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naire, des sorbets et de très-beaux fruits achevoient de couvrir les plateaux qu'on posa par

terre.

Le soir même, on fit tuer quelques moutons et deux bœufs; on fournit gratuitement et avec profusion à la caravane, les vivres et les approvisionnements qui lui étoient nécessaires. Avant de nous quitter, le beau-frère du tchamkal me sollicita vivement, au nom de sa sœur, d'accepter à diner au château pour le lendemain, en ajoutant qu'il viendroit nous chercher, et qu'on nous ameneroit des chevaux.

Le lendemain, favorisés par un temps magnifique, il nous fut permis de jouir de tout ce que la situation de Tarkou a de beau et d'imposant. Cette ville ne doit pas être confondue avec un autre Tarki que les géographes anciens plaçoient vers l'embouchure du Terek, et qui n'existe plus aujourd'hui. Les eaux de ce fleuve et les guerres ayant occasionné sa destruction, les débris de sa population ont été transportés à Kizlar.

Tarkou contient près de deux mille maisons et douze mille habitants, presque tous Tartares. On y trouve quelques Lesghis, d'autres montagnards fugitifs, et un assez grand nombre d'Arméniens, nation qui se mêle à tous les autres

peuples de l'Asie, qu'on rencontre à Alep, à Smyrne, sur les bords de l'Indus et du Gange, et qui partout conserve sa religion, ses mœurs, et son intelligence pour le commerce. Les Tartares du Daghestan portent le costume des Circassiens. Les princes ont leurs vêtements entièrement garnis de galons d'argent. La poignée de leur sabre est en forme de croix, comme du temps des croisades. On trouve, au surplus parmi eux un grand nombre d'armes qui datent de cette époque.

On ne peut voir une position plus singulière et plus pittoresque que celle de Tarkou: cette ville est bâtie en amphithéâtre, dans le fond d'une demi-ellipse, dont une chaîne de hautes montagnes forme les côtés. De tous les points de la ville, on domine sur la mer Caspienne, qui en est éloignée de deux werstes. Dans le golfe, on est absolument à l'abri de tous les vents, hors de ceux d'est, qui viennent de la mer. Il est vraisemblable que la plaine de deux werstes qui s'étend de Tarkou au rivage étoit autrefois entièrement couverte par les eaux. Les vaisseaux à l'ancre dans ce golfe étoient alors en parfaite sûreté, et la ville étoit bien placée pour un grand commerce.

A midi, une troupe d'environ cinquante cava

liers, ayant à leur tête les deux jeunes fils du tchamkal, leur gouverneur, et le frère de leur mère, vinrent nous prendre, et nous montâmes à cheval pour nous rendre au château. Le chemin qui y conduit est extrêmement escarpé, le château étant bâti sur la partie la plus élevée de ce magnifique amphithéâtre, dont il forme le sommet. Les rues par où nous passions étoient généralement étroites et tortueuses; presqué toutes les maisons étoient entourées de jardins plantés d'arbres de diverses espèces, parmi lesquels on distinguoit le peuplier d'Italie, qui semble indigène dans cette contrée comme dans la Géorgie. Des sources très-multipliées fournissoient en abondance une eau limpide, qui souvent descendoit en cascade jusqu'au bas de la ville. Notre promenade étoit animée par la présence d'un grand nombre de Tartares qui sortoient de leurs maisons pour voir passer la cavalcade, pendant que les femmes, cachées derrière les murs et les portes, cherchoient à satisfaire leur curiosité à la dérobée.

En arrivant au palais du tchamkal, nous trouvâmes la première cour pleine de curieux, qui la plupart paroissoient être des commensaux de la maison. A peine descendus de cheval, nous montàmes au premier étage : on nous

fit entrer dans un appartement composé d'une assez grande antichambre et d'un très-beau salon. C'étoit un parallélogramme très-régulier, au fond duquel il y avoit une cheminée où on avoit allumé un très-bon feu. Je cite ces détails, parce que je considère l'usage habituel du feu parmi les habitants du pays comme un des principaux préservatifs contre la fièvre. En effet, elle attaque surtout les étrangers qui négligent de se prémunir contre la transition trop brusque du chaud et du froid. J'ai eu plus d'une fois occasion de faire cette remarque. Des croisées de l'appartement, on jouissoit de la vue de la ville et de la mer Caspienne des volets tenoient lieu de fenêtres.

Bientôt on nous présenta du thé, usage que je crois plus ancien dans ces contrées qu'en Europe, et qui doit y avoir été apporté par les Calmouks, sujets des Chinois. Le beau-frère du tchamkal et le gouverneur des jeunes princes faisoient les honneurs de la maison. Notre interprète Arménien, qui parloit bien le tartare, étoit devenu ce jour-là un personnage important : il étoit accablé de questions de toute espèce. On lui demandoit des renseignements sur la France, on multiplioit les compliments, tels que les admettent les usages de l'Asie. Cependant on ne

tarda pas à placer sur toute la longueur de la salle des tapis sur lesquels on apporta trois plateaux énormes couverts de pillau, de morceaux de mouton et de volailles rôties, diverses confitures et de très-beaux fruits. La boisson consistoit dans deux sortes de sorbets, contenus dans de très-belles jattes de porcelaine de la Chine. Chacune des trois tables étoit servie de la même manière. On avoit eu l'attention de mettre des bancs devant celle où on nous plaça, et on nous donna des cuillères d'argent, des couteaux et des fourchettes, ustensiles dont on se passa aux deux autres tables. A la seconde, étoient rangés le beau-frère du tchamkal, les deux jeunes princes, leurs gouverneurs et un prêtre musulman qui savoit quelques mots d'italien, et portoit le turban blanc, indice de son voyage à la Mecque. A la troisième table, étoient placés des nobles Tartares.

Lorsque nous fumes assis à la nôtre, chaque Tartare s'accroupit à celle qui lui étoit destinée: ils mangeoient le pillau et les viandes avec leurs doigts, prenant le riz avec le creux de la main. A peine convalescents, nous mangions trèspeu; les Tartares, au contraire, avoient grand appétit. Cependant le repas ne dura que quelques instants. Quand on se leva de table, des

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