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d'une marche lente et pénible, nous conduisirent jusqu'au haut de la montagne Saint-Christophe, point le plus élevé que nous devions atteindre. Sur la droite, on voit un petit monument surmonté d'une croix, sous l'invocation de ce saint.

A Saint-Christophe, nous renvoyâmes nos Ossètes, qui furent très-contents de trouver, en dédommagement de la corvée pour laquelle on les avoit réunis, 25 copecs de gratification pour

chacun d'eux.

Cependant nous n'avions pas encore surmonté toutes les difficultés de la route. Elle étoit quelquefois obstruée, souvent entièrement couverte de pierres énormes entraînées par les avalanches. On étoit forcé, pour pratiquer un passage, de briser les pierres, ou de les transporter hors de la voie, et ce travail pénible fut cause que nous mimes neuf heures pour parcourir les dix werstes qui nous séparoient de Cachaour, où nous arrivâmes à trois heures après midi.

Par suite des obstacles que présente cette route, tous les transports du commerce se font, pendant neuf mois de l'année, à dos de cheval; ce n'est qu'en août, septembre et octobre, qu'on voit arriver à Tiflis des charriots russes et tartares chargés de marchandises.

Un peu avant d'arriver à Cachaour, nous rencontrâmes des Ossètes à cheval; quelques-uns étoient armés de sabres, de fusils, de pistolets; plus loin, des Géorgiens escortoient un convoi de chevaux chargés chacun de deux ballots renfermant des cotons, des soies et d'autres productions de la Perse, expédiées pour la foire de Makariew.

Cachaour est une petite forteresse située à l'extrémité de la vallée que nous avions parcourue le matin. Nous en partîmes le lendemain de bonne heure pour Passanaour, qui est éloigné de dix-huit werstes. Pendant les huit premières, on descend continuellement par un chemin étroit et très-difficile : il est bordé, d'un côté, par le revers d'une haute montagne; de l'autre côté, se trouve un précipice de plus de cent toises de profondeur.

Au milieu des dangers continuels de cette route, nous jouissions de la vue d'une magnifique vallée que traverse l'Aragvi, rivière qui, descendant du mont Saint-Christophe dans le sens opposé au Terek, n'a cependant pas une rapidité égale à celle de ce dernier fleuve.

Nous avions pris le parti de marcher jusqu'au bas de la montagne. Pendant que nous nous reposions en attendant la voiture, nous vîmes

passer un seigneur Ingouche, suivi de quelques vassaux. Ils étoient tous à cheval. Le seigneur étoit revêtu d'une cotte de mailles et d'une cuirasse de fer; il portoit sur la tête un casque qui se terminoit en pointe, et au bras gauche un petit bouclier de cuir d'environ un pied de diamètre; un fusil en bandoulière, un sabre, un pistolet et un poignard complétoient son armure. Ses serviteurs n'étoient pas équipés d'une manière moins formidable. Ils étoient suivis de six chiens lévriers d'une très-grande espèce. Comme nous étions nous-mêmes bien escortés, la rencontre d'une pareille troupe n'eut pour nous rien d'alarmant : elle nous eût peut-être inquiétés en d'autres circonstances.

Après avoir laissé sur la droite un très-beau village nommé Melety, remarquable par sa position à mi-côte, et par la beauté des pâturages dont il est environné, nous nous arrêtâmes à un ancien monastère bâti en pierre, qui sert aujourd'hui de caserne, et dépend de la forteresse de Cachaour. L'Italie, le Tyrol et la Suisse n'offrent rien de plus admirable et de plus romantique que la vallée de l'Aragvi, qu'on traverse, à peu de distance du monastère, sur un pont assez bien construit en pierre et en bois. Aux rochers escarpés qui menacent sans cesse

d'écraser les voyageurs de leurs débris; aux montagnes couvertes de neiges et de glaces que nous parcourions depuis deux jours, succédoient des collines et des prairies de la plus belle verdure. D'un côté, nous apercevions les montagnes colossales que nous venions de traverser, et qui elles-mêmes étoient dominées par les cimes couvertes de neiges de deux pics isolés. De l'autre côté, le paysage étoit animé par une foule de villages, dont les terres environnantes étoient cultivées avec beaucoup de soin.

Le contraste entre les habitants des deux contrées n'étoit pas moins remarquable. A la figure distinguée et à la taille élevée de ceux qui occupoient la vallée de l'Aragvi, il étoit facile de juger que nous avions quitté le pays des Ossètes, et que nous nous trouvions en Géorgie. De temps en temps nous apercevions, soit isolément, soit près des villages, des tours carrées, des débris de murs et de forteresses, presque tous en pierre ou en brique, et qui, situés presque toujours sur le sommet des montagnes, de même que sur les bords du Rhin, indiquoient que cette contrée avoit été souvent exposée aux envahissements et aux brigandages de ses voi

sins.

Nous fimes halte à dix werstes de Cachaour,

au bord de l'Aragvi, dans une position admirable, vis-à-vis d'un très-beau village, avec lequel on communiquoit par un pont en clayonnage, et soutenu par trois poutres. Un berger qui y passoit s'arrêta au milieu du pont pour jeter successivement à l'eau tous les moutons de son troupeau. Cet usage, que les pasteurs de ce canton suivent régulièrement tous les jours, débarrasse les moutons du suint, et contribue à la beauté de leur toison. L'Aragvi est, dans cet endroit, si rapide, que souvent ces animaux sont entraînés à cent ou cent cinquante pas, avant de pouvoir atteindre le bord opposé : cependant jamais aucun d'eux ne se noie. Ces moutons sont d'une petite taille; la laine en est frisée et soyeuse. Les vaches et les bœufs qu'on rencontre dans toutes les montagnes du Caucase sont aussi d'une petite espèce.

Dans cette contrée, surtout dans le pays occupé par les Ossètes, on voit un assez grand nombre d'ànes. Cet animal utile semble rejeté de la Russie méridionale en deçà du Caucase. Lorsque nous rencontrâmes le premier, notre domestique, né dans les plaines de Cataneo en Sicile, exprima par des exclamations tout le plaisir qu'il éprouvoit en revoyant un animal qui lui rappeloit sa patrie. On se souvient encore

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