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Au milieu de leur ignorance, ils ont deux genres d'industrie qu'on s'attend peu à trouver dans ces montagnes : ils fabriquent des tapis remarquables par leur tissu et la solidité de leurs couleurs, et ils ont appris vraisemblablement de quelques Russes, prisonniers dans leurs montagnes, à faire de la bière qu'ils transportent jusqu'à Tiflis, où ils la vendent par échange contre une quantité égale de vin.

Les Ingouches sont comptés parmi les peuples du Caucase soumis à la Russie. M. Klaproth, qui a passé quelques semaines parmi eux, donne sur cette nation des détails pleins d'intérêt. Les Ingouches ne sont pas musulmans, et ont cessé d'être chrétiens leur religion est aujourd'hui un pur déisme, mêlé de quelques pratiques de la religion chrétienne qu'ils avoient adoptée au temps de la célèbre Thamar, reine de Géorgie, qui régna de 1171 à 1198. Leur semaine est divisée en sept jours, et le dimanche est encore le jour de repos. Comme les Abazes et les Circassiens, ils ont beaucoup de vénération pour les croix et pour les vieilles églises qu'on rencontre dans leurs montagnes : ils y font fréquemment des pélerinages. Dans ces occasions, ils sacrifient des moutons et d'autres animaux. Un vieillard d'une conduite irrépro

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chable, toujours choisi dans la même famille leur tient lieu de prêtre; seul il est chargé de faire les prières, et d'immoler les victimes dans les lieux consacrés. Les Ingouches ont une grande haine pour les mahométans. Ce peuple seroit facilement ramené au christianisme, à cette religion dont la sublime morale est celle des peuples civilisés. Cette conversion seroit favorisée par le caractère même de ce peuple et par ses souvenirs.

On le divise en grands et petits Ingouches : les premiers habitent la plaine, les autres les montagnes. Tous se distinguent par leur caractère laborieux et leur intelligence. Ceux des montagnes connoissent l'art des irrigations; ils savent soutenir les terres sur les pentes par des murs plus ou moins élevés; enfin, ils ont établi sur les cours d'eau qui se rencontrent dans leurs cantons des moulins d'une construction simple, et dont je copie d'autant plus volontiers la description qu'en donne M. Klaproth, que je les ai retrouvés en Géorgie, entre Mtskhetha et Gori.

« Ce moulin, dit ce savant voyageur, consiste >> en une meule qui est mise en mouvement par >> l'essieu d'une petite roue horizontale, sur la>> quelle l'eau tombe par un angle très-oblique,

» en sortant d'un arbre creux ou d'une rigole. » La trémie, en forme d'entonnoir et en écorce >> d'arbre, est suspendue à quatre cordes, et suf>> fisamment secouée par un bâton que la meule » fait soulever. Une pierre pointue, passée dans » le trou d'une autre pierre, sert de bouchon » au rouet, et une poutre en forme de fourche >> au-dessous de l'essieu soulève et arrête la » pierre du moulin par le moyen d'une autre » pierre mise au-dessous. Il n'entre pas de fer

» dans cette machine. »

Lorsqu'une famille change l'emplacement de son habitation, elle emporte avec elle les pièces principales de ces moulins, pour les replacer sur d'autres cours d'eau. Les Ingouches possèdent aussi, comme les Ossètes, l'art de faire la bière. Ceux qui habitent la plaine cultivent le millet, le froment et l'orge. Ils élèvent principalement des moutons, des cochons et des ânes ils ont peu de chevaux et de bœufs. Les femmes Ingouches sont très-laborieuses, et savent tisser quelques étoffes, et surtout des tapis. Les Ingouches sont maigres, robustes, vifs et infatigables. C'est parmi eux que les Européens établis dans les provinces Russes au-delà du Caucase, pourroient facilement trouver de bons ouvriers pour le défrichement des bois et la culture des terres. Ce

peuple, d'un caractère indépendant, porte quelquefois le courage jusqu'à l'héroïsme.

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Koby, où nous nous arrêtâmes la nuit du mercredi au jeudi, est une redoute située entre des montagnes, et qui renferme trois ou quatre maisons bâties en terre et en bois, comme presque toutes celles que nous avions rencontrées depuis Vladi-Caucase. La maison que nous occupâmes étoit extrêmement humide, et quoique nous fussions au 1 juin, nous eûmes beaucoup de peine pendant la nuit à nous garantir du froid. L'officier qui commandoit le fort avoit eu la complaisance de nous offrir son logement, que nous ne crûmes pas devoir accepter. Le soir, un Ossète, qui avoit la figure et l'accoutrement d'un brigand, vint nous offrir ses services de toute espèce. Nous nous contentâmes de lui acheter, moyennant 2 roubles (2 f.), un jeune agneau qu'il tua et écorcha lui-même. Les sources d'eaux minérales abondent dans les environs de Koby. Parmi les acidulées, il en est une qui, mêlée avec du vin rouge et du sucre, nous fournit une boisson qui ressembloit parfaitement au vin mousseux du Don, connu sous le nom de Simiansk.

On nous avoit parlé à Vladi-Caucase du chemin affreux que nous devions trouver entre

Koby et Cachaour, et je dois convenir que la description qu'on nous en avoit faite n'étoit nullement exagérée.

D'après les ordres que le général en chef avoit bien voulu donner, on avoit débarrassé la route d'une partie des neiges et des glaces dont elle étoit encore obstruée peu de jours auparavant. Pour nous aider dans les passages les plus difficiles, on avoit mis à notre disposition cinq paires de bœufs, trente-quatre Ossètes, et trente soldats d'infanterie, indépendamment de dix cosaques qui servoient d'escorte, et pouvoient aussi, au besoin, nous porter secours.

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Après avoir pris toutes ces précautions, nous nous mimes en route, le jeudi 20 mai 1o juin, à six heures du matin. Peu après notre départ, et à mesure que nous avancions dans les montagnes, le chemin devenoit de plus en plus difficile. Nous étions forcés de suivre le penchant d'un coteau, sur lequel le britchka étoit sans cesse dans une position oblique, et n'évitoit d'être renversé dans un précipice, que parce qu'il étoit soutenu par un grand nombre de soldats et d'Ossètes. Nos chevaux enfonçoient continuellement dans la neige et la glace, et nous fùmes obligés de recourir aux bœufs qu'on avoit mis en réquisition, et qui, après quatre werstes

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