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monde, il est bien permis de croire que Tiflis, situé sur le bord d'un fleuve, dans un pays généralement salubre et fertile, sous un beau climat, est appelé à une pareille grandeur, lorsque surtout cette ville est à peu près à la même distance qu'Ormus de ces riches provinces du Pendjab, avec lesquelles celle-ci avoit établi un

si vaste commerce.

En vain voudroit-on persuader que les caravanes de l'Asie qui vont à Alep, à Smyrne, à Constantinople, tiennent à leurs habitudes, et ne se détourneront jamais de leurs routes: en Asie, plus qu'ailleurs, les hommes cherchent

leur intérêt et leur sûreté.

Sous Justinien, sous Chosroës, et sous leurs successeurs, les marchandises traversoient la Géorgie et la Colchide; sous Zénobie, elles parcouroient le désert qui entoure Palmyre pour arriver à la Méditerranée; sous les soudans d'Egypte, les marchandises de l'Inde débarquoient à Suez, et se rendoient à Alexandrie; les Vénitiens suivoient la route de Tana ou Azow, pendant que les Génois avoient rétabli celle de la Colchide. Ces changements, dont je pourrois encore multiplier les exemples, prouvent jusqu'à l'évidence que, si la situation d'une ville contribue puissamment à y attirer le com

merce,

la sûreté et une protection constante sont les principales conditions qu'avant tout il exige. Ainsi, lorsque les provinces Russes audelà du Caucase réunissent à l'avantage d'une position favorable celui d'être soumises à un gouvernement régulier, elles ne peuvent manquer d'attirer la plus grande partie du commerce entre l'Europe et l'Asie.

Que l'on compare aujourd'hui le marché de Tiflis à ceux d'Alep, de Smyrne et de Constantinople, où depuis long-temps les étrangers ont usurpé nos anciennes relations : d'un côté, une tranquillité entière, une protection constante, des droits modérés, une exemption de toute imposition, l'abondance et le bas prix des viune monnoie fixe.

vres,

De l'autre, un despotisme sans frein, les vexations des pachas, des assassinats impunis; le danger du pillage, des incendies, de la peste; nulle sûreté pour les personnes ni pour les marchandises; enfin, une monnoie dont la valeur intrinsèque se détériore journellement, et ne laisse aucun moyen de vendre à terme.

Lorsqu'il existe de tels contrastes entre Tiflis et les ports de l'Empire ottoman, il est sans objet de s'occuper des différences qui peuvent se trouver entre les frais de l'une ou de l'autre

route; il s'agit bien d'une si fuible considération dans les opérations d'un grand commerce extérieur. Ce qui importe, avant tout, aux négociants, comme je l'ai déjà dit, c'est la sûreté d'un marché, et cette sûreté existe à Tiflis, sous les Russes, comme elle existoit à Ormus, sous le gouvernement des Portugais. Cette sûreté est tellement ici l'objet principal, que, sir John Malcolm observe que, par cela seul qu'Ormus passa des mains d'une nation chrétienne dans celles d'une nation musulmane, dès-lors les caravanes cessèrent immédiatement de s'y

rendre.

Après avoir présenté, en faveur de Tiflis, toutes les raisons qui y attireront infailliblement une grande partie des caravanes de l'Asie, il est juste que je dise quelques mots sur la situation actuelle de son commerce, sur les causes qui en ont retardé les progrès, sur les moyens

de les hâter.

Lorsque, en 1802, les Russes ont pris possession de la Géorgie, et successivement des provinces Persanes au-delà du Caucase, les cendres de Tiflis fumoient encore. La ruine des habitants, commencée pendant les guerres intestines qui désolèrent la Perse pendant la première moitié du dix-huitième siècle, avoit été achevée

par les troupes du féroce eunuque dominateur de ce royaume. D'ailleurs, un pays ouvert et sans cesse exposé aux invasions, privé de communication avec l'Europe, n'avoit jamais pu être commerçant.

Ainsi le commerce, dans ces contrées, est de création entièrement récente, et ne date que de l'arrivée des Russes, et même de l'époque où le traité de Gulistan rendit la paix à la Géorgie.

Dans les premières années, et jusqu'à l'époque où l'empereur Alexandre accorda la franchise aux provinces Russes au-delà du Caucase, le seul négoce que faisoient les Arméniens consistoit dans l'achat de quelques marchandises d'un usage habituel, qu'ils venoient chercher à la foire de Makariew, aujourd'hui Nijni-Novgorod, pour la consommation de l'armée russe en Géorgie. Ordinairement ils transportoient à Nijni-Novgorod des étoffes de Perse, des soies écrues, de la noix de galle, et surtout des chals de Cachemire et des perles, et les échangeoient contre des draps, des toiles unies et peintes, du sucre en pains, et d'autres marchandises qu'ils amenoient à Tiflis. Assez souvent ils faisoient leurs achats en argent. A peine sortis de leurs ruines, un très-petit nombre de ces Arméniens

obtenoient des marchandises à crédit; et ainsi leur commerce étoit restreint par l'effet de leur pauvreté même. Il étoit d'ailleurs borné, parce

que

les produits des fabriques européennes qui conviennent à la Perse, et qu'ils alloient acheter à Makariew, y arrivant surchargés des droits d'entrée qu'ils ont acquittés en Russie, et de frais de toute espèce, ces marchandises ne pouvoient être vendues aux peuples de l'Asie en concurrence avec celles que les Persans alloient chercher à Smyrne et à Constantinople, et elles ne pouvoient être employées que pour la consommation du pays. Cependant, en peu d'années, par leur économie, quelques-uns de ces Arméniens avoient acquis de l'aisance; et il y avoit à Tiflis quelques marchands riches, lorsque l'ukase du 8-20 octobre 1821, qui accordoit la franchise commerciale à ces contrées, y fut promulgué.

La connoissance de cet ukase parvint en France au moment même où feu M. le duc de Richelieu, qui en avoit si bien apprécié les avantages, quittoit le ministère. Le commerce français fut privé par sa retraite d'un appui et d'un guide éclairé qui pouvoit le protéger et le diriger dans ses premières expéditions pour des pays inconnus. Depuis cette époque, les événements

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