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Dans toute notre route, nous cotoyions presque toujours la mer Caspienne, quelquefois à une werste environ de distance. Sur notre gauche, dans le lointain, nous remarquions de temps en temps quelques parties des hautes montagnes du Caucase couvertes de neige. La terre étoit très-bien cultivée en blé et en millet. Les troupeaux de bœufs et de moutons étoient assez nombreux; mais la terre, qui se ressentoit de la sécheresse extraordinaire de l'été précédent, paroissoit aride quand le soc ne l'avoit pas ou

verte.

Depuis le 1er mai jusqu'au moment actuel, nous n'avions eu que quinze jours de pluie, dont huit pendant notre court séjour en Immirette, pays beaucoup moins sec que la Géorgie et les anciennes provinces persanes.

Du village de Bousinac aux bords du lac où nous nous reposâmes trois heures, on compte vingt werstes. Le bois étant très-rare dans toute cette contrée, les soldats ramassoient sur les bords des lacs et des mares des broussailles ou des herbes sèches, avec lesquelles en un instant ils allumoient du feu dans des trous qu'ils pratiquoient en terre, et chacun alors s'occupoit de sa cuisine comme il l'entendoit.

J'avois engagé le capitaine à partager nos

repas pendant tout le temps de notre voyage; sa société nous fut d'autant plus agréable, que nous étions toujours au courant de ses dispositions pour la marche de la caravane, et des petits événements qui survenoient.

Repartis de notre bivouac vers dix heures, nous nous arrêtâmes de nouveau à deux heures, après avoir fait seize werstes. Cette partie de la route étoit généralement plate; seulement, de temps en temps, elle étoit entrecoupée de collines peu élevées. A moitié chemin, nous vîmes à notre gauche un assez grand village nommé Manasse; il étoit situé à mi-côte en face de la mer, et habité par des Tartares qui cultivent la

terre et élèvent des bestiaux.

La prairie dans laquelle la caravane fit halte

pour diner étoit à environ deux werstes de la mer Caspienne, aux bords d'un lac dont l'eau étoit de mauvaise qualité comme dans toute cette contrée. Au milieu de notre repas, nous fûmes interrompus par la visite d'un seigneur Tartare accompagné d'environ trente hommes à cheval. Il venoit de la part du tchamkal de Tarkou, un des plus puissants princes de cette contrée, me féliciter sur mon arrivée dans le pays, et me témoigner les regrets de son souverain de ce que, se trouvant éloigné dans ce

moment de sa capitale, il ne pourroit accueillir lui-même des voyageurs que le général en chef Yermoloff lui avoit vivement recommandés par une lettre qu'un exprès du général de Wrede lui avoit apportée. Ce seigneur me prévint en même temps que je trouverois à peu de distance de la ville les deux jeunes fils du tchamkal avec leur gouverneur et une nombreuse escorte, et que si je voulois avec eux devancer la caravane, je trouverois à Tarkou un logement commode, et tous les approvisionnements qui nous seroient nécessaires.

Le capitaine commandant qui répondoit de notre sûreté, ayant approuvé cet arrangement, nous nous mîmes en route pour faire les quatorze werstes qui nous séparoient de Tarkou. Nous parcourûmes lentement les six premières, et nous ne tardâmes pas ensuite à apercevoir la nombreuse troupe de cavaliers Tartares qui entouroient les deux jeunes princes, dont l'un étoit âgé de dix ans, et l'autre de douze. Ils étoient montés sur des étalons extrêmement beaux et vifs, qu'ils conduisoient avec autant d'assurance et d'adresse que s'ils avoient été des hommes faits.

L'usage des Tartares, des Calmouks, des cosaques, et de tous les peuples de ces contrées,

de placer leurs fils à cheval dès qu'ils ont atteint l'âge de six à sept ans, leur donne en peu d'années un aplomb et une habitude dont on ne peut se faire une idée en Europe. C'est là vraiment le pays des Centaures: en effet, chaque cavalier semble ne faire qu'un avec son cheval, et conserve la précision de ses mouvements, quelles que soient la rapidité et la vivacité du

coursier.

Les deux jeunes princes, présentés par leur gouverneur, vinrent nous saluer, et me témoigner le plaisir que leur causoit l'arrivée d'un ami du général Yermoloff. C'est à lui que je me plais à rapporter une réception si distinguée, et qui peut donner une idée de l'influence du gouvernement Russe dans toutes ces contrées.

Réunis aux quatre-vingts Tartares qui entouroient les jeunes princes, nous prîmes les devants de la caravane, et ne tardâmes pas à arriver dans la partie basse de la ville de Tarkou, qui en forme le faubourg. Nous y descendimes dans le logement qui nous étoit destiné, et où nous trouvâmes profusion de tapis, de coussins, et tous les préparatifs d'une bonne réception,

CHAPITRE XV.

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Bonne réception chez le tchamkal de Tarkou. — Description de sa capitale.—Repas au château.--Départ de Tarkou.-Aspect du pays entre Tarkou et Angiourte.Arrivée dans cette bourgade.- Réflexions sur le chemin le long de la mer Caspienne.-Le Soulak.—Forteresse et village de Kasiourte. - Réception du Scheffy. — Escorte qu'il nous donne. - Peuples industrieux du Caucase.— Rencontre d'une horde de Calmouks. Description de leurs tentes.-Arrivée à la quarantaine de Natchivan. Passage du Terek.—Arrivée à Kizlar.

En arrivant à Tarkou, les deux jeunes princes, leur gouverneur, un beau-frère du tchamkal, et une vingtaine de nobles Tartares montèrent dans les chambres où on nous avoit logés, et nous témoignèrent de nouveau la satisfaction qu'ils avoient de recevoir un ami du général en chef. Peu d'instants après, on nous apporta quatre immenses plateaux chargés de galettes d'une pâte très-blanche et de gâteaux de diverses espèces un pillau d'une dimension extraordi

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