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Etna, sous le magnifique châtaignier nommé le Cento Cavalli, sont dans l'usage de se reposer à l'ombre de ces bois antiques. Nous nous détournâmes ensuite sur la gauche, et parcourùmes un pays beaucoup plus fertile et plus peuplé que celui que nous avions traversé

la veille.

On nous avoit dit qu'il n'y avoit que vingtsept werstes de Sinac à Czarzkey Poloden (la Source-du-Roi), camp d'été du régiment des dragons de Nijninovogorod; mais, partis à neuf heures, et n'ayant pu arriver qu'à deux, quoique nos chevaux fissent au moins sept werstes à l'heure, on peut compter cette distance pour plus de trente-cinq werstes.

Le colonel du régiment de Nijninovogorod étoit absent au moment où nous arrivions au camp. Le major Salikoff, qui commandoit à sa place, voulut bien le suppléer dans l'accueil que nous en attendions, d'après les lettres de recommandation que nous avoit remises le général en chef Yermoloff. Le major et ses officiers ne cessèrent, pendant les deux jours que nous passâmes avec eux, de nous prodiguer toutes les marques de la plus noble hospitalité.

La qualité de lieutenant de dragons qu'avoit mon fils étoit auprès d'eux un titre de plus, et

vingt-quatre heures n'étoient pas écoulées, qu'il se trouvoit parmi des camarades.

La position du camp des Sources-du-Roi, ainsi nommé, parce que le roi Héraclius buvoit toujours de cette eau qui passe pour la meilleure de la Géorgie, est véritablement admirable. L'air y est pur et sain, mais un peu froid : aussi, à l'époque des fenaisons et des grands exercices, il occasionne parmi les soldats un grand nombre de fièvres et de pleurésies.

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Du haut du plateau sur lequel est placé le camp, on domine cette magnifique plaine que nous avions déjà admirée de Sinac. A quatre werstes du camp, on voit un château de la plus haute antiquité il est presque en ruines, et placé au milieu des bois dans une position très-élevée et pittoresque. Il est d'une facile défense. Les rois de Géorgie venoient l'habiter pendant les grandes chaleurs de l'été, pour y jouir d'un air frais et pur, et pour surveiller de ce point les mouvements des Lesghis. Pendant l'insurrection de 1812, cette forteresse a servi de retraite à un grand nombre de soldats Russes.

Le lendemain de notre arrivée, le major Salikoff fit manoeuvrer devant nous un escadron de dragons. Nous admirâmes la précision de tous ses mouvements. Les hommes étoient

jeunes et forts. Leurs chevaux, provenant des montagnes de la Kabarda, étoient généralement beaux; ils avoient les jambes fines, et étoient remarquables par leur vivacité. Ils reviennent au colonel, rendus au camp, à 200 roubles assignations il n'en reçoit cependant que 120 du gouvernement, et supplée au reste. Ces chevaux vaudroient en France au moins 12 à 1,500 fr.; ils sont sobres, ne craignant ni le chaud ni le froid, et sont infatigables. Dans un pays absolument dénué de fourrages, un régiment ainsi monté peut faire jusqu'à quatre-vingts werstes dans sa journée.

Les officiers ont aussi des chevaux de la Kabarda, mais d'un premier choix. Un grand nombre possèdent des chevaux persans du Karabagh, province limitrophe de la Perse, aujourd'hui à la Russie. Malheureusement les chevaux de cette dernière race craignent beaucoup le froid et l'humidité, et ont besoin, dans le principe, de grands ménagements pour pouvoir s'acclimater en Europe.

Pendant notre séjour, nous mangions à la table du colonel, avec tous ses officiers. Durant le repas, les musiciens, au nombre de quarante, exécutoient des symphonies militaires, et nous firent juger de la musique des Les

ghis par deux airs pleins de gaité et de vivacité.

Le vendredi 14-26 juin, après diner, nous quittâmes avec regret le camp des dragons, où nous avions si agréablement passé deux jours, pour aller au village de Vachery, où nous comptions coucher. Nous devions traverser le camp d'hiver des dragons. Le plus grand nombre des officiers, le major à leur tête, voulurent absolument nous y accompagner, pour nous faire leurs adieux. Notre cortége étoit cette fois beaucoup plus nombreux qu'à l'ordinaire, se composant de plus de trente cavaliers qui, en signe de réjouissance, s'amusoient à faire manoeuvrer leurs chevaux à la manière des Persans et des Géorgiens, tirant, en courant au grand galop, des coups de fusil et de pistolet, et rechargeant leurs armes, sans diminuer l'allure de leurs chevaux. Le maréchal de la noblesse se faisoit remarquer, au milieu de tous, par la précision et la vivacité de ses exercices. Arrivés au camp, nous fùmes surpris de trouver des maisons bâties avec solidité; elles étoient couvertes en bois, en roseaux et en terre. Les maisons sont isolées, et presque toutes accompagnées d'un jardin : elles sont alignées, et ne forment qu'une seule rue assez large.

Le camp des dragons se nomme Caravach : il

est situé à trente werstes de Vachery. Avant de nous mettre en route, les officiers nous avoient fait préparer un zakouska, espèce de collation qui précède le diner, et ils nous firent boire assez abondamment le vin de l'étrier.

Au milieu de la gaité qui avoit accompagné le repas d'adieu, il prit fantaisie à mon fils de descendre de son cheval pour monter sur un buffle. Cet animal ne fit aucune difficulté pour avancer; mais du moment que le cavalier voulut lui faire accélérer le pas, il s'emporta avec fureur, et se débattit de telle manière, qu'il eut bientôt jeté bas son homme, peu accoutumé à pareille monture.

Nous mimes quatre heures pour gagner Vachery; nous parcourùmes la belle plaine de Telaw, si renommée pour la fertilité du sol et la force de la végétation. Nous revenions sur nos pas, cotovant cette chaine de montagnes d'inégale élévation, sur laquelle est bâtie la ville de Sinac, que nous laissàmes à quatre werstes de notre route. Cette plaine est parsemée d'un grand nombre de beaux villages.

Vachery n'est qu'à huit werstes de Sinac. On avoit envoyé un exprès à ce village pour nous y faire préparer un logement. Faute de maison assez commode et convenable, le maire nous

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