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Un peu avant d'arriver à Tchala, le pays devient meilleur; la plaine, qu'on cotoie sur la gauche, renferme quelques villages; ils sont, je pense, de construction moderne; au sommet des montagnes qui dominent la vallée, on aperçoit des bâtiments assez considérables, parmi lesquels on distingue une église ancienne. Le poste des cosaques est à quatre werstes du village de Tchala, qu'on laisse sur la droite. Les casernes qu'ils occupoient précédemment avoient été brûlées au mois de février; et, comme ils n'avoient pas encore eu le temps de les rebâtir, nous fumes obligés de nous coucher dans une écurie fermée par un simple clayonnage de roseau. Au moyen de nos tapis et de nos couvertures, nous parvinmes à nous garantir du vent . et de l'air humide qui est dangereux dans cette contrée. La basse-cour des cosaques étoit bien approvisionnée, et le chef du poste eut pour nous beaucoup de complaisances.

Partis de Tchala le mardi 1-13 août, nous ne mîmes que deux heures pour parcourir les seize werstes qui nous séparoient de Gori. La position de cette ville indique l'ancienne Gorsenna, dont Strabon fait mention. Gori est située sur la Pchani, petite rivière qui se jette à peu de distance dans le Kour, qui n'est qu'à une werste

de la ville. La forteresse occupe une montagne en forme de parallèlograme, et absolument isolée au milieu d'une vaste plaine, comme si les terres étoient rapportées. On y trouve une église dont la fondation est attribuée à la reine Thamar.

Gori est la seconde ville de la Géorgie, sous le rapport de la population et du commerce. On y compte environ six cents maisons et quatre mille habitants, indépendamment de la garnison, qui est assez nombreuse. Elle possède huit églises : celle du rit catholique n'est achevée que depuis un an; elle est bâtie en briques; de riches Arméniens en ont fait la dépense; elle est plus vaste que ne l'exige le nombre des fidèles, qui ne s'élève pas à deux cents. Cette église est desservie par des Capucins italiens. Ils sont établis dans cette ville depuis 1615. Chardin se loue beaucoup des services qu'ils lui ont rendus. Aujourd'hui, comme de son temps, ils exercent gratuitement la médecine. Les Européens et les habitants du pays rendent également justice à leur caractère obligeant.

Les terres des environs de Gori sont assez bonnes. Près de la ville, une mesure équivalant à un arpent se vend jusqu'à 100 roubles d'argent. Plus loin, elle ne se paye souvent que 2

ou 3 roubles. Presque toutes les terres ont été données à cens, en quantité plus ou moins grande, aux familles de laboureurs, à charge de redevance, soit en argent, soit en nature. Ce dernier mode devoit être le plus généralement adopté dans une contrée où jamais le cultivateur n'étoit certain de conserver le produit de ses récoltes. Lorsque les redevances en nature ont été transformées en une prestation en argent, le taux de celle-ci a dû être trèsmodéré, puisque sans cesse le pays étoit exposé aux invasions, et que, sur quatre récoltes, on étoit rarement assuré d'en conserver une. Il en est résulté qu'un homme qui cultive une terre de cent arpens ne paye souvent à son seigneur que 6 à 7 roubles d'argent pour la valeur primitive de la location; mais à cette première redevance, il faut ajouter les servitudes du temps féodal. Un laboureur en Géorgie est tenu de partager avec son seigneur les produits de sa basse-cour: il lui fait un présent à la naissance d'un fils; au décès du seigneur, il en fait à son héritier. Si le cultivateur ne laisse pas d'enfants, ses frères ou ses neveux ne peuvent s'approprier la terre qu'après avoir consenti à une augmentation de redevance, parce qu'alors cette prise de possession est considérée, non comme

le résultat d'un droit, mais comme un acte de bienveillance, une véritable concession pour la famille. D'après ces détails, on juge facilement que, si le seigneur a le droit de vendre ses propriétés et ses cens, le paysan, au contraire, ne peut ni vendre ni aliéner sa possession. De plus, quiconque, sans y être autorisé par le seigneur, feroit au cultivateur un crédit qui excéderoit 5 roubles d'argent ( 20 francs), n'auroit aucun recours en justice contre son débiteur, parce que la propriété de celui-ci ne lui appartient pas, et que sa personne même est dans la dépendance de son seigneur, qui, au temps des semailles de la récolte et du battage, peut exiger gratuitement de lui deux ou trois jours de travail par semaine.

Sans rechercher si la féodalité a été introduite en Europe par les nations barbares qui l'ont envahie dans le quatrième et le cinquième siècles, et qui venoient en partie des environs du Caucase, il est facile de voir que, dans un pays ouvert comme la Géorgie, et constamment exposé aux incursions de ses voisins, le nement féodal a été dicté par le besoin où se trouvoient les hommes foibles de chercher l'appui des hommes courageux et puissants. Les premiers achetoient la protection à laquelle on

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s'engageoit envers eux par une obéissance qui a dégénéré en servitude.

Le commerce de la ville de Gori est peu considérable; il consiste principalement en laine, cuirs, cire et miel: un cuir de buffle, qui est remarquable par son épaisseur et sa force, pèse jusqu'à deux pouds et demi (quatre-vingt-trois livres, poids de marc), et se vend 6 à 7 roubles d'argent (24 à 28 francs).

L'Arménien chez qui on nous logea étoit allé plusieurs fois avec des marchandises jusqu'à Tauris, et même jusqu'à Yezd. Dans son dernier voyage en Perse, où il acheta du coton et des étoffes de soie, il eut occasion de remarquer combien la crainte que la Russie inspire aux Persans avoit contribué à lui obtenir partout des égards et de la protection.

Les marchandises qu'on tire de ce royaume sont assujéties à d'énormes droits tout le long de la route. Je pense qu'il seroit facile à la Russie d'obtenir du chah de Perse, sinon une exemption entière, du moins une grande diminution des droits que perçoivent les gouverneurs des villes, et de s'assurer ainsi, de plus en plus, les moyens d'attirer dans la Géorgie une partie du commerce de la Perse.

Nous avions souffert à Tiflis de la continuité

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