Изображения страниц
PDF
EPUB

que toutes les rues étoient obstruées de décombres, tristes souvenirs de l'invasion des Persans, et sur lesquels on passoit souvent avec beaucoup de difficultés pour parvenir à des portes de quatre pieds de hauteur, par où on pénétroit dans les maisons à peu près souterraines qui servoient de demeures aux habitants. Quelquesunes de ces maisons avoient leurs terrasses presque de niveau avec les rues étroites et tortueuses de la ville. Trois ans ont suffi pour donner à cette antique cité, dont l'air de délabrement annonçoit le régime oppresseur des gouvernements arbitraires de l'Asie, l'aspect qui distingue les cités régies d'après les principes de l'Europe civilisée.

Pour opérer ce changement important, le maître de police, accompagné d'un ingénieur et de quelques agens, traçoit successivement la largeur des rues, de manière à ce qu'une voiture pût y passer. L'alignement étoit soigneusement observé, et l'on accordoit aux habitants un délai assez court pour rebâtir en briques leurs maisons, qui n'ont, en général, que douze ou quinze pieds de hauteur. Pour avancer ces opérations, un immense terrain fut consacré à la fabrication des briques. Un grand nombre de soldats étoient employés à ces travaux; d'autres

abattoient les chênes dans les forêts, les faisant flotter en train sur le Kour, depuis Gori jusqu'à Tiflis, et ainsi les constructions de la ville ancienne s'élevoient avec une rapidité dont on peut difficilement se faire une idée (1).

Peu à peu les fossés qui entouroient la ville ancienne se comblent, et, dans quelques années, elle se trouvera réunie à la ville neuve. Pour celle-ci, comme on pouvoit disposer du terrain, on a donné aux rues une largeur d'environ soixante pieds. De belles places, des casernes construites avec beaucoup de soins, partie en briques cuites, partie en briques séchées au soleil, des hôpitaux, des bâtiments pour les administrations, complettent l'ensemble des travaux publics, effectués par le général Yermoloff, dont rien n'égale les soins et l'activité pour l'embellissement, on peut dire pour la reconstruction entière de la capitale de son Gouvernement.

(1) Les principaux maîtres maçons sont Persans. Il est impossible de trouver des ouvriers plus actifs et plus intelligents: j'oserais à peine parler de la masse de construction qu'un maçon Persan termine en peu d'heures. Aussi il en est qui gagnent 6 francs par jour; je parle de ceux qui calculent si bien le travail de leurs voûtes et de leurs cintres, qu'ils les établissent en briques, sans appui de bois ni soutiens, et sans que jamais il leur arrive d'accidents.

On sait avec quel plaisir il voit l'agrandissement de Tiflis; et les généraux, les princes du pays les riches Arméniens s'empressent, à l'envi, à se distinguer par l'élégance de leurs bâtiments. On remarque surtout dans la nouvelle ville une maison construite avec beaucoup de goût par le général, prince Arménien, Mandatoff, qui reçut en donation du kan de Karabagh, en 1820, peu de temps avant la fuite de ce dernier en Perse, deux cent mille disséatines (cinq cent mille arpents) de terre, et une partie des esclaves nécessaires pour les cultiver.

vaux,

Mais, parmi les fondateurs de grands trail n'en est pas de plus recommandable que Narses, archevêque Arménien, à Tiflis. Cet illustre prélat a fait bâtir dans la ville neuve un immense caravanserail, qui semble prophétiser la grandeur commerciale de cette ville. Il y a joint une école, dans laquelle il se propose d'avoir des professeurs pour les principales langues de l'Asie et de l'Europe, afin de donner à ses compatriotes une instruction dont jusqu'ici ils avoient généralement été privés.

Ainsi, peu à peu la civilisation marche comme par échelon de l'Europe vers l'Asie, et elle ne peut manquer d'avoir un jour une heureuse influence sur la prospérité des contrées où elle s'étendra,

Par un bonheur singulier, le soin d'éclairer ces pays lointains a été confié à deux hommes d'un rare mérite, et qui, l'un et l'autre, sont doués d'un caractère de bonté et de tolérance bien propre à assurer le succès de leur glorieuse tâche.

L'un, M. l'abbé Nicole, aumônier du Roi, quelque temps en France à la tête de l'instruction publique, et qui est encore compté parmi ses plus illustres conseillers, après avoir opéré sur les bords de la Newa une sorte de révolution dans l'instruction particulière, après avoir formé des hommes distingués parmi les généraux les plus habiles et les administrateurs les plus recommandables de la Russie, est venu sur les bords de la mer Noire, à Odessa, qui, trente ans auparavant, étoit encore un pauvre village tartare, fonder un lycée dont l'administration étoit parfaite, et où l'instruction embrassoit toutes les connoissances utiles.

L'autre (le vénérable Narsès), considérant une nation autrefois grande et honorée, aujourd'hui dépendante, dispersée et avilie, non-seulement comme archevêque, mais encore comme le chef d'un peuple, a cru devoir joindre à l'inștruction religieuse l'instruction civile; et peutêtre, jetant sur l'avenir le coup-d'œil du génie,

tueux,

conservant l'espérance que Dieu n'abandonnera pas pour toujours les descendants des anciens patriarches, il a voulu du moins les préparer d'avance à devenir à la fois des hommes veréclairés, et dignes d'être comptés parmi les plus estimables sujets de l'empereur de Russie. La population de Tiflis s'accroît successivement par l'arrivée des Arméniens qui viennent y chercher un refuge contre la tyrannie des Turcs et les vexations des Persans. Dans la Turquie d'Asie, tout est anarchie, violence et désordre; rien n'est respecté par les pachas et les hommes armés. En Perse, les exactions et les violences tiennent au mode de contribution adopté dans cette contrée.

Les impôts de chaque kanat sont abandonnés au prince qui en est le gouverneur, à charge de verser une somme fixe dans le trésor du chah de Perse. Afin d'augmenter le taux de cette contribution, on laisse au kan, devenu le fermier des revenus de sa province, le soin de les percevoir comme il le juge à propos; et, pour arracher de l'argent aux malheureux Persans, on emploie tous les moyens que l'avidité peut inventer. Chacun, de peur d'être taxé au-delà de ses moyens, est forcé d'afficher une grande pauvreté. Par suite de cette crainte, tout Per

« ПредыдущаяПродолжить »