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noff dans le kanat de Bakou, on négligea de le prévenir du danger que présentent les plantes qu'on trouve dans les pâturages de cette contrée, et il perdit dans une nuit les deux cent cinquante chevaux qui traînoient son artillerie. Cet événement inattendu le contraria beaucoup dans son plan de campagne, en le forçant à remettre à l'année suivante le siége de Bakou. Un siècle auparavant, l'armée de Pierre-le-Grand, quand elle marchoit contre Chamaky, éprouva le même malheur.

On n'avoit pu me donner que des notions vagues sur la nature de cette plante; mais M. le comte de Laizer, qui a servi long-temps dans les armées Russes, et a été aide-de-camp du général Benigsen, dans le Daghestan, m'a assuré que cette plante, si dangereuse pour les chevaux, étoit l'absynthe pontique qui se multiplie de drageons. Elle n'est pas nuisible aux moutons et aux bœufs. Il paroît qu'elle a la propriété de crisper l'estomac des chevaux, et qu'ils meurent dans une sorte de convulsion. M. de Laizer pense que la saignée, le lait aigre et l'huile sont les meilleurs remèdes pour arrêter l'effet de ce poison. Les Tartares, d'accord avec lui sur la saignée, prétendent avoir vu de bons effets d'une bouteille de sang de mouton,

qu'ils font avaler au cheval empoisonné. Les cosaques de ce poste vivent en bonne intelligence avec les Tartares qui habitent le village de Dividje. Aux postes isolés, on ne trouve rien. Ici on avoit tout en abondance. Si on n'a pas établi un grand nombre de postes de cosaques au milieu des villages, c'est que sans doute, dans le commencement de l'occupation, on a craint que des hommes armés ne vexassent les habitants.

Les Tartares de ce village s'occupent de l'agriculture, et surtout de l'éducation des bestiaux. Ils fabriquent aussi des tapis, travail dans lequel leurs femmes les aident. Nous en achetâmes un de huit pieds de longueur, sur trois de largeur, pour 32 roubles assignations. Ces tapis sont presque aussi beaux que les tapis de Perse; mais les dessins sont encore plus bizarres. Les uns sont ras; les autres sont extrêmement épais, et ne coûtent pas beaucoup plus cher, parce que la maille est plus lâche, et que le travail exige moins de temps.

Le 24 septembre 6 octobre, nous partîmes du village de Dividjé pour Tchaktchak, qui en est à vingt-sept werstes. Le pays que nous parcourions étoit meilleur et mieux cultivé que celui que nous avions traversé depuis Bakou. De tous côtés, nous apercevions des villages

bien peuplés. Au milieu des terres cultivées, on avoit laissé un grand nombre d'arbustes et de buissons, afin que leur ombre diminuât les inconvénients résultant des grandes séche

resses.

Sur notre gauche, nous avions des montagnes assez élevées, et dominées par les cimes du Caucase, déjà couvertes de neige. Le pays étant adossé à des montagnes qui s'étendent dans le sud, est coupé d'un grand nombre de torrents qui en sortent, et coulent vers la mer Caspienne; leurs lits, peu éloignés les uns des autres, présentoient les difficultés de passage que j'ai souvent signalées. A la moitié de notre route, nous rencontrâmes soixante cosaques partis de Tiflis pour Kouba, où ils devoient demeurer. Une vingtaine d'entre eux étoient malades de la fièvre, et la plupart étoient couchés sur des arabats.

La poste de Tchaktchak, où nous nous arrêtâmes pendant quelques heures, est dans une situation pittoresque, sur le bord d'un ravin : le logement y est commode, et suffisamment garni des meubles indispensables.

Nous en repartîmes à une heure pour Kouba, ancienne capitale du kanat de ce nom, qui est à vingt werstes.

En quittant la poste, on descend dans le lit d'une rivière, ou plutôt d'un torrent souvent impétueux, et que nous ne traversâmes pas sans courir quelques dangers. Nous rencontrâmes sur ce point quelques familles Tartares avec leurs troupeaux : le froid les avoit chassés des montagnes; ils retournoient passer l'hiver dans leurs villages.

Les domestiques et les servantes étoient montés sur des bœufs ou assis dans des arabats couverts. Les femmes des Tartares étoient deux à deux dans des paniers sur chaque cheval; un domestique, tenant à la main un bâton blanc qu'il portoit comme un cierge, les précédoit; c'étoit pour indiquer aux passants qu'ils devoient détourner les yeux. Lorsque nous passâmes près de ces Tartares, les femmes évitèrent soigneusement de se faire voir.

Tout le reste du chemin jusqu'à Kouba traverse une forêt dont les arbres sont généralement d'une mauvaise venue; mais de temps en temps la vue se récréoit à l'aspect de beaux jardins fruitiers; les branches des arbres plioient sous le poids des fruits dont elles étoient chargées. Les plantations de safran sont très-multipliées dans ce canton; elles sont toujours entourées de haies vives.

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Avant d'entrer dans Kouba, nous avions traversé quelques lits de rivières, dont le plus considérable est à une lieue de la ville. Nous rivâmes huit jours avant la fête d'Hussein, un des fils d'Aly: elle est l'occasion d'une foire assez considérable, surtout en chevaux et en bestiaux: elle se tenoit dans la plaine, en avant des portes de la ville. Un camp assez considérable de soldats d'infanterie étoit placé près de l'emplacement occupé par la foire.

Kouba est entouré d'une muraille en terre assez haute. La porte d'entrée et les rues étoient si étroites, que nous eûmes beaucoup de peine

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y passer avec notre britchka: elles étoient remplies de monde. Nous nous arrêtâmes d'abord au poste des cosaques, puis j'allai chez le général de Wrède, commandant du district. J'avois pour lui des lettres de recommandation du général en chef, et il étoit prévenu de mon arrivée. Il m'accueillit de la manière la plus aimable, et voulut absolument nous loger chez lui.

Le général de Wrède est Livonien: il étoit chargé d'affaires de Russie à la cour de Téheran au moment de l'ambassade du général Gardanne; depuis il a été commandant de Ghendjé, ensuite de Bakou, et enfin il est depuis quelques années gouverneur de l'ancien kanat de

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