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. fut très-considérable; et j'ai souvent cité l'invasion d'Aga-Mahomet-Kan, en 1795, qui emmena vingt mille Géorgiens encore existants en Perse. Si nous ajoutons la vente continuelle que les rois de Géorgie et les princes de ce pays faisoient de leurs sujets aux marchands musulmans, on concevra sans peine les causes qui ont rendu cette contrée presque déserte. Comme ces causes n'existent plus, tout annonce un accroissement rapide dans la population de la Géorgie.

Je n'oserois donner, même par aperçu, l'état de la population des anciennes provinces persanes qui font aujourd'hui partie des Etats de l'empereur de Russie. Au moment où ce souverain a pris possession de ces contrées, beaucoup de Musulmans se sont enfuis sur le territoire persan; mais, depuis cette époque, la douceur du gouvernement Russe a ramené vers ces contrées un grand nombre de fugitifs.

La population de la Géorgie, dans ses limites actuelles, se compose de Géorgiens, d'Arméniens, de Tartares et de Persans.

Qu'on me permette ici de tracer le portrait de ces divers peuples, tels que je les ai vus, et tels qu'ils m'ont été dépeints par des hommes qui, ayant long-temps vécu parmi eux, étoient capables de les bien connoître.

Le Géorgien est de haute stature et d'une forte constitution. Ses traits sont généralement beaux et très-prononcés. Il a les yeux noirs et bien fendus, le nez long et souvent aquilin, moins à la manière des Romains qu'à celle des Juifs, avec lesquels il a souvent été confondu. Sa démarche est fière, quelquefois accompagnée d'une sorte de balancement de corps qui la rend presque insolente. Habitant un pays sans cesse exposé aux invasions, il étoit dans la nécessité de se tenir continuellement sur la défensive, soit contre les Turcs qui sortoient des pachalicks de Kars et d'Akhaltzikhe, ou contre les Persans qui traversoient l'Araxe, ou contre les Tartares et les Lesghis qui descendoient du Caucase. Sa position l'a donc rendu guerrier; mais, appartenant à une nation peu nombreuse, obligé de se battre contre des armées innombrables, il s'est plutôt accoutumé à la guerre de partisans qu'à des batailles régulières. Nul peuple de l'Asie ne fournissoit de plus braves soldats, ni de meilleurs cavaliers. Dans les ar

mées persanes, le corps des Géorgiens formoit toujours une division d'élite, celle sur laquelle les rois de Perse comptoient le plus, celle qui ordinairement leur assuroit la victoire. Brave, mais quelquefois dur; hospitalier, mais peu affable;

intelligent, mais plein d'ignorance, le Géorgien a tout à la fois les vices et les vertus du soldat.

Les princes Géorgiens, accoutumés à une guerre continuelle sous leurs rois, commencent à se lasser de leur vie oisive et monotone. Si jamais les circonstances obligeoient la Russie à attaquer les Musulmans, Chytes ou Sunnites, dans le centre de leur empire, en Asie, il seroit facile à cette puissance de lever en peu de temps, en Géorgie, des armées nombreuses, qui, distinguées par leur courage et exercées à l'européenne, vaudroient les meilleures troupes de l'Empire.

Le peuple est généralement agriculteur ou artisan, il néglige le commerce. S'il n'a pas l'air d'arrogance des seigneurs, son ton et ses manières indiquent l'humeur martiale.

Les Géorgiennes ne sont pas au-dessous de leur haute réputation de beauté; cette régularité de traits, dont les belles statues grecques nous ont laissé le modèle, une taille élancée, la blancheur de la peau, la douceur des regards, distinguent une Géorgienne. En rapports continuels avec des hommes accoutumés à la vie des camps, elles ont su obtenir l'empire que donnent toujours l'aménité de l'esprit et la gaîté du caractère.

Les Arméniens, très-nombreux en Géorgie, n'ont, pour les mœurs et les inclinations, nulle ressemblance avec les Géorgiens. L'humeur belliqueuse de ces derniers offre un contraste frappant avec le naturel pacifique des premiers.

L'Arménien est un peu moins grand, mais plus gros que le Géorgien; il a les traits aussi réguliers, le nez plus droit, le regard sérieux, l'air réfléchi et soumis; il réunit deux choses qui semblent opposées : les mœurs des patriarches, et les vices attachés au long état de dépendance sous lequel il a vécu.

Comme au temps d'Abraham et de Jacob, le premier né est, après le père, le maître, le chef héréditaire de la maison. Ses frères puînés lui sont soumis; ses sœurs sont presque ses servantes. Les uns et les autres sont pleins de respect pour leur père; rarement ils s'asseyent devant lui, et se mettent à sa table. Ils sont ses serviteurs les plus dévoués; et c'est l'aîné des fils chez ce peuple hospitalier qui sert les étrangers admis à la table de son père, ou qui offre la collation, dans le cas où une visite arriveroit hors de l'heure du repas.

J'avois été recommandé à un négociant Arménien de Nackchivan. A mon arrivée, il vint m'embrasser comme une ancienne connoissance,

me conduisit dans la chambre qui m'étoit destinée, me fit préparer un bain, fit tuer un mouton, et invita tous ses amis au festin. Je me rappelois alors les usages des peuples pasteurs, ceux de cette époque voisine du berceau du monde, où on s'accueilloit d'autant plus, qu'on se croyoit plus rapproché d'une tige commune.

Si l'on ajoute à ce tableau des goûts simples, une sévère économie, un esprit d'ordre admirable, une grande intelligence pour les affaires de commerce, on verra le beau côté des Arméniens. Peut-être n'y auroit-il nul contraste à leur opposer, si, nation indépendante, ils avoient toujours vécu dans une situation tranquille, et n'avoient eu à obéir qu'à leurs lois; mais, semblables aux Juifs, se liant, comme eux, par les souvenirs historiques, à l'origine du monde, comme eux, dispersés depuis plusieurs siècles dans toute l'Asie, ils ont toujours été soumis à des gouvernements despotiques, assujétis dans la Turquie, dans l'ancienne Arménie, dans toute la Perse, à des maîtres de religion différente, qui n'ont eu d'autres guides que leurs passions, d'autres lois que leur volonté.

Leur luxe, leurs richesses eussent tenté leurs tyrans, et ils ont été thésauriseurs et avares.

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