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plumer: c'étoit un mets très-bon; cependant nous n'en regrettâmes pas moins cette destruction inutile d'un oiseau rare et recherché en France, mais qui est très-commun en Géorgie et dans tous les pays qui avoisinent le Phase. Les faisans dans cette contrée sont de deux espèces : le faisan ordinaire et le faisan doré. Celui-ci se trouve plus communément sur les bords de la mer Caspienne.

Après avoir passé la nuit à Dampali, nous en partimes de bonne heure pour Sinac. On compte près de quarante werstes entre ces deux postes; nous les fimes en cinq heures.

Tout ce pays est entremêlé de plaines, de vallées et de montagnes. Les villages qu'on traverse sont en assez grand nombre, et presque toujours entourés de belles plantations.

Cinq werstes avant d'arriver à Sinac, on monte pendant une heure pour parvenir au sommet d'une montagne, d'où on découvre cette ville à gauche. Elle est située sur un mamelon assez étendu, et a derrière elle une plaine immense, qui se termine par la chaîne la plus élevée du Caucase.

Sinac, capitale du district de Kizig et de toute la Kakétie, renferme environ quatre cents maisons et deux mille habitants. Ils passent pour II. 2o édit.

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être les plus braves de la Géorgie. Cette supériorité de courage, dans un pays où cette qualité est générale, tient sans doute au climat, à l'air vif des montagnes, et surtout à la nécessité où ils sont constamment d'avoir à se défendre des attaques de leurs voisins.

La situation de Sinac est bien choisie sous le rapport du climat et des moyens de défense; mais on y manque d'eau. La seule fontaine qui existe dans la ville en fournit une si foible quantité, que chacun prend de l'eau à son tour, et ne peut en remplir qu'un seul vase.

Cet inconvénient a souvent occasionné des scènes sanglantes parmi les habitants, qui sont d'un caractère irascible et ne marchent jamais sans leur quindjal. Lorsque l'eau vient à manquer, ils sont forcés de l'aller chercher à l'Alazan ; mais alors ils n'y vont jamais qu'en troupe et bien armés, pour se défendre contre les Lesghis. Ceux-ci, plus que tous les peuples qui habitent le Caucase, sont adonnés au pillage; et, malgré la crainte que leur inspirent les Russes, ils se défendent difficilement de la tentation. d'exercer leur brigandage lorsqu'ils en trouvent l'occasion favorable.

Quelques jours avant notre arrivée à Sinac, dix Lesghis qui se baignoient dans l'Alazan,

rivière assez rapide qui sépare leur pays de la Kakétie, ayant aperçu quatre Arméniens occupés de leur récolte, étoient venus tout nus, armés de leurs quindjals, pour les enlever. Deux de ces Arméniens parvinrent à leur échapper; ils emmenèrent les deux autres, dont l'un se noya en traversant la rivière.

On venoit de donner avis au général en chef de cet acte d'hostilité, qui ne devoit pas rester long-temps impuni.

Nous logeâmes chez le major commandant la place de Sinac, qui nous accueillit avec la plus grande cordialité. La maison qu'il occupoit dominoit la belle contrée située entre cette ville et Telaw.

La difficulté de communiquer avec la plaine, à cause de la rapidité et de la longueur de la descente qui y conduit, a nui, sans aucun doute, à la prospérité des habitants, qui peuvent difficilement se livrer au commerce des abondantes productions de cette contrée. Ils s'occupent de la fabrication des toiles de coton, et se servent, pour les teindre en un très-beau rouge, de la garance sauvage qu'on trouve en abondance dans le pays. On m'en fit voir de très-grosse et de la meilleure qualité; mais quoiqu'elle ne coûte la peine de l'arracher, on vouloit la vendre

que

humide à 4 roubles argent le poud, ce qui auroit porté le quintal de France à 48 francs. Le gouvernement Russe feroit bien d'encourager la culture de cette plante dans la Kakétie, la nature du sol lui étant très-convenable.

C'est à Sinac et dans son district que commença, en 1812, une terrible insurrection contre les Russes, dans laquelle plus de trois cents soldats furent massacrés. Un grand nombre de princes Géorgiens restèrent fidèles, et furent eux-mêmes exposés à la fureur populaire, qu'avoit surtout excitée l'incontinence des soldats. On se souvient que c'est ce vice si commun parmi les soldats Français qui détermina les vepres Siciliennes; et Montesquieu, qui a si bien observé les causes de la grandeur et de la décadence des nations, rappelle que les Français avoient fait huit fois la conquête de l'Italie, et que huit fois ils en avoient été chassés pour leur incontinence et le mépris qu'ils témoignoient aux vaincus.

Les Arméniens, peuple entièrement agriculteur et commerçant, ne prirent aucune part à ce mouvement, qui ne tarda pas à être calmé, et depuis lors un gouverneur sage, uniquement occupé de la prospérité de la Géorgie et du bonheur de ces peuples, a successivement éteint

l'aversion des Géorgiens pour les Russes. Ils savent d'ailleurs que, sous le gouvernement de cette puissance, ils sont désormais en sûreté contre les Lesghis, les Persans et les Turcs, qui tour à tour ravageoient leurs champs, et emmenoient leurs femmes et leurs enfants en esclavage aussi donnent-ils journellement à la Russie des preuves de dévouement.

Partis de Sinac le mercredi, le maréchal de la noblesse, suivi de son interprète, voulut se joindre à notre escorte, se proposant de ne nous quitter que quand nous serions sortis du district de Kizig, Ce prince Géorgien est un homme de près de soixante ans, renommé pour son intrépidité, son agilité dans les exercices du corps, et pour un grand nombre de faits d'armes remarquables; il est encore plein de force et la terreur des Lesghis: il en a tué un grand nombre main.

de sa propre

En partant de Sinac, nous reprîmes, pendant trois werstes environ, la route que nous avions suivie la veille pour y arriver. Nos chevaux quoique forts, éprouvèrent beaucoup de difficulté à traîner la voiture au sommet de la première montagne. Nous n'eûmes ensuite qu'à descendre jusqu'à un plateau orné de trèsbeaux noyers. Les voyageurs, comme au mont

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