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velle ville: elle est régulièrement bâtie; presque toutes les maisons sont construites en pierres ou en briques. De très-belles rues aboutissent à une place carrée : la plus remarquable de ces rues est occupée par les Persans. Le long des maisons règne une galerie en arcades; elles ont été bâties par un architecte italien, nommé Digbi. Il étoit encore à Astrakhan pendant mon premier séjour dans cette ville, et s'y étoit fixé à son retour d'un voyage en Immirette et en Mingrelie, qu'il avoit fait avec feu Reinegg. Une rue transversale est occupée par les Hindous. Les Russes et les Arméniens habitent aussi la nouvelle ville.

A l'extrémité orientale d'Astrakhan, se trouvoit autrefois un marais infect formé par une petite rivière (la Coutume), qui se jette sur ce point dans le Wolga. Le riche Varvachi en a encaissé les eaux dans un canal, dont les quais, construits en bois, sont devenus la principale promenade de la ville. Au-delà de cette rivière sont les quartiers occupés par les Tartares. Leurs habitations, la plupart en bois, ne présentent à l'extérieur que le fatigant aspect de longs murs ou de façades en planches. Les fenêtres et les issues de ces maisons sont placées dans l'intérieur, selon l'usage des Musulmans. Au milieu

de ces demeures, s'est élevée, depuis quelques années, une très-belle maison, construite en briques et couverte en plaques de fer. Elle appartient à Aga-Mamet, qui passoit alors pour être le plus riche des Tartares : il y avoit réuni le luxe de l'Europe et de l'Asie. Les chambres, les galeries, de vastes salles étoient revêtues en stucs; les plafonds étoient peints à fresque : des lustres de cristal ou de bronzes dorés y étoient suspendus; des tapis de Perse, des ottomanes couvertes de riches étoffes, garnissoient les appartements des candelabres, des porcelaines de la Chine décoroient les tables et les consoles; les cours, les jardins, les bâtiments destinés aux femmes, tout correspondoit à la magnificence de ce qu'on peut appeler un palais au milieu des modestes habitations de ses compatriotes (1).

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Dans le quartier des Tartares habitent quelques Turcomans et des Bouckhares ; plus loin, de nombreux Calmouks demeurent dans des baraques de bois ou sous des tentes de feutre. Enfin, sur les bords du Wolga, dans un immense terrain entouré de murs, sont placés la maison de l'amiral qui commande la flotte de la mer

(1) On m'a assuré que la ruine de ce Tartare avoit été la suite de tant de dépenses et de spéculations mal conçues ou malheureuses.

Caspienne, les magasins, les forges, les corderies, l'hôpital, tout ce qui constitue l'établissement d'une marine impériale, et tel que Pierrele-Grand étoit capable de le concevoir.

La population d'Astrakhan s'élève à quarante ou quarante-cinq mille âmes, réunion de toutes les nations de l'Asie, de tous les peuples de l'Europe. Au milieu des différences que présentent le costume, le langage, les mœurs, les usages, la religion de tant de peuples divers, on ne peut assez admirer l'accord parfait qui règne entre tant d'hommes appartenant autrefois à des gouvernements différents, presque toujours en état de guerre, et qui ont abjuré leur haine et leur rivalité sous un souverain qui leur accorde à tous une protection égale.

On peut évaluer à vingt mille âmes les Russes établis à Astrakhan : le plus grand nombre s'occupe de commerce. On trouve parmi eux des ouvriers de tous les états : les marchands y sont généralement riches. On peut difficilement se faire une idée de la quantité de voitures qui se réunissent les jours de grandes solennités, comme aux fêtes de Pâques. Les femmes se distinguent alors par la richesse de leurs vêtements; leurs robes sont de brocard d'or et d'argent; leur tête, leurs bras, leur cou, leur

ceinture, sont garnis d'une grande quantité de perles, de diamants et de pierres précieuses. Les Russes d'Astrakhan ont conservé les mœurs anciennes : le plus grand nombre portent la barbe; ils s'abstiennent de fumer, et repoussent toute innovation. Parmi eux on trouve beaucoup d'hommes de la secte qu'on nomme raskolniks, ou vrais croyans.

Les Tartares fixés à Astrakhan sont au moins au nombre de dix mille; ils descendent presque tous des conquérants de cette contrée. L'éducation des chevaux et des bestiaux est leur occupation principale. Ils sont aussi commerçants et voituriers, et jouissent généralement d'une grande réputation de probité. Il en est un grand nombre auxquels on peut confier en toute sûreté le transport des soies, des cotons et des autres riches productions de l'Asie, qu'on expédie pour Moscou ou pour la foire de Makariew. On peut s'arranger avec des Tartares lorsqu'on veut aller d'Astrakhan à Taganrog ou à Mozdok, en passant par les déserts. Il n'en coûte pour six chevaux que 360 roubles assignations; mais sur une route de deux cents lieues, on ne trouve pas une seule ville, pas une seule habitation: on ne rencontre de distance en distance que des hordes nomades avec leurs troupeaux. On

voyage comme dans les premiers siècles du monde; on couche sous des tentes, on s'arrête près des lacs ou des sources.

C'est sur le chemin d'Astrakhan à Mozdok qu'on trouve près de la Kouma les ruines de l'ancienne ville de Madjar, dont Pallas et M. Klaproth parlent dans leurs voyages, et qui, dans le temps du commerce des Vénitiens à Tana, servoit de lieu de passage et d'entrepôt pour les marchandises qui étoient transportées de l'embouchure du Terek sur la mer d'Azow. Tous les Tartares établis à Astrakhan sont mahométans sunnites ; ils y ont une très-belle mosquée. Les Tartares n'étant plus dans un continuel état de guerre avec leurs voisins, ni forcés de défendre à main armée la jouissance de leurs pâturages, n'ont rien conservé de leurs anciennes mœurs barbares. Ils ont aujourd'hui toutes les vertus des peuples pasteurs; ils ont perdu tous les vices des peuples guerriers.

Ces Tartares, d'un caractère doux et tranquille, descendent cependant de ces Tartares qui, sous la conduite de Tamerlan, portèrent leurs armes depuis le golfe Persique jusqu'au Caucase, depuis l'Euphrate jusque dans l'Inde, et qui partout se signalèrent par leurs cruautés. Ce Tamerlan, qui a trouvé un historien et un

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