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Une seule parole hasardée, une seule indiscrétion pouvoit souvent les perdre, ils sont devenus taciturnes et dissimulés. La reconnoissance pour des bienfaiteurs en disgrâce pouvoit les compromettre, ils ont été quelquefois ingrats. Ne pouvant aspirer aux places et aux honneurs dans les pays musulmans, l'amour du gain est devenu le mobile de toutes leurs actions.

Le commerce de Tiflis et de toute la Géorgie est presque entièrement entre les mains des Arméniens, et tout porte à croire qu'avant peu d'années, ils auront oublié les pertes que le pillage de Tiflis leur a fait éprouver.

Les Tartares, qui sont très-nombreux dans les provinces Russes au-delà du Caucase, fournissent au commerce des voituriers de confiance. Ils se louent volontiers comme bergers et conducteurs de haras. La plupart mènent par inclination une vie moitié sédentaire, moitié nomade. A l'entrée du printemps, ils abandonnent leurs villages pour respirer l'air pur des montagnes, et y trouver des fourrages pour leurs troupeaux : ils rentrent dans leurs habitations vers la fin de septembre. Leur nourriture est frugale et consiste surtout en laitage et en pilau. Le lait de jument fermenté est leur boisson ordinaire.

Leurs femmes filent la laine de leurs troupeaux, et tissent des tapis remarquables par la solidité des couleurs, et par le bas prix auquel ils les vendent. Les Tartares sont généralement doux et très-soumis au gouvernement Russe. Vivant dans un pays ouvert, ils ne peuvent jamais songer à devenir sujets des Persans, pour lesquels, d'ailleurs, la différence de secte est un motif insurmontable d'aversion.

Indépendamment des trois peuples dont je viens de parler, on trouve, dans le Noucha, le Ghendjé, le Karabagh, le Chirvan, et même, dans le Daghestan, un grand nombre de Persans. Restés dans ces contrées depuis qu'elles sont soumises à la Russie, ayant conservé les mœurs et le caractère de leurs compatriotes, le tableau que j'en présenterai peut s'appliquer à une grande partie des habitants de ce vaste royaume.

Le Persan est basané, d'une taille au-dessus de la moyenne, et assez élancée. Il a le visage long, les yeux vifs et intelligents; il porte la barbe qui, presque toujours est longue et touffue; il a la démarche beaucoup plus vive et le maintien moins grave que le Turc. Si je voulois présenter le parallèle de ces deux nations, je dirois que le Turc, au milieu de son

entière résignation à la volonté du calife, a conservé tout le courage que donne le fatalisme. Il est soumis à un despote, mais non dégradé. Ses préjugés, le souvenir de ses anciennes victoires ont conservé chez lui l'esprit guerrier. Il est parfois cruel et barbare, mais il n'a pas le cœur fermé à la reconnoissance et aux plus nobles sentiments. Opposons au Turc le Persan, tel que le dépeignent tous les voyageurs, ceux qui ont habité parmi eux. Le Persan, depuis plus d'un siècle, accoutumé à voir son pays envahi, obéissant passivement à des chefs Tartares, Turcomans ou Afghans, s'est considéré comme destiné par la Providence à l'esclavage et à l'oppression. Chez lui, presque tous les souvenirs récents sont honteux; la résistance a toujours été nulle. Il a été témoin de la destruction et du pillage de ses villes, du massacre de ses frères; il s'est vu dépouillé de ses biens; condamné à une existence précaire, il a, pour la conserver, employé les moyens extrêmes, et souvent les plus honteux. Cet état de choses en a fait un peuple entièrement démoralisé. Chez lui, nulle parole n'est vraie, nul serment n'est sacré : il jure aujourd'hui une chose; demain il jure le contraire. Il est rampant devant le puissant, insolent et dur envers le foible. Qu'im

porte son intelligence naturelle, sa facilité extrême pour apprendre, les progrès qu'il est susceptible de faire dans les arts mécaniques, dans les sciences, dans tout ce qui tient à l'instruction? Ces dons de la nature deviennent un malheur, lorsque celui qui les possède n'a ni principes ni vertu.

C'est à regret que j'ai dépeint les Persans sous des couleurs si défavorables; aussi je me hâte de reconnoître qu'il y a parmi eux des hommes dignes de la plus haute estime; et, dans ces exceptions, il est doux pour l'humanité de pouvoir citer le prince héréditaire Abbas-Mirza, dont les nobles intentions tendent continuellement à améliorer les mœurs et le sort d'un peuple qu'il est appelé à gouverner un jour.

J'ai parlé des Persans qui habitent les villes; le tableau doit recevoir quelques modifications quand il s'agit de ceux qui mènent une vie nomade.

Les Kourdes n'ont pas les mêmes mœurs que les Tartares ni les Turcomans; mais parmi les divers peuples qui parcourent la Perse avec leurs troupeaux, au milieu des différences qui tiennent à leur origine, on trouve constamment chez eux un caractère indépendant, un amour de pillage, et, comme compensation, un grand

respect pour les droits de l'hospitalité, des mœurs régulières, et quelquefois des sentiments élevés.

J'ai déjà parlé de l'arrivée successive d'un grand nombre d'Arméniens dans les provinces Russes au-delà du Caucase; mais, de toutes les migrations, la plus remarquable et la plus importante dans ses résultats, est celle du patriarche des Arméniens, échappé, en 1822, avec presque tout son clergé, du couvent d'Etchmiadzin, situé en Perse, dans la province d'Erivan, à peu de distance du mont Ararat. Pour rendre raison de cet événement extraordinaire, il est bon de rappeler que, depuis près de trois ans que la guerre dure entre la Perse et la Turquie, les Kourdes, placés sur l'extrême frontière, et qui, au milieu des désordres inséparables des hostilités entre barbares, ne respectoient ni amis ni ennemis, étoient venus plusieurs fois insulter le couvent des Arméniens, en avoient exigé des contributions, et même, dit-on, avoient tué deux religieux.

Cette raison étoit plus que suffisante pour justifier le patriarche arménien d'être venu chercher un asile chez une nation capable de le faire respecter. La Turquie ni la Perse ne purent voir avec indifférence le patriarche, ou plutôt

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