Изображения страниц
PDF
EPUB

Géorgie sera devenue le marché principal de l'Asie, Bakou en sera une succursale obligée, le point de passage le plus avantageux pour toutes les marchandises qui arrivent de la Boukarie, du Cachemire et du Tibet, d'Yezd, d'Ispahan, de l'Afghanistan, des bords de l'Indus, depuis le Moultan jusqu'au Guzurate.

En 1820, on a construit des bateaux à vapeur sur le Wolga, et il sera facile d'étendre cette utile invention de ce fleuve sur la mer Caspienne. Alors, en toute saison, les navires expédiés de Bakou pourront, en moins de trois jours, arriver au golfe de Balkan, à Asterabad, à Balfruch. Du golfe de Balkan, en vingt jours les caravanes pourront se rendre à Khiva, en vingt-cinq à Boukhara, et en trente à Samarcande. Ainsi la communication avec les Boukhares, ce peuple si éminemment commerçant, et dont les relations s'étendent à la Chine, au Tibet, et dans le Pendjab, aura lieu par cette voie en aussi peu de temps qu'il en faut pour aller d'une extrémité de la France à l'autre.

De Balfruch, sur la côte du Mazanderan, les caravanes peuvent parvenir en moins de dix jours à Téheran, et en vingt-cinq à Ispahan, où arrivent un grand nombre de marchands des bords de l'Indus. Il faudroit donc à peine un

mois pour communiquer de Bakou avec le centre de la Perse; enfin, d'Asterabad, on arrive en peu de jours à Mesched et à Hérat, les deux villes les plus commerçantes du Khorassan.

Les vastes contrées que ces relations embrasseroient étoient à peine connues de l'Europe, lorsque, il y a quarante ans, le célèbre voyageur Forster les traversoit avec crainte, et n'osòit s'avouer Anglais. Aujourd'hui, si la Russie, dont les armées nombreuses sont placées sur les frontières des grands États de l'Asie, en respecte le territoire, du moins elle y exerce assez d'influence pour être assurée que les caravanes destinées pour la Géorgie seront à l'abri de toutes vexations et de tous dangers.

Parmi les considérations qui doivent déterminer les caravanes des plus riches provinces qui bordent l'Indus à se diriger vers Tiflis, la plus puissante, c'est que ce marché les soustraira au monopole de la Compagnie des Indes anglaises. L'indigo, et les autres productions précieuses de ces contrées, sont ou prohibées dans les possessions de la Compagnie, ou surchargées par elle de droits, afin que leur concurrence ne puisse nuire aux productions de même nature qui font partie de ses revenus. Toutes ces denrées viendront donc au marché de Tiflis, où elles seront

échangées contre des marchandises européennes, et la France, sans aucun doute, est de tous les États de l'Europe, celui qui, par la variété de ses produits industriels, pourra trouver le plus d'avantage dans ces nouvelles relations dont on n'apprécie pas assez l'importance.

Chardin raconte que, quand Chah-Abbas I** transporta les Arméniens de la ville d'Yulfa faubourg d'Ispahan, auquel il donna le nom de leur ancienne patrie, ces négociants étoient entièrement ruinés; mais au bout de trente ans, ils étoient si riches, que plus de soixante d'entre eux avoient chacun un million et demi à deux millions de couronnes (8 à 10 millions de francs). Si cet exemple ne peut pas s'appliquer au temps présent, il prouve du moins ce que pourroit être le commerce dans ces contrées, je ne dis pas si un gouvernement régulier y étoit établi, mais même si le despotisme, comme sous Chah-Abbas, tomboit en des mains habiles.

Pour citer un fait plus rapproché, je dirai que le Grec Varvachi, si connu par són généreux dévouement à la cause de ses compatriotes, m'a raconté que, dans le principe de son établissement à Astrakhan, il gagnoit souvent quatre capitaux sur les marchandises qu'il envoyoit dans

les ports du Ghilan et du Mazanderan, et qu'il en obtenoit deux ou trois sur les retours.

En 1737, les marchandises qui étoient expédiées des bords de la mer Caspienne pour l'Europe ne jouissoient pas de l'avantage d'y arriver en peu de temps et sans beaucoup de frais, en traversant les provinces Russes au-delà du Caucase. Il en étoit de même pour les produits de l'Europe destinés à la consommation de l'Asie. Cependant ce commerce parut assez important au gouvernement Anglais pour qu'il en concédât le privilége à la factorerie de Pétersbourg, malgré les réclamations de la compagnie du Levant et de celle des Indes-Orientales, qui prétendoient l'une et l'autre que la mer Caspienne étoit dans leurs attributions. C'étoit de Pétersbourg sur Astrakhan que se faisoient les expéditions des marchandises d'Europe pour la côte du Ghilan; et celles du Ghilan, envoyées en retour, prenoient la même route: les marchandises payoient au gouvernement Russe un droit qui équivaloit à huit pour cent; enfin, à cette époque, on étoit exposé en Perse à mille dangers, et la protection dont avoit besoin Hanway, le chef des comptoirs anglais sur la mer Caspienne, n'avoit aucune stabilité. Malgré ces désavantages, cet établissement a prospéré depuis 1737 jusqu'en

1745, et n'a été abandonné que parce qu'un ukase, de 1746, enleva aux Anglais la concession du transit. Ainsi, des exemples viennent appuyer les considérations que j'ai présentées sur l'importance que doit acquérir le commerce de Bakou.

J'ai indiqué de nouveaux marchés, des débouchés importants pour l'industrie manufacturière; j'ai parlé de l'avantage de positions de Tiflis et de Bakou, des nombreux consommateurs, de la facilité des retours; j'ai prouvé que le commerce trouveroit dans ces contrées une entière sûreté, principale condition qu'il réclame. Mais tous ces moyens de succès seroient inutiles, si de grandes compagnies ou des maisons puissantes confioient l'administration de leurs affaires à des hommes inhabiles.

Si de nouveaux Brue (1), des Dupleix, des Labourdonnaye dirigent les comptoirs, les ressources de l'Asie seront presque sans limites: ils découvriront immédiatement les lieux d'ex

(1) Lorsque M. Brue, le plus célèbre des gouverneurs de la compagnie du Sénégal, étoit à Saint-Louis, les affaires en Afrique prospéroient; mais l'administration de la compagnie en France étoit mal dirigée; s'il étoit rappelé à Paris, l'ordre ne tardoit pas à s'y rétablir, et au Sénégal la compagnie n'éprouvoit plus que des pertes.

« ПредыдущаяПродолжить »