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semaine pour leur propriétaire, et ont la faculté de faire paître sur sa terre autant de bœufs, de chevaux et de moutons qu'ils peuvent en posséder.

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Le domaine contient environ quarante mille arpents de France. Le sol est bien loin d'être partout le même, et un tiers au plus est susceptible de culture. On y sème du blé, du riz, du coton et du sesame. Indépendamment de ces produits, MTM Taroumoff a une pêcherie assez considérable sur un des bras du Terek, qui traverse sa terre; les ouvriers qui y sont employés partagent par moitié avec elle les produits de la pêche, et peuvent prendre tout le poisson nécessaire à leur consommation. Enfin, cette femme active et intelligente a fait bâtir un pont de bois sur le nouveau bras du Terek, et a obtenu du gouvernement la permission d'y percevoir une taxe de 5 copecs (ou centimes) par piéton et par cheval, et de 15 copecs par voiture. On m'a assuré que ce pont ne lui revenoit pas plus de 3,000 roubles assignations (3,000 fr.), et qu'elle en retiroit annuellement une somme au moins égale. Ce pont conduit à Astrakhan par une route plus agréable et plus courte que la route ancienne. Déjà elle est choisie depuis un an par les nombreux Tartares qui, pendant les six mois d'été, transportent de Kizlar à As

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trakhan des vins, des eaux-de-vie, de la garance, du sumac, de la soie du Daghestan, et en rapportent du sel et diverses marchandises venant de Makariew.

Pendant notre premier voyage, nous rencontrions fréquemment d'immenses convois de Tartares; leurs voitures légères portoient chacune une pipe d'eau-de-vie ou deux barriques de vin, et conséquemment mille livres pesant, poids de marc; elles étoient traînées par deux bœufs, ou par un cheval. Un homme suffisoit pour six voitures, marchant à la file les unes des autres, comme celles de la Franche-Comté, qui transportent à Paris les marchandises de la Suisse. Les convois étoient ordinairement de cent voitures, jamais moins de cinquante. La dépense des voituriers, qui font quarante werstes par jour, et viennent en dix jours d'Astrakhan à Kizlar, est très-modique, leur usage étant de s'arrêter à midi, et la nuit au milieu des steppes, près de quelques puits ou d'un étang, et de laisser paître leurs chevaux et leurs bœufs jusqu'au moment où ces animaux dociles et accoutumés à ce genre de vie sont repris pour être attelés de nouveau.

Mais je reviens à Kizlar, dont cette digression m'a éloigné.

Après y avoir passé huit jours, nous en repartîmes le 28 octobre 9 novembre pour Astrakhan. Nous avions espéré faire le voyage en quatre jours, et nous y employâmes plus de huit jours. Au temps magnifique que nous avions eu depuis plusieurs mois, avoit succédé le vent le plus violent. Non-seulement il avoit déplacé les sables, mais il avoit couvert et obstrué tous les passages, et les avoit rendus méconnoissables. A chaque instant les postillons s'égaroient; ils trouvoient devant eux des montagnes de sable, et étoient obligés d'aller chercher aux relais cinq ou six chevaux de plus pour nous faire sortir des mauvais pas où nous nous trouvions engagés.

Lorsqu'au mois de juin 1818 je traversai cette même contrée, et que la beauté du temps contrastoit avec celui dont nous éprouvions dans ce moment tous les désagréments, nous rencontråmes une horde de Tartares. Elle abandonnoit le cantonnement qu'elle avoit occupé pendant quelques semaines, pour en chercherun autre plus convenable à ses troupeaux. Des tentes formées avec des lattes extrêmement légères, et couvertes de feutre, étoient placées sur des voitures, dont elles dépassoient les roues de deux pieds de chaque côté. Des enfants de moins de

huit ans couroient à cheval pour rassembler les bestiaux épars, et les faire avancer sur le point de départ; les femmes, avec les enfants en bas âge, étoient renfermés dans des voitures couvertes on ne pouvoit assez admirer le respect et l'obéissance affectueuse des Tartares envers leurs chefs. Ceux-ci vinrent nous saluer de la manière la plus affable, et nous offrirent du lait et des fromages; quelques-uns vouloient absolument nous accompagner pendant plusieurs werstes il sembloit que notre passage dans leurs steppes nous avoit acquis les droits de l'hospitalité. La marche de ces tribus, les déserts où nous nous trouvions, ces troupeaux de toute espèce, ces serviteurs si obéissants, ces enfants si respectueux, tout nous rappeloit les mœurs et les usages des premiers peuples pasteurs.

Cette immense steppe, située entre le Caucase, le Don, la mer Caspienne et la mer d'Azow, est privée de bois et de bonne eau; la plus grande partie de ces terres fournissent pendant quelques mois un peu d'herbe. Elles ne seroient propres ni à la culture des céréales, ni à celle du sesame, du coton et du riz. Ainsi les peuples nomades, qu'on peut appeler les agriculteurs du désert, trouvent seuls les moyens d'entretenir dans cette contrée une grande quantité de chevaux et de

bestiaux de toute espèce. Autrefois les Tartares Nogais faisoient partie de ces tribus errantes; mais leur caractère remuant et leurs agressions continuelles ont déterminé l'empereur Alexandre à en faire un peuple sédentaire et cultivateur. C'est sur les bords de l'Oubitchnei, près de l'embouchure de cette rivière dans la mer d'Azow, que sont fixés aujourd'hui ces Nogaïs. L'honorable tâche de changer les mœurs, les usages, les habitudes de ces peuples, de leur donner les premiers éléments de la civilisation, a été confiée à un Français, M. le comte Maison. Il seroit trop long de donner ici l'histoire des moyens à la fois ingénieux et pleins d'humanité qu'il a employés pour obtenir un tel résultat.

Au milieu de la solitude du désert que nous traversions, nous apercevions fréquemment l'aigle de la grande et de la petite espèce, le vautour, l'épervier, tous les animaux de proie; les cygnes, les oies, les canards de plumages variés, les cigognes, les grues, les hérons, y sont très-nombreux. Ils sont attirés par la grande quantité de poissons disséminés dans les lacs, et dont on abandonne les débris sur les bords du Wolga, après en avoir retiré le caviar, la colle de poisson, et quelques filets qu'on fume ou qu'on sale.

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