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nion de caravanserails, de bazars, de mosquées, d'édifices publics et particuliers, tous bâtis en pierres, qui portent aujourd'hui avec raison le nom de ruines du vieux Chamakhie. Avant d'y pénétrer, un immense cimetière couvert à perte de vue de pierres tumulaires posées les unes près des autres, indique, autant que les ruines elles-mêmes, que cette ville a été pendant plusieurs siècles extrêmement peuplée.

La fondation de Chamakhie remonte à une bien haute antiquité, s'il est vrai, comme le dit Voltaire dans son Histoire de Pierre-le-Grand, je ne sais sur quelle autorité, qu'elle ait été un moment la capitale de la Médie et la résidence du grand Cyrus. D'Anville, par suite de sa position et d'un rapport de nom, la croit la Mamachia de Ptolémée. Sa population, son commerce et ses richesses la rendirent long-temps florissante; elle étoit encore dans toute sa splendeur lorsqu'Oléarius y séjourna avec la célèbre ambassade du duc de Holstein, vers 1645: les Russes y faisoient alors un grand commerce. Vers le commencement du dernier siècle, les marchands de cette nation ayant été massacrés par les Persans, Pierre-le-Grand, pour venger la mort de ses sujets, marcha avec une nombreuse armée vers le Chirvan, et ravagea le

vieux Chamakhie. Depuis cet événement, les guerres civiles et les invasions dont la Perse fut le théâtre, firent éprouver à cette ville malheureuse toutes les dévastations qui accompagnent les conquêtes en Orient : la flamme, le fer, l'esclavage n'ont plus laissé aucune trace, ni de son ancienne grandeur, ni de sa population. C'est ainsi, sans aucun doute, que Babylone, Suze, Ecbatane, Persépolis, ont disparu de la surface de l'Asie.

Le poste des cosaques où nous descendîmes avoit été placé dans un ancien caravanserail, dont tous les bâtiments étoient assez bien conservés; on nous y logea dans une chambre voûtée, et tellement humide, que mes compagnons de voyage préférérent coucher en plein air. Au milieu de ces ruines et de leur solitude, nous ne trouvions aucune ressource, et nous fûmes obligés d'envoyer un Arménien et un cosaque un village éloigné de six werstes, pour nous chercher quelques provisions. Ils nous rapportèrent un mouton, que nous payâmes 1 rouble d'argent (4 fr.), et une outre de vin nouveau. Sa qualité ne nous permit pas de juger si, comme le dit Guldenstadt, le vin des environs de cette ville vaut le meilleur claret de Bordeaux. Le lendemain, nous traversâmes une partie de la

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ville pour nous rendre à la forteresse éloignée d'une werste de la poste. En voyant les rues régulièrement tracées, les murs des bazars et des maisons encore debout; enfin, les caravanserails, dont les voûtes étoient, les unes à demi-brisées, les autres encore entières, il sembloit que c'étoit moins contre les édifices que le vainqueur s'étoit acharné que contre la population. Vingt-cinq à trente habitants, demeurant à l'extrémité de la ville, étoient les seuls débris de cent mille âmes que cette cité renfermoit dans ses murs il y a à peine un siècle. La forteresse qui servoit autrefois de demeure au kan du Chirvan, étoit encore en assez bon état, et avec peu de dépense on pourroit la rétablir.

Le palais, ses dépendances, les jardins, étoient situés dans une position élevée et salubre; on y trouvoit de nombreuses sources, qui, par des conduits en terre cuite dont on voyoit partout les vestiges, répandoient une eau pure dans tous les quartiers de la ville. Un mois avant notre passage, ce prince occupoit encore la forteresse de Fitag, à environ vingt werstes du vieux Chamakhie. Désespéré de voir sans cesse sa capitale ravagée et détruite, ses sujets conduits en esclavage, le kan avoit forcé le reste de la population des deux Chamakhie et des plaines

qui les environnent, à se retirer avec lui à Fitag, dont il avoit fait sa capitale, et où il étoit à l'abri des incursions auxquelles son pays étoit en proie. Cette forteresse renfermoit environ trente mille âmes. Malgré les désavantages de la position élevée de Fitag, le commerce devoit y avoir encore quelque importance, puisque les droits de douanc, la taxe sur les soies, sur les boucheries, et quelques autres, étoient affermés moyennant 7,000 ducats par an.

Les contributions indirectes sont d'une haute antiquité en Asie, et on peut dire d'origine pastorale. Elles étoient de perception plus facile et moins incertaine que les contributions foncières, qui reposoient sur des propriétés dont la possession comme la culture n'offroient jamais une entière sûreté. L'intelligence fiscale recherchant soigneusement, pour asseoir les impôts, tout ce qui est de consommation ordinaire, la glace, d'un usage indispensable sous ce climat brûlant, avoit été frappée d'une taxe dans le Chirvan comme dans le Ghendjé.

Les revenus du kan de Chirvan étoient trèsconsidérables, et montoient, dit-on, à plus de 2 millions de roubles (2 millions de francs). Indépendamment des droits sur les denrées, le kan du Chirvan étoit propriétaire de la plus

grande partie des terres de ses États. Elles étoient généralement louées à des paysans Tartares et Arméniens, qui ne payoient qu'une foible redevance. Les belles et vastes plaines du nouveau et du vieux Chamakhie, qui sont aujourd'hui désertes, étoient autrefois ses principaux domaines, et leurs productions formoient la plus grande partie de ses revenus.

Parmi les terres qui dépendoient du kan du Chirvan, je ne dois pas omettre la steppe de Mougan, qu'on traverse en allant à Salian par la route directe. C'est cette même plaine qui, suivant les historiens romains, étoit tellement couverte de serpents, que l'armée de Pompée s'y trouva arrêtée par cet obstacle, et n'osa y pénétrer. C'est un des faits historiques que, dans le siècle dernier, on s'est plu à rejeter, et qui cependant, si l'on en juge par la situation actuelle de cette plaine, doit être conforme à la vérité (1).

(1) Après cette dernière bataille, Pompeïus s'étant mis en chemin pour pénétrer jusqu'au pays d'Hircanie et à la mer Caspienne, il fut contraint de s'en retourner arrière pour la multitude grande des serpents venimeux et mortels qu'il y trouva, en étant approché de trois journées. Il s'en retourna en Arménie la mineure, là où il reçut les présents des rois Élémiens et des Médois.

PLUTARQUE, Vie de Pompeius, trad. d'Amyot

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