la société Biblique de Londres, sont venues se fixer à Astrakhan; elles y ont acheté la belle maison du riche Varvachi, et paroissent avoir beaucoup d'aisance. Le but de leur mission étoit la conversion au christianisme des Tartares, des Bouckhares et des Calmouks. Ils distribuent à cet effet des Bibles traduites dans la langue de ces divers peuples; mais le plus grand nombre, ne sachant pas lire, n'en peuvent faire aucun usage, et ceux qui savent lire ne sont guère disposés à changer leur croyance pour une religion privée de toute cérémonie et de culte extérieur. Ces Anglais sont en correspondance intime avec les membres Ecossais de la Société Biblique, qui, ayant long-temps habité près des eaux de Géorgiesk, et ayant été fréquemment pillés par les Circassiens de la Kabarda, sont venus se fixer à Orembourg. Les membres de la Société Bi

blique ont d'ailleurs des mœurs très-sévères, et sont généralement estimés.

Les Musulmans sont divisés en deux sectes bien distinctes, et dont le rapprochement paroît impossible. Les Sunnites et les Chiites, les peuples du Caucase, tous les Tartares, les Turcs et les Turcomans sont Sunnites; les Persans sont Chiites: chacune de ces sectes a une mosquée particulière à Astrakhan.

Les Hindous, sectateurs de Zoroastre, ont, dans leur enclos, une sorte de temple, où ils adorent les quatre éléments.

Les Calmouks suivent le culte du DalaiLama; le nombre de leurs prêtres est excessif, puisque sur quatorze mille six cent cinquante kibitkes qu'ils habitoient en 1818, il y en avoit dix-sept cent sept, c'est-à-dire, plus d'un neuvième, occupés par les prêtres. On assure que dans quelques tribus calmouques, ils sont dans l'usage, au lieu d'enterrer leurs morts, de les exposer dans des lieux écartés, au sommet des plus hautes montagnes, pour les laisser dévorer par les oiseaux de proie et les bêtes féroces. Il est bien naturel, disent-ils, qu'après notre mort, ces animaux se nourrissent de notre chair, puisque pendant notre vie nous nous nourrissons de la leur.

Les détails contenus dans ce chapitre prouvent que, sans sortir de l'enceinte d'Astrakhan, on peut réunir des notions curieuses et intéressantes sur les sectes répandues dans la Russie méridionale et sur les principales religions de l'Asie.

« ПредыдущаяПродолжить »