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peu élevé, comme tous les autres postes où nous nous étions arrêtés, et près d'un ruisseau qui, dans un temps de pluie, devient un véritable torrent. Nous avions employé deux heures et demie pour faire les dix-sept werstes qu'on compte depuis Taouz jusqu'à Dzegam; trois heures nous suffirent pour gagner Chamkor, qui en est à vingt-huit werstes.

En partant de Dzegam, on entre dans un bois assez clair semé, et qui n'est couvert que de broussailles. De temps en temps, on rencontre des champs cultivés; on les reconnoît aux fossés creusés par les Tartares pour leurs

arrosements.

A environ cinq werstes du poste de Dzegam, on aperçoit déjà la colonne de Chamkor; elle est placée hors de l'enceinte de la forteresse, et remarquable par la hardiesse de son élévation et sa solidité. Elle peut être comparée à la colonne Trajane à Rome. Elle est en briques rouges posées de la manière la plus régulière par assises, et correspondant perpendiculairement l'une à l'autre. Sa base, qui est carrée, a quinze pieds de largeur sur chaque face, et douze pieds de hauteur. Sur cette base s'élève la colonne, dont le diamètre est d'environ douze pieds. Elle peut avoir cent quatre-vingts pieds de haut.

L'escalier, assez large pour deux hommes de front, est en double spirale, et aujourd'hui tellement dégradé, qu'on ne peut y monter sans beaucoup de danger. Il conduisoit à une galerie qui régnoit extérieurement autour de la colonne, et étoit placée à quarante pieds du sommet. Ce monument étoit peut-être autrefois un observatoire. Les Mollahs en ont fait usage depuis pour appeler les Musulmans à la prière. Son origine se perd dans la nuit des temps: il est attribué à Alexandre, roi de Macédoine. Il est tout entouré de ruines plus ou moins considérables; on voit même sur le torrent desséché qu'on traverse en sortant de la forteresse pour aller à Elisabeth-Pol, les restes d'un très-beau pont de pierre. Jadis une population sans doute riche, active et puissante, occupoit le terrain aujourd'hui couvert de débris, au milieu desquels errent, pendant l'hiver seulement, quelques Tartares nomades.

Un Arménien, arrivé avec six domestiques, des chevaux et des marchandises, occupoit le meilleur logement du poste. Il nous l'offrit avec beaucoup d'obligeance; mais nous nous contentâmes d'une très-petite chambre, à peine assez grande pour y placer nos matelas. Enfin, nous quittâmes cette station le mercredi

à sept

heures du matin, pour aller à Elisabeth-Pol, qui en est à vingt-cinq werstes.

Pendant la moitié de la route, le pays ne diffère en rien, pour la nature des terres et son aridité, de celui que nous avions parcouru depuis quelques jours; mais, en approchant d'Élisabeth-Pol, la vue s'arrête avec plaisir sur les arbres magnifiques qui entourent les ruines et les constructions encore existantes de l'ancienne Ghendjé. Lorsque le général Titianoff s'empara de cette ville, il en changea le nom en celui d'Elisabeth-Pol, en l'honneur de l'impératrice, épouse d'Alexandre. Le kan qui régnoit alors à Ghendjé prenoit le titre fastueux de kan des kans, sans doute à l'imitation de son souverain le roi de Perse, qui prenoit celui de roi des rois (1).

(1) La division actuelle de la Perse en kanats ne rappelleroit-elle pas celle de l'antique monarchie Persane, qui, du temps d'Hérodote, étoit divisée en vingt satrapies. Leur revenu ou tribut levé alors sur ses divers gouvernements, se montoit à 14,560 talents d'Eubée, que le savant docteur Arbutnot considère comme un revenu égal à 2,807,417 livres sterling, somme que Robertson n'eût pas trouvée foible, s'il avoit su que ces satrapes ne donnoient, comme les kans de nos jours, que la moindre partie de leurs revenus au suzerain, et que celui-ci ne contribuoit sans doute en rien aux charges de l'État, qui sont supportées par les divers kanats.

Lorsqu'en 1801, l'empereur de Russie eut pris possession de la Géorgie, et que Titianoff (né Géorgien) eut été nommé gouverneur général des provinces au-delà du Caucase, il voulut faire valoir les prétentions des anciens souverains du pays sur les kanats environnants. Celui de Ghendjé, ayant refusé de reconnoître la suzeraineté de la Russie, fut attaqué dans sa capitale. Il possédoit héréditairement le kanat depuis très-long-temps; et, voulant à tout prix rester indépendant, il proposa la cession de la totalité de ses Etats, sous l'unique condition de conserver la forteresse où il s'étoit retiré.

Toutes ses demandes furent rejetées. Il prit alors le seul parti qui lui restoit, celui de se défendre. Il le pouvoit avec quelque apparence de succès cette forteresse, bâtie par les Turcs avec beaucoup de solidité, étoit bien armée. On le voyoit alternativement se porter de tous côtés : ici, il excitoit les ouvriers à réparer les brèches; là, il chargeoit et pointoit lui-même, contre les bataillons russes, une pièce de quarante-deux livres de balles qu'on y voit encore. Efforts inutiles! il fallut céder au nombre. La forteresse de Ghendjé fut prise par les Russes, et le kan fut tué sur le canon même qu'il avoit dirigé contre leurs rangs. Il reçut le premier coup de

sabre du général Liesanevitch, alors colonel, qui, dans la chaleur du combat, refusa de lui faire quartier, laissant à ceux qui le suivoient le soin de l'achever.

Ce kan étoit célèbre par son courage et par son caractère à la fois ferme et sévère. Il punissoit les coupables pour les moindres fautes, sans aucune acception de personnes, et ses fils euxmêmes, lorsqu'ils se livroient à quelques excès, se ressentoient de sa sévérité. Il avoit fait bâtir dans sa forteresse une citadelle très-forte, où il se retiroit lorsque le mécontentement populaire excitoit une révolte; car la justice rigoureuse qu'il exerçoit contre ses sujets ne s'étendoit pas jusque sur lui-même. Son avidité étoit extrême, et ses peuples étoient soumis à tous les genres d'impôts imaginables; d'énormes droits frappoient les vins, les eaux-de-vie, toutes les boissons, la viande et les comestibles, en un mot, toute production de la terre et tous genres d'industrie. La soie payoit 2 roubles d'argent ou 10 abazes par poud. La Russie n'ayant encore rien changé à l'administration de ces contrées, ces peuples, par suite des vexations des anciens souverains, sont infiniment plus chargés d'impôts que les Russes. Les sujets du kan de Ghendjé, leurs femmes et leurs filles, étoient consi

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